Dehors tout a changé.
L'eau emplit le vide et monte jusqu'à l'ajour de la cage. L'air est brûlant. Amandine respire difficilement. Ses larmes pourraient venir s'ajouter à l'océan de maux sur lequel flotte une coquille de bois.
Le ciel est une toile noire, toutes les étoiles sont tombées des nues et brillent dans les cages, devant, non loin d'elle. Amandine regarde leurs lueurs et perçoit une jungle dense. Des arbres titanesques ont brisé les vitres et sortent de chacune des cages. Certains ont percé les charpentes ou encore émergent directement de l'eau, une eau de mots noirs qui remplace le vide, sur laquelle flotte une coque en bois. Une brume fantasmagorique parcourt ici et là la surface des maux, les dissimule, bouge à sa guise, voilant, dévoilant le sens d'une parole tombée dans l'eau.
Règnent ici le silence et le grincement du bois de la coque, Amandine refuse de lire ce qu'elle voit.
Et elle voit des arbres recouverts de suie, des cages fragiles, des cabanes sur pilotis ou accrochées aux arbres. Des filets d'eau coulent des cages élevées au-dessus du niveau des maux. Amandine pleure. Le ruissellement s'accentue. Amandine pleure. Torrents. Amandine pleure. Cascades. Les pleurs jaillissent par les lucarnes, ils suintent des façades, ils percent les murs pour se jeter dans les vides inondés.
Amandine est une fille de l'eau. Elle est en colère. Elle est en pleurs. Elle est en souffrance.
Un souffle, des sons, une voix lui parvient :
/ Entends-nous. \
Elle ne veut plus rien entendre.
*
Amandine oublie, ne veut plus rien voir, plus rien savoir, veut que tout s'arrête.
Elle oublie qu'elle s'amusait à imaginer ce que serait la vie dans le Dôme si la nature en prenait possession. Elle oublie la méthode, le pouvoir transmis par Honoré, pour combattre son Ombre. Elle en oublie qu'elle aimait imaginer la ville abandonnée au silence, aux arbres et aux plantes. Elle oublie qu'elle imaginait les tours transformées en monuments végétaux, gardant le souvenir évanescent du passage des hommes. Elle oublie qu'elle imaginait les machines rongées par la rouille, leurs rouages mis à nu, subissant l'épreuve du temps. Elle oublie la parole inscrite sur l'écorce du Cèdre bleu.
Elle oublie qu'une barque est amarrée devant elle.
*
Un éclair pourfend le ciel. Un coup de tonnerre résonne. La terreur est là. Les yeux aveuglés par la peur, elle regarde ce qui pourtant aurait pu être merveilleux.
Le rideau tombe.
Trois coups pour trois plaies : Boum ! Boum ! Boum !
Les portes d'un paradis se referment.
*
Bruine virevolte. Cascades deviennent chutes d'eau. Silence se brise dans le fracas d'un arbre qui abat une cabane. Lueur se noie. Océan, noir de maux, se met en mouvement. Vent se lève. Mouvement devient agitation. Océan monte et monte encore. Vent devient bourrasque. Agitation devient vagues. Bruine devient pluie. Vagues s'élèvent, se perdent dans le ciel et retombent dans un coup de tonnerre. Maux tourbillonnent. Encre noire prononce les paroles.
Amandine les entend.
● Souffrir. ●
Elle pleure.
● Finir. ●
Elle regrette ces mots.
● Détruire. ●
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Une nuit parmi les étoiles [Roman]
Ciencia Ficción"Qu'importe que cela ait existé ou annonce ce qui existera, c'est une vérité dans laquelle tu es pris à partie. Tu ne peux y échapper, même si tu choisis de fermer le livre à cet instant. Fuir est une des solutions pour traiter ce qui nous dérange...