Chapitre 34 : Un remède

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Anna traînait Acnologia par la main dans la ville depuis quelques minutes. L'homme aux longs cheveux bleus était amorphe. Il regardait distraitement le paysage, un peu perdu dans ses pensées. Il se laissait guider à travers les rues par sa collègue. De toute manière, il savait parfaitement où elle l'emmenait. A chaque fois qu'ils venaient à Arbaless et que les hôtels n'étaient pas disponibles -merci saison touristique-, quand ils se retrouvaient obligés d'habiter quelques temps le manoir, Anna et lui avaient une sorte de tradition. Ils allaient toujours au même endroit. C'était un rituel rassurant, apaisant, qu'ils effectuaient tous les deux. Jamais Acnologia n'aurait pensé s'y retrouver sans Anna et inversement.

L'homme aux tatouages ne fit pas vraiment attention, mais lorsque sa compagne se stoppa devant un petit bâtiment fait de pierres, arborant une enseigne défraîchie, il dû sortir de ses pensées. Sans un mot, les mains toujours liées, ils passèrent la porte. Un carillon sonna, et une odeur de vieux livres vint presque aussitôt les assaillir. Pourtant, ils n'étaient pas dans une bibliothèque ou une librairie.

Des pas se firent entendre, ils tournèrent automatiquement la tête. Un vieil homme surgit des escaliers menant sans doute à une cave situés au fond de l'unique pièce. Il était de taille élevée, avait des cheveux mi longs, jadis blonds mais tirant désormais vers le gris, un collier hérissé de piques autour du cou et portait un tablier tâché de substances inconnues, mais Anna aurait juré reconnaître du curry. Son visage changea du tout au tout quand il aperçut ses visiteurs. Ses yeux masqués par des lunettes de soleil de modèle assez ringard et sa bouche s'agrandirent, presque jusqu'à former un "O" parfait, et si il avait eu quelque chose en main, il l'aurait lâché.

En trottinant, le vieil homme se dirigea vers eux en s'écriant :

- Dame Heartfilia ! Seigneur Acnologia ! Par La Déesse, veuillez excuser ma tenue !

D'un même mouvement, les concernés grimacèrent. Ils ne firent pas vraiment attention au patron de l'endroit qui ne cessait de déblatérer des excuses, totalement paniqué pour des raisons plus futiles les unes que les autres. Un instant, leurs mains se serrèrent plus fort alors que de vieux souvenirs douloureux pour l'un comme pour l'autre remontaient. Cependant, ils reprirent bien vite le dessus et eurent un sourire pour le vieil homme qui s'agitait pour aller chercher à droite à gauche de la nourriture et de quoi se désaltérer.

Comprenant qu'il ne servait à rien de dire à l'étrange personnage de cesser de les nommer avec des mots qu'ils avaient pour leur part oubliés au plus profond de leur mémoire, ils s'assirent à une des tables présente dans la pièce. La même qu'à chaque fois. Et ils savaient déjà ce que l'homme aux cheveux gris allait poser devant eux dans quelques instants.

Anna d'ordinaire plutôt bavarde n'ouvrit pas la bouche. Acnologia, déjà peu loquace, ne daigna pas non plus lâcher un mot. Ils contentèrent de regarder l'endroit où ils étaient entrés quelques minutes plus tôt, comme si il le découvraient, alors qu'ils étaient déjà venus tant de fois. Les pierres rouges et grises, le comptoir au bois usé, la cuisine n'ayant jamais été modernisée, les tables toujours solides malgré leur aspect branlant, et le patron du restaurant, qui se fondait parfaitement dans tout ce décor un peu vieillot. Acnologia ne put s'empêcher de penser qu'ils avaient également leur place là dedans, tous les deux. Pourtant pas si vieux en âges, vingt sept ans seulement, ils avaient beaucoup de choses en eux, beaucoup de vécu. Peut être trop. Oui, sans doute trop. A cause de ça, on pouvait sans doute les intégrer au décor. Ne les considérer que comme des reliques, les effacer. C'était ça, rien que des éléments de décoration...

Le plat brusquement posé sur les tables les fit sursauter. Trop plongés dans leurs pensées, Anna et Acnologia n'avaient pas entendu le vieil homme arriver avec une immense assiette remplie de nourriture fumante. Des mets d'Arbaless, dont ils connaissaient le goût par coeur. Le patron de l'endroit tira une chaise et s'assit avec eux en silence.

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