Chapitre 26 - Une idée lumineuse

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Dans le couloir, personne. Raphaël s'élance à toute allure pour rattraper la minute qui est partie sans lui. Un quart de tour sur la droite, l'ascenseur est droit devant, les portes sont en train de se refermer. Le jeune homme pousse sur ses jambes, « Attendez-moi ». Personne à l'intérieur ne réagit, on le regarde à travers l'interstice de plus en plus fin. Il se rapproche, on l'entend encore « Attendez-moi ». Il fonce, tend le bras, passe entre les deux portes d'acier qui se referment sur lui. Un cri d'horreur résonne dans la cage d'ascenseur prête à partir. On sursaute. Ce cri est à vous arracher le cœur, il est poussé par une citoyenne au col bleu de l'autre côté des portes, elle fixe cette main qui se crispe à deux centimètres de son nez. Instantanément, les capteurs détectent la présence d'un corps pris entre les portes. Elles s'ouvrent.

Tu n'avais quand même pas cru que la main de Raphaël allait être broyée par le mécanisme ? Il sourit, Raphaël, c'est ce qu'il sait faire de mieux, être à l'heure est une autre histoire ! Il s'excuse aussi, il ne voulait pas faire peur à la citoyenne, même si, au fond, cela l'amuse. À voir les visages des autres citoyens, il semble être le seul à trouver ça amusant. Il s'excuse à nouveau, passe entre les corps pour prendre sa place, parmi les autres, dans la boîte qui monte et qui descend. Les mécanismes se remettent en marche. On descend.

— J'ai encore failli le manquer, dit le jeune homme à son voisin.

Le même voisin que d'habitude. Un col bleu, comme lui.

Je ne peux pas être en retard aujourd'hui, j'ai rendez-vous, ajoute Raphaël en le regardant.

Le voisin ne tourne pas la tête vers lui. Il a les yeux cerclés de gris.

— C'est pas la grande forme ce matin... Tu devrais aller voir H., c'est le meilleur que je connaisse. Je suis sûr que ça te ferait du bien.

"Hum !" répond le voisin.

— Je lui parlerai de toi, conclut Raphaël.

Le jeune homme tourne son regard vers les autres passagers qui habitent au même étage que lui. Il les connaît tous, plus ou moins.

Dans un coin, une jeune citoyenne a les yeux rivés sur lui. Il le sent. Il fait mine de rien voir, il joue avec sa bouche, la tord à droite, la tord à gauche, regarde en l'air, puis dirige ses yeux vers elle, sourit et dans un mouvement de lèvres lui dit « Bonjour ». Aussitôt, la jeune femme se détourne. Elle ne sourit pas, ne répond pas, mais elle rougit en clignant mille fois des paupières. C'est qu'on ne s'attend pas à ce genre de chose et encore moins à ce sourire, c'est un soleil ce sourire, il éblouit. Raphaël aime envoyer ce genre de cadeaux.

L'ascenseur ralentit. On ne le sent presque pas. Raphaël fait attention à autre chose : l'odeur du citoyen devant lui prend le nez, c'est presque désagréable ; il se demande pourquoi la main de son voisin de gauche s'ouvre et se referme ; ou encore pourquoi la citoyenne à sa droite, juste devant lui, avance le genou, puis l'autre, puis l'autre encore, à croire que ses jambes se retiennent de marcher, ou bien a-t-elle froid et tente de se réchauffer, c'est vrai qu'il fait froid en ce moment.

" Passez une belle journée, avec Kodalyne, le rehausseur de goût pour sublimer la vie." Les portes s'ouvrent. Dans le calme, l'ascenseur se vide et Raphaël répond en direction du haut-parleur :

— Belle journée à vous aussi.

"Quand vas-tu arrêter de parler tous les matins à ce fichu machin ?" rouspète un citoyen au col blanc qui marche à côté de Raphaël.

— Je rends la politesse que l'on m'adresse, répond-il.

"C'est une machine", fait remarquer le citoyen d'un air dédaigneux.

Une nuit parmi les étoiles [Roman]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant