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C'est comme ça que je me retrouvais au beau milieu de Créteil, devant cette façade Haussmannienne jaunie par le temps. Une plaque dorée indiquait sur la grille que je me trouvais bel et bien devant l'ASE.
Mais qu'est ce que je faisais là sérieusement, en jogging et bonnet à quinze heures. J'avais beau être antipathique ces derniers temps, je n'étais pas un aussi gros bâtard pour ne pas me rendre à ce genre de rendez vous. Et puis, ce dernier m'intriguait et je savais que si je ne m'y étais pas rendu au moins pour en connaître la raison, j'aurais cogité pendant plusieurs jours. Et maintenant que j'y étais, je n'osais plus franchir la grille. Je me posais beaucoup de questions sur ma venue ici, et clairement, ça commençait à me tirailler l'esprit et à m'énerver.

Au bout d'une bonne dizaine de minutes, debout et immobile devant cette façade, ma clope au bec, je me décidais enfin à entrer. Plus vite j'y entrai, plus vite j'en sortirai.
Le couloir d'entrée était lumineux, et aux murs étaient affichés de nombreux diplômes d'État de nombreuses profession, toutes en relations avec les enfants. Alors que je poussais une nouvelle porte qui semblait me mener vers l'accueil, je me retrouvais de nouveau devant un long couloir, décoré de nombreuses têtes d'enfants souriant face à l'objectif. Je continuais mon chemin jusqu'à l'accueil, tenu par une binoclarde pas plus vieille que moi.

Je tentais de racler ma gorge pour lui indiquer ma présence et cette dernière me lançait un sourire éclatant.

- Je suis Ken Samaras, on m'a convoqué ici.

Elle sortait sa liste avant d'acquiescer et de me demander d'aller m'asseoir en attendant que la directrice vienne me chercher. Assis, je regardais autour de moi en cherchant une occupation possible, et en tournant la tête je tombais sur un magasine, "Comment éduquer votre enfant, de l'éveil au passage au propre".
Je relâchais ce dernier rapidement, ayant l'impression d'être un intrus dans ce lieu. Je n'étais pas à ma place ici, c'est sûr. Alors que je continuais à tenter de trouver une position confortable dans ce lieu qui ne l'était visiblement pas, une dame âgée portant de petites lunettes en demi lune s'approchait de moi, un sourire rassurant aux lèvres et en faisant résonner ses talons dans le hall. Au premier abord, c'était une femme qui dégageait quelque chose de profond, de bienveillant. Elle me faisait directement penser à ma grand mère, le genre de personne prêt à aider n'importe qui en ayant besoin. Ce genre de femme en qui tu peux donner ta confiance rien qu'à la première rencontre.
Elle s'approchait de moi avant de me tendre sa main.

- Vous êtes Monsieur Samaras ?

- Ouais.

Elle faisait demi tour en m'indiquant d'un signe de tête que je la suive jusqu'à un petit bureau aux couleurs grise et jaune. Nous nous asseyions face à face avant que je prenne la parole, pressé de partir de cet endroit qui me mettais mal à l'aise et dans l'incompréhension.

- Du coup, si vous pouviez juste me dire ce que je fais là ?

Elle s'éclaircissait doucement la gorge avant de s'affaisser dans son grand siège et de claquer le bout de son stylo sur le bureau, tout en me regardant.

- Écoutez, c'est compliqué à expliquer et difficile à comprendre, mais, étiez vous au courant que votre père avait eu une relation avec une autre femme que votre mère ?

J'ouvrais la bouche sous la stupéfaction. J'avais bien sûr été au courant de cette histoire. Mes parents, il y a 4 ans de cela, s'étaient séparés pendant une année. Lors de cette période, mon père, perdu et malheureux, avait vécu une histoire amoureuse avec une femme de dix ans sa cadette, s'étant également séparée de son mari. Ils s'étaient tout deux rencontrés à la salle de sport que mon père fréquentait à l'époque, et s'étaient entendus sur leurs histoires douloureuses. Malheureusement, ou heureusement, il avait quitté Grace, sa jeune et belle anglaise, pour retrouver sa véritable famille lorsqu'on lui avait découvert un cancer des poumons.
Nous avions alors directement été mis au courant de cette histoire, ma soeur, moi et ma mère, puisque mon père nous l'avait raconté, honteux et préférant ne rien nous cacher en cette période. Comme il aimait dire, il voulait mourir dans la paix, la prospérité, la vérité mais surtout accompagné de son véritable amour, ma mère.
Mon père était décédé un an et trois mois après nous avoir retrouvé, c'était il y a désormais 10 mois, et aujourd'hui j'avais toujours du mal lorsqu'on me parlait de lui.

Je sortais de mes pensées et levais mes yeux, qui fixaient depuis déjà quelques minutes mes mains, vers la vieille dame.

- Pourquoi vous me parlez de ça ?

Ma voix était maintenant bien plus calme, c'était presque un chuchotement, et tout commençait à s'assembler dans mon esprit. Je savais que ce que j'allais entendre n'allait pas me plaire.

- Un enfant est né de cette union.

Le ciel me tombait sur la tête sous cette phrase. Ça ne pouvait être possible, mon père était déjà vieux et à cette période j'avais déjà 27 ans, il ne nous aurait pas pondu un autre gosse, il n'en aurait pas été capable, il respecte trop ma mère pour ça, j'en suis certain.

- Non. Vous vous trompez, je me levais du siège prêt à partir, c'est impossible il en aurait parlé.

J'aurais pu être énervé, furieux. Pourtant, ma voix sèche, restait calme, je ne croyais en aucuns points de cette histoire. Ça ne pouvait pas être possible.

- On pense qu'il ne le savait pas. L'enfant a été reconnu par le mari de cette femme. Votre père n'est jamais entré dans la vie de cet enfant, de quelconque façon.

Je commençais à m'énerver sérieusement face à toutes les questions émergeant dans mon esprit. Je tournais dans la pièce comme un lion, les mains posées sur la tête, tandis que la directrice me regardait calmement.

- Et en quoi ça me concerne de toute façon hein ! Qu'est ce que ça peut me foutre, je le connais pas, je m'en tape !

- C'est une procédure, vous et votre soeur êtes les dernières personnes du même sang, puisque ses parents sont décédés d'un accident de voiture il y a quelques mois. Vous êtes sa dernière famille, et lorsqu'on est face à un orphelin, la procédure veut qu'on recherche toute personne du même sang, avant de lancer une quelconque adoption.

Mes mains passaient nerveusement dans mes cheveux face à mon manque de réaction, et mes bagues s'enroulaient dans mes cheveux tandis que je cherchais une solution possible à ce problème. Je ne savais même pas ce que cette femme attendait de moi, même si je m'en doutais vu le lieu. Je ne savais pas non plus ce qu'aurais voulu mon père de son vivant. A ce moment là, j'avais l'impression d'être étouffé dans ce bureau. Mes mains retombaient lentement le long de mon corps.

- J'en ai assez entendu, faites ce que vous voulez, je veux pas en entendre parler de toute façon. Au revoir.

Je claquais la porte et partais vite de cet endroit. En sortant, je prenais une grande inspiration pour tenter d'y voir plus clair, et m'éloignais le plus possible du bâtiment tout en sortant mon téléphone.

- Ouais Cha', on se retrouve demain chez Maman ? Pose pas de questions je t'expliquerai là bas.

NOAHOù les histoires vivent. Découvrez maintenant