La main rabat la quatrième de couverture et reste dessus un instant, comme pour sentir au creux de la paume le flux et reflux, le souffle de vie qui va et qui vient de tout le corps vers le centre, du centre vers tout le corps - et au-delà - la main posée sur le livre comme sur un cœur battant.
La lumière est basse.
On relève les yeux sur la porte-fenêtre devant. Dehors, le temps est passé, le jour s'achève. On devine le soleil sur le point de se coucher.
On bâille, s'étire, se sent engourdi, un peu hébété aussi. On se lève, lentement, dans le silence.
Une bibliothèque apparait. Elle surprend, comme si elle venait de passer la porte, faisant son entrée dans le monde, et, à sa suite, une foule de détails qui attendaient dans les coulisses s'élancent sur scène. En un éclair, on prend conscience n'avoir rien regardé lorsque l'on était entré entre ces quatre murs de papier, on observe, enfin ; un canapé, à côté ; un fauteuil, dans un coin ; un buffet, derrière la porte ; une cuisinière, en dessous d'une fenêtre ; un placard, là ; un autre, ici ; puis une porte, fermée.
Une bibliothèque. Oui, il y a d'autres histoires ici, on connait certains titres, se surprend à y trouver un en particulier. Un peu de poussière recouvre le livre, moins que sur les autres en tout cas. On le prend. Entre les mains, on regarde, frôle la matière cartonnée, l'ouvre, respire l'odeur du papier et de l'encre bleue qui ne sent plus rien. On se saisit d'un second aussi, ce qui semble être la suite de l'histoire que l'on vient de lire. On ne l'ouvre pas, se figure ce qu'il renferme. On le saura bien assez tôt, nous avons le temps.
Et comme mettant les couverts pour le repas du lendemain, on dépose les livres sur la table. D'un placard, on sort un verre que l'on remplit d'eau. On boit, jusqu'à manquer d'air, avant d'en prendre un immense bol. On boit encore. C'est bon. Rempli à nouveau et le verre à la main, on marche dans la maison, arrive à la porte-fenêtre. L'ouvre. Sort. Contemple.
L'air est bon, il est bon autant que l'eau ; l'eau de l'étang, placide, où les arbres et un ciel rose se reflètent. Le vent souffle. Les arbres dansent, ils ne se sont jamais arrêtés de danser. Les poumons se gonflent, se vident, se regonflent, lentement.
/ L'histoire se poursuit dans son silence, trouvera son prolongement en ton corps, ton regard et ta voix, en ces mots qu'à ton tour tu offriras... \
Le souffle entre, en douceur, se propage dans l'être. On frissonne. Le cœur bat une douce musique qui se mêle aux chants des oiseaux. Peut-être un rossignol, un merle, un moineau, un étourneau ou d'autres passereaux que l'on ne saurait différencier. Là, on reconnait le roucoulement d'une tourterelle.
La paix.
Comment des idées peuvent-elles être un lieu ?
Le repos.
Si elles ne peuvent l'être, comment se fait-il que nous les ressentions, là, ici, autour et à l'intérieur de nous ?
Les étoiles apparaissent.
Pas besoin d'être sous un Dôme, pourrait-on penser, il s'élève à l'intérieur de l'esprit, plafond de verre et murs en béton, enfermé sûrement par nos propres limites, dans notre propre idée de la liberté...
Rentrons dans la maison, ne refermons pas derrière nous. Nous pourrions nous assoir sur le canapé à côté de la bibliothèque, enlever nos chaussures, nous allonger. Un courant d'air traverse la pièce.
Qu'est-ce qui nous lie ? La question revient, cette graine qui fut plantée, comme une amande, elle a germé depuis et l'on ressent les bourgeons s'ouvrir. Le lien... le lien n'est pas laisse, ni entrave, mais tresse entre des trajectoires, de l'espace en mouvement, et des points de rencontre, en partage de temps, des « où » et des « quand » qui n'exigent en conditions préalables que d'être présent, non à côté de soi et des événements, comme se rencontrent deux étoiles dans l'espace, improbable, explosif, phénoménale, deux êtres qui alors partagent une parole, un ça-voir, en une co-naissance...
Il fait nuit.
Les paupières se font lourdes. Ne luttons pas, laissons-nous aller.
Un rêve.
Il y a encore tant de belles histoires à vivre...
Sourions.
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Une nuit parmi les étoiles [Roman]
Fiksi Ilmiah"Qu'importe que cela ait existé ou annonce ce qui existera, c'est une vérité dans laquelle tu es pris à partie. Tu ne peux y échapper, même si tu choisis de fermer le livre à cet instant. Fuir est une des solutions pour traiter ce qui nous dérange...