Chapitre 9 : Jellal

2.8K 299 44
                                    

A peine eut il reprit conscience que le premier réflexe de Jellal fut d'ouvrir les yeux. Si il ne vit que le plafond d'un blanc un peu terni, son esprit était fixé sur une seule couleur.

Rouge

Tout lui revenait en mémoire d'un seul coup. Si lors de ses années heureuses avec les Dragneel il pensait avoir réussit à mettre de côté son enfance houleuse, il voyait maintenant qu'il s'était trompé sur toute la ligne. Des images surgissaient par flashs dans son esprit. Si certaines étaient aussi heureuses que peuvent l'être des souvenirs d'enfant traumatisé, elles lui étaient tout de même affreusement douloureuses.

Ses cheveux, il ne voyait plus que ça dans son esprit. Son visage ? Oublié. La couleur de ses yeux, qui l'avaient pourtant tant de fois fixé avec inquiétude ? Il aurait été totalement incapable de le dire.

Et au rouge de ses cheveux se mêlait le orange du feu de l'incendie qui ce soir là lui avait brûlé le coeur et ravi tant de camarades qui lui étaient chers. Mais il voyait, ou plutôt sentait encore et toujours en lui une autre flamme, bien différente, qu'elle avait autrefois possédé, même enfant. Celle de la rage, de la passion, de la rébellion, celle qui ce soir là l'avait arrachée à lui.

Si douloureux... Ce souvenir lui faisait bien plus de mal qu'il ne l'aurait pensé. Pourtant, comparé à d'autres moments de son enfance à l'Orphelinat du Paradis, ce n'était qu'un acte de violence en plus. Mais cette fois ci... Il revoyait encore cette silhouette écarlate de dresser, fière, au milieu des gosses terrorisés. Il la revoyait faire face à un des adultes chargés de les garder. Il la revoyait se débattre comme une furie dans les bras de ces gens l'emportant loin de lui. Il s'entendait hurler.

Et plus jamais il ne l'avait revue. Deux jours plus tard, alors qu'il était lui même emmené pour "tentative de rébellion", les flammes avaient envahi l'espace. Il avait senti l'air le brûler, il avait entendu les cris. Et il avait couru. Loin de cet endroit maudit, de cet enfer, le plus loin possible.

Pour lui, elle était morte. Son souvenir, trop douloureux, avait été atténué. Ce visage si brave qu'il revoyait dans tous ses cauchemars, il l'avait effacé. Pourtant, en voyant la photo sur ce dossier, Jellal n'avait pas eu l'ombre d'un doute. Comment aurait il expliqué pouvoir reconnaître quelqu'un dont il avait jusque là oublié les traits ? Il ne le savait pas lui même. Cependant, c'était une certitude, et il n'y avait pas à tergiverser. C'était bel et bien elle, en chair et en os.

Son prénom... Il arrivait à peine à le prononcer sans avoir envie de fondre en larmes.

Erza Scarlet

Avec un sursaut, il se redressa. Cette chambre n'était pas la sienne, mais, à en juger par les monceaux de disques empilés un peu partout, le tableau couvert de photos d'une femme aux cheveux blancs avec les mentions "Mirajane Strauss -Capitaine de la garde royale-", celle de Luxus. Jellal ne comprit pas, puis se souvint que la chambre du guitariste était celle la plus proche de l'escalier. Il en déduit qu'après son évanouissement on avait dû le transporter là en attendant qu'il se réveille.

Le jeune homme se leva et marcha jusqu'à la porte comme un fantôme, la main sur l'oeil droit, la mâchoire serrée. Il posa la main sur la poignée, s'apprêtant à l'abaisser, mais se stoppa immédiatement en percevant des voix. Deux hommes, deux femme. Sans doute Mavis, Zeleph et Natsu pour les trois premières, mais si la dernière voix, indéniablement féminine, lui disait quelque chose, il ne la remettait pas clairement.

Jellal fronça les sourcils, et se crispa. Il ressentait une douleur fantôme à son oeil droit. Pour se concentrer sur autre chose, et surtout tenter de déterminer l'origine de la voix, il s'adossa à la porte, glissa jusqu'au sol, recroquevillé, et ouvrit grand ses oreilles. C'était un fait, il était atrocement mal, mais pas physiquement. Et ça lui faisait encore plus peur. Son coeur et son cerveau enfiévrés semblaient s'être donné le mot pour le torturer de concert.

Il se concentra un maximum sur ce qu'il entendait. Des sanglots, du côté de la chambre près de celle de Luxus. Il pensait que c'était Mavis et Zeleph qui s'y trouvaient, mais les « Je t'aime », « Oh, Mavis ! » et autres démonstrations d'affections ne le renseignaient pas. Après tout, au fond, il s'en foutait comme de l'an quarante sur ce qu'il pouvait bien se passer dans cette chambre près de la sienne. Tout ce qu'il souhaitait, c'était cesser de souffrir, sans oublier encore une fois.

Ensuite, il perçut Natsu qui gueulait. Ça, ce n'était pas difficile. Il parlait de droit de visite, de famille, de potes et de mariage, avec le tout saupoudré de grossièretés écorchant les oreilles. La seconde voix se mit elle aussi à augmenter de volume, et Jellal arrêta de respirer. Il avait reconnu la personne qui gueulait si souvent après les frères Dragneel quand il était arrivé chez Ignir.

Il se releva d'un bond, se cognant la tête contre la poignée, et se jeta sur celle ci afin d'ouvrir la porte. Il entendit le bruit caractéristique de quelqu'un se fracassant contre les marches, mais s'en moquait bien.

Comme il le pensait, Polyussica se tenait là, furibonde, une canne ne lui servant strictement à rien dans la main droite. Il trahit sa présence par un couinement étranglé. La vieille femme se retourna immédiatement en sa direction, et écarquilla un instant les yeux, la surprise se peignant un bref moment sur son visage.

L'instant d'après, elle avait fondu sur lui et le bombardait de questions auxquelles il répondit mécaniquement comme un robot, la main toujours crispée sur son oeil droit. Il comprenait désormais l'origine de cette douleur qui l'avait assailli. Le jour où il s'était présenté à la porte de la résidence Dragneel, salement amoché après une histoire qu'il ne se sentait pas le courage de raconter, c'était elle qui l'avait soigné et qui avait sauvé son oeil droit. Il en avait gardé une trace indélébile, bien sûr, comme le témoignait cette immense cicatrice restée rouge vive telle une marque de fer rouge, si alambiquée qu'on aurait dit un tatouage.

Mais il oublia la douleur à l'instant où il entendit la porte d'entrée s'ouvrir et une voix horriblement familière -encore- retentir. Ignorant totalement Polyussica, il dévala les marches sans tomber une seule fois, et se retrouva face à l'entrée.

Pas seulement face à la porte, mais aussi face à sept personnes qui n'étaient pas là lorsqu'il s'était évanoui.

Pas seulement face à sept individus, surtout face à une femme aux cheveux rouges qui s'était figée en le voyant débouler.

Tous deux incapables d'esquisser un seul mouvement, ils se contentèrent de se fixer sous les yeux ébahis des autres, qui sans réellement savoir de quoi il en retournait avaient saisit qu'il se déroulait quelque chose d'important juste sous leur nez.

- Erza... murmura t-il, en même temps qu'elle lâchait d'une voix brisée :

- Jellal...


Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.
BodyguardsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant