Contes et OS sur Eldarya

La Protection du Vampire. Part 1

Et si durant la fuite de Nevra et Julie dans "Quand tu traverses l'Enfer, surtout continue d'avancer", un lien invisible les avaient liés tous les deux ? Si la protection que vouait Nevra à Julie était motivée par des sentiments naissants plus forts que la simple promesse qu'il avait faite à son ami Ezarel ? Petit retour en arrière, avec une vision plus approfondie et une lecture entre les lignes...

Un jour après l'assaut du Q.G

Nevra et Julie avançaient péniblement, encore et encore, sans jamais s'arrêter. Le dos courbé par une fatigue extrême, Julie suivait Nevra sans mot dire. Ils n'avaient cessé d'avancer depuis l'assaut du Q.G, Nevra jugeait qu'il fallait continuer de s'éloigner le plus possible du lieu de bataille par sécurité. Mais si le vampire avait l'endurance et la résistance pour ce genre d'épreuve, il n'en était pas de même pour Julie.
La jeune fille était encore choquée par la violence de l'attaque, et elle revoyait les corps sans vie joncher le sol, la fuite précipitée des guerriers d'Eel habituellement si fiers..Ezarel au sol qui hurlait à Nevra de partir. Elle ne savait pas très bien si elle en voulait à Nevra de l'avoir forcée à le suivre ou si elle lui était reconnaissante de lui avoir sauvé la vie en abandonnant l'Elfe à un sort funeste. Elle n'avait plus dit un mot depuis qu'ils avaient couru à toute allure pour fuir l'attaque, Nevra la forçant à suivre son rythme en la tenant par le poignet, elle se contentant de le suivre quelques pas derrière lui, ne regardant même pas le paysage désolé qui les entourait. Ses yeux était fixés au sol, son esprit était entouré d'une brume tant la jeune fille était perdue et effrayée. Elle avait l'impression d'avoir des hallucinations, l'air venait parfois à manquer dans ses poumons épuisés, elle avait mal au cœur tant elle se sentait coupable d'avoir fuis mais elle avançait, suivant inlassablement les traces du vampire qui ne semblait pas se rendre compte de sa douleur.
Leur fuite précipitée dura presque une journée entière, et Nevra ne semblait pas vouloir faire de pause. Infatigable et borné, il marchait, le regard fixé sur l'horizon. Ce n'est que lorsqu'il entendit un gémissement lointain qu'il daigna enfin s'arrêter. Il détourna lentement ses yeux de la forêt qu'il apercevait au loin et qu'il voulait rejoindre, pour regarder en arrière. Son cœur se serra. Julie, probablement morte de fatigue, s'était effondrée au sol, les yeux clos. Nevra se maudit. Il avait complètement oublié que la jeune fille n'avait ni l'endurance ni les ressources nécessaires pour sortir indemne d'une telle course à la survie. Et il avait fait la promesse à Ezarel de la sauver, il ne pouvait décemment pas la tuer de la sorte.

Avec douceur, il s'agenouilla à ses côtés et posa sa main sur son épaule avec douceur. Son visage était crispé de douleur, et elle semblait en proie à un désespoir qui lui fit mal au cœur.

- Debout, murmura t-il. On est presque arrivés.
- On va où ? demanda Julie dans un souffle.

Nevra lui désigna les arbres au loin et lui prit la main.

- On sera en sécurité là-bas, expliqua t-il. Allez, viens...

Julie se releva avec difficultés et cette fois, Nevra ne la laissa pas derrière. Il lui jetait fréquemment des coups d'œil inquiets, s'assurant qu'elle n'allait pas s'effondrer encore. Elle avait du mal à marcher, boitait légèrement et du sang parsemait sa tenue et sa peau de toute part. Lui-même n'était pas en forme, mais il préférait faire abstraction de ses propres blessures dont une qui était plus importante que toutes les autres. Et puis...il était un guerrier expérimenté, il avait l'habitude des situations de survie. Il était robuste et était passé maître dans l'art de prendre des décisions qui lui assurerait la vie. Cependant, Nevra n'avait pas l'habitude d'avoir quelqu'un sous sa protection, et cela l'effrayait. Il avait peur de ne pas être à la hauteur, peur de faillir à sa promesse et lorsqu'il sentait le petit corps fébrile de Julie contre lui, il ne pouvait s'empêcher de penser que le moindre choc la briserait en deux, elle n'était pas préparée à une telle épreuve. Il devait prendre soin d'elle, par tous les moyens.
Et Nevra ne connaissait que très peu Julie au final. Lorsqu'elle était arrivée sur Eldarya, la jeune fille s'était immédiatement intégrée avec une facilité déconcertante, et Ezarel avait presque jalousement posé un veto sur elle, tant et si bien qu'il ne la voyait pas autrement que comme la "future" d'Ezarel. Il parlait de temps à autres avec elle, se rappelait avoir souvent ris en sa présence, mais la vie de Nevra n'était alors rythmée que par ses missions et l'entraînement de ses guerriers, il n'accordait donc que très peu d'importance à l'humaine. Il l'appréciait, mais il n'avait jamais cherché plus loin. Elle était avec son ami.
Et voilà qu'elle était auprès de lui par la force des choses, tentant péniblement de suivre le rythme qu'il lui imposait. Nevra ne pouvait que reconnaître qu'elle ne manquait pas de courage. Il ne l'avait pas entendu une seule fois se plaindre, et elle avait tenu le rythme malgré tout. Le vampire se rendait compte qu'il ne la connaissait pas, il ne savait rien d'elle, et il ne pouvait nier qu'une curiosité soudaine à son égard naissait petit à petit lorsqu'il croisait son regard exténué, comme si c'était la première fois qu'il la voyait vraiment.
Ils n'étaient que deux inconnus avançant péniblement dans le paysage désert et aride, fuyant une guerre meurtrière qui avait déjà tant fait de victimes.

Nevra et Julie se laissèrent tomber dans la clairière en soupirant de soulagement. Ils étaient enfin arrivés dans la forêt qui assurerait leur protection durant quelques jours. Il se passa quelques minutes sans que ni l'un ni l'autre ne sache quoi dire. Nevra regardait attentivement sa blessure, ne sachant qu'en penser. Elle n'était pas profonde, mais très mal située et risquait de mal cicatriser si elle n'était pas soignée. Julie se taisait aussi, mais ses yeux ne pouvaient se détacher du vêtements ensanglanté de son sauveur. Elle se rappelait vaguement avoir entendu Ezarel lui dire qu'il avait sauvé la vie du vampire une fois, en lui faisant boire son sang car il n'y avait rien à disposition pour que Nevra reprenne des forces. Ses pupilles fatiguées convergèrent vers son propre bras, elle pouvait voir ses veines gonflées laisser une traînée bleutée le long de sa peau. Peut-être que...Une chose était sûre, elle ne survivrait jamais sans Nevra, elle avait besoin de lui. Même si la perspective de le voir se nourrir de son sang l'effrayait, celle de survivre prenait le dessus. Elle se glissa lentement près de lui, et souleva son débardeur pour voir l'étendue des dégâts, ne tenant pas compte du regard étonné de son partenaire de fortune. Son cœur rata un battement. La blessure n'était pas jolie. Couverte de poussière et de sang coagulé, Julie était presque certaine qu'elle était en train de s'infecter. Son regard anthracite croisa l'ébène de celui de Nevra, et ils restèrent quelques secondes à se dévisager, semblant comprendre plus de choses l'un sur l'autre durant ces quelques secondes qu'en ayant une conversation de trois heures.

Puis Julie remonta sa manche et lui présenta son bras. Elle fut apeurée par les pupilles de Nevra qui se dilatèrent tout à coup, mais resta courageusement ancrée dans sa décision.

- Tu es sûre ? murmura Nevra en la regardant fixement, comprenant quel geste elle souhaitait faire pour lui. Je ne suis pas en état de refuser une aide pareille, mais je te laisse le choix de te rétracter.
- J'en suis sûre, souffla Julie d'une voix éraillée. J'ai...besoin de toi.

Nevra cilla l'espace de quelques instant. Ces paroles avaient remué quelque chose en lui. Personne ne lui avait jamais dit ça. Personne n'avait jamais laissé entendre qu'on avait besoin de lui, et il ne savait dire si c'était de la joie de se sentir indispensable et important pour quelqu'un ou de la gratitude. Nevra n'hésita pas longtemps, et s'excusa silencieusement auprès de la jeune fille avant de mordre en douceur sa chair tendre. Il était résolu à ne pas prendre plus que nécessaire de son sang, mais ce fut dur d'arrêter. Son sang était doux et sucré, il coulait dans sa gorge en lui réchauffant le corps. Il sentait déjà que ça allait mieux. Il but quelques gorgées, n'osant pas la regarder, puis se sépara d'elle avec regret.

- Merci, dit-il simplement en laissant sa tête reposer contre la souche d'arbre qui était derrière lui, les yeux mi-clos.

Julie hocha la tête et rabattit sa manche, mal à l'aise, et se laissa aller à son tour, prise de vertiges. Ils restèrent un petit moment étendus, savourant le retour au calme. Aucun bruit ne venait troubler le calme de la forêt si ce n'était la respiration saccadée de Julie qui se calmait petit à petit. Nevra sentait bien qu'elle n'était pas bien, il voyait sa poitrine se soulever au rythme de son souffle irrégulier, et ses yeux étaient perdus dans le vide, songeurs. Il l'observa attentivement à la dérobée, avachi contre son arbre mort et se rendit compte de ce qu'Ezarel pouvait lui trouver. Incontestablement, Julie était une jolie fille. Plus encore. Son visage était doux et avenant, mais ses yeux étaient d'une brillance subjuguante. Il pouvait y déceler le moindre de ses sentiments, comme lorsqu'il lisait un livre. D'un gris pailleté d'ambre, ses grands yeux voilés révélaient une profonde tristesse mêlée à une hargne que Nevra associait à l'instinct de survie. Elle songeait sans aucun doute à Ezarel, qu'ils avaient dû laisser derrière eux par la force des choses, mais elle était également anxieuse quant à leur sort.
Nevra n'aurait su expliquer pourquoi, mais il fut totalement fasciné par ce visage si anxieux. C'était comme si la douleur qu'elle ressentait le transperçait de part et d'autre. La gorge nouée, il lui saisit la main d'un geste incertain et lui embrassa la paume avec douceur.

- On va s'en sortir, dit-il, la voix cassée. Je te le jure Julie. Aussi longtemps que je vivrais, je ne laisserais personne te faire du mal.

Julie réussi à esquisser un sourire, mais ses lèvres étaient si sèches qu'elle eu mal. Elle remercia Nevra d'un regard remplie d'émotion et lui serra la main avec chaleur avant de fermer les yeux. Elle ne tarda pas à s'endormir d'un sommeil agité sous l'œil protecteur de Nevra qui se sentait affublé d'une mission encore plus importante que celle de sauver sa propre peau. Malgré l'avenir incertain, malgré la guerre et le sort de ses compagnons, il devait rester l'homme inébranlable et solide, le Rempart comme Miko aimait à le surnommer, car il ce n'était plus son sort qui était en jeu, mais aussi celui de Julie, et il n'était plus question de la jouer en solo.