Victoria :
Deux ans plus tard
Installée dans le petit salon de ma somptueuse suite d'hôtel, je contemple pour ce qui me semble être la millionième fois le petit bout de papier posé bien à plat sur la table basse.
D'une main tremblante, je prends le papier épais et lourd, calligraphié de façon exquise, comme tous les papiers de ce genre. Je ne pensais pas qu'une telle chose m'arriverait, mais la vie est pleine d'imprévus.
Ma mère sort de la salle de bain, vêtue du moelleux peignoir fourni par l'hôtel. Elle ne le lâche pas depuis que nous sommes arrivées il y a bientôt deux jours. Elle estime qu'au prix de la chambre, si elle a envie de porter le peignoir de l'hôtel, et bien elle a le droit de porter le peignoir de l'hôtel. Quand elle regarde ce que je tiens dans ma main, elle lève les yeux au ciel.
- Il va finir par se désagréger tu sais.
- Haha très drôle.
Je lève les yeux au ciel à mon tour.
Diane nous sert du café et s'assoit en face de moi, puis, tout en buvant son café à longs traits, elle me scrute avec intensité, comme c'est le cas depuis que ce papier est arrivé dans ma vie.
- Tu ne vas pas faire marche arrière quand même ?
Sa question est ponctuée à la fin d'une marque d'hystérie. Que je flippe à la dernière minute est bien la dernière chose dont elle a envie.
- Non, maman, je réponds doucement. Je ne vais pas m'enfuir en courant, je te rassure.
Ses épaules se détendent, et manifestement soulagée, elle continue de boire son café.
Le mariage.
Je ne sais pas si je suis prête pour ça, je ne sais pas si je suis prête à faire face à cette épreuve et à tout ce qui va avec, mais je suis là maintenant, et je ne peux pas faire marche arrière. Enfin, si, je pourrais, mais ce serait trop lâche et surtout trop compliqué. Je suis une adulte qui prend des décisions et qui doit les assumer. Au fond de moi, je suis morte de trouille, mais j'essaie de montrer l'image d'une femme forte.
- Tu sais que je suis là de toute façon, dit ma mère subitement. A chaque pas, je serai avec toi. Tu ne seras jamais vraiment toute seule.
Je hoche la tête avec détermination, essayant de m'encourager avec ses paroles.
- Bon, je crois que tu devrais te préparer, dit ma mère en tapant des mains. June risque de t'attendre.
J'acquiesce, et vais dans la salle de bain pour prendre une bonne douche chaude. Une fois sous le jet d'eau puissant, un gloussement incrédule s'échappe de ma gorge.
June va se marier.
J'ai encore du mal à y croire.
Quand j'ai reçu le faire-part il y a quelques mois, j'ai recraché mon café dans ma tasse, littéralement. Cette première surprise a été balayée par une deuxième, presque aussi étonnante. Le nom de Kyle n'apparaissait pas sur le petit bout de papier. La dernière fois que j'avais entendu parler de la vie sentimentale de June, elle était toujours avec ce garçon rencontré à la fac. Je ne l'ai vu qu'à une ou deux reprises, mais il était plutôt sympa.
La surprise occasionnée par cette grande nouvelle avait aussitôt fait naître une boule d'angoisse dans ma gorge. June avait le même âge que moi et j'avais eu un peu de mal à comprendre au premier abord ce qui avait pu la pousser à s'engager. J'ignorais complètement que June était favorable au mariage.
Curiosité supplémentaire qui m'avait empêché de dormir de nombreuses nuits : l'identité du futur marié. Rien de tel qu'un mystère de cette taille pour me provoquer des insomnies. Moi et ma curiosité maladive ...
June allait se marier avec un homme dont le nom de famille était à particules, j'avais donc peu de doutes quant à la classe sociale de cet homme. Je m'étais précipité sur mon téléphone, m'était connectée à Facebook et avait harcelé mon amie de messages et de smiley choqués. June avait fini par me répondre ; une réponse d'une simplicité déconcertante : elle comprenait mes interrogations, m'expliquerait tout quand on se verrait.
J'avais rendez-vous avec June dans moins d'une heure pour déjeuner avec elle. Son mariage avait lieu le lendemain matin, dans un lieu dont l'adresse m'était inconnue.
Je dois admettre que je suis plutôt flattée que June m'accorde quelques heures à l'aube de son union. Mais plus le temps avance, plus mon stress devient palpable. Puisqu'il y a une personne que je m'apprête à revoir, et que je n'ai aucune idée de ce que je vais faire.
Ces deux dernières années sont passées à une vitesse folle. Ce genre de moment dans votre vie où vous vous couchez en février et où vous vous réveillez en juillet deux ans plus tard.
Les semaines qui ont suivi le départ de Nate ont probablement été les plus difficiles de ma vie. Contrairement à la première fois, nous n'avions pas vraiment rompu ; Nate repartait juste pour finir ses études. Néanmoins, je m'étais traîné pendant des semaines dans la maison, telle une âme errante. Il me manquait chaque minute, chaque seconde.
Au début, Nate m'a harcelé de messages, se plaignant constamment de son retour à Seattle. Je comprenais sa mauvaise humeur, me sentant dans le même état d'esprit. Mais il devait le faire, pour lui. Seulement, le temps était passé bien différemment de ce que je m'étais imaginé.
Il a fallu que je « reconstruise » ma relation avec ma mère. Je sais que ça peut sembler ridicule, mais je lui en ai vraiment voulu de m'avoir caché les soupçons qu'elle avait envers Nate. Et puis après ça, les mois ont défilé, passant à une vitesse inouïe. J'ai obtenu mon diplôme quasiment en même temps que Nate.
Pendant tout ce temps, ses messages se faisaient pressant, ses mails me suppliait de le rejoindre le plus vite possible à Seattle ou à New-York, peu importe où, du moment que nous étions ensemble. Je ne répondais qu'à certain de ses messages.
Même si je crevais d'envie de le rejoindre et de presser mon corps contre le sien, les problèmes n'étaient toujours pas résolus. Nous devions nous construire une vie chacun de notre côté avant d'envisager d'en vivre une tous les deux.
Alors les mois ont continué de s'écouler, inexorablement. La fréquence des mails de Nate a fini par diminuer dangereusement, jusqu'à ce que je ne reçoive qu'un petit mail toutes les deux semaines.
Ça ne faisait rien. C'était en tout cas ce que je ne cessais de me répéter comme un mantra. J'essayais de me rassurer en me disant qu'après tout, c'était moi qui avais demandé à Nate de partir. Je me disais bêtement que pas de nouvelles, bonnes nouvelles.
Après tout, Nate était en train de faire exactement ce que je lui avais demandé : prendre de la distance et se construire un avenir. Mais il me manquait, tous les jours.
Après l'obtention de mon diplôme, j'ai été rapidement embauchée dans une petite maison d'édition alternative en tant qu'assistante d'édition. J'ai fait la connaissance de gens sympas avec qui je sortais de temps en temps.
Un jour, environ un an après le départ de Nate, je suis sortie avec un de mes collègues, Jules, qui travaillait à la comptabilité. Mais ça n'a pas marché, bien entendu. On ne devrait pas sortir avec quelqu'un si votre cœur est déjà pris, croyez-moi ça ne marche pas.
Aujourd'hui je ne sais pas trop où Nate et moi nous en sommes. J'imagine qu'on ne peut plus prétendre être en couple. C'était peut-être écrit. Il a l'air d'être heureux, en tout cas. Quant à moi, j'espère que ça va venir. J'attends toujours le jour où je dirai sur je vais « super bien » plutôt que juste « bien ».
Pour l'instant, je vais déjeuner avec ma meilleure amie qui doit se marier.
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Omggg bond dans le temps + avouez que vous avez cru que Victoria se mariait au début hein hein hein hein ?
Que pensez-vous de ce bon dans le temps ? De la "relation" entre Nate et Victoria ? Du mariage de June ?
Votez et surtout commentez !!! :)
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Manibus Retorta II
RomanceDe retour en France, Victoria reprend le cours de sa vie monotone et insipide. Après s'être sentie plus vivante que jamais, elle se sent désormais brisée, incapable d'avancer et de passer à autre chose. Nate, de son côté, a été rattrapé par ses men...