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Arpentant les nombreuses allées de la fête foraine, nos visages illuminés par les innombrables lumières multicolores des différents stands, nous profitions ensemble de la fin de cet été qui avait été le premier d'une nouvelle vie.
Nous étions rentrés depuis maintenant plus d'une semaine, et depuis, les visites à la nouvelle école de Noah, les balades et les grasses matinées s'étaient succédés à une vitesse folles, nous rapprochant de plus en plus de la fin des vacances.

- Eh Ken, regarde ce qu'on lui a gagné encore ! Moh hurlait au milieu de la foule, me faisant tourner le regard vers le petit groupe que mes potes formaient autour du stand de tir.

Il brandissait à bout de bras une gigantesque girafe en peluche, tandis que Noah sautillait sur place, à ses pieds, lui intimant de lui donner son cadeau. Je rigolais doucement, les yeux fixés sur l'enfant, tout de même inquiet en voyant les gars s'élancer vers un nouveau stand, Noah courant derrière eux, traîné par la main de Doums.
Surveillant de loin leurs conneries, je restais avec Hakim, fumant nos cigarettes respectives, appuyés contre le muret de la place.

- Il va se passer quoi maintenant pour vous ?

- Comment ça ? Je fixais mon ami, détournais pour la première fois mes yeux du groupe.

- C'est quoi la suite, les prochaines étapes pour toi et la gnome ?

Je levais les yeux au ciel, excédé par les mots de mon meilleur ami qui tentait de faire le dur alors que nous savions tous qu'il s'attachait de jour en jour à ma soeur.
Sa question me revenait en tête et je soufflais, lassé de penser au futur et à ce qui nous attendait et à ce qui m'attendait en terme de responsabilité.
Haussant les épaules, j'écrasais ma clope au sol.

- Elle va aller dans sa nouvelle école, le soir elle sera à la périscolaire comme ça je pourrais taffer jusqu'à 17 heures, et après la routine.

Il hochait la tête, fixant notre groupe d'amis irratables avec leurs cris à chacun des stands.

- Et toi ? Il tournait son visage vers moi, plongeant son regard dans le mien. T'as a peine 30 ans, tu vas pas me faire croire que tu veux plus voir de meufs, aller en boîte et tout.

- C'est plus la priorité Mek, tu le sais très bien.

Il soufflait bruyamment, mécontent que je ne parle pas en totale sincérité.

- Tu voudrais que je te dise quoi ? Je marquai un temps de pause, captant son regard. Ouais j'aimerais bien faire tout ça à nouveau mais tu sais très bien où ça m'a conduit d'avoir cette vie là et tu étais le premier à vouloir que j'en sorte alors viens pas me faire chier maintenant que je suis bien. Il tentait de répliquer, relançant le sujet des meufs, mais je le coupais. Je trouverais une solution, ma soeur est là, vous vous êtes la donc j'y arriverai bien. Je te l'ai dis, pour l'instant, mon bonheur en terme de sexe et de soirée n'est pas ma priorité.

Il levait les mais en l'air, en ayant compris face à mon ton que je ne souhaitais pas continuer sur cette discussion avec lui. Le futur avec Noah, il m'étais pour l'instant difficile de l'imaginer. Malgré ma bonne volonté et mon amour pour elle, j'étais d'abord Ken, et celui ci aurait parfois besoin de retrouver sa liberté d'avant. Mais penser à ce que j'avais perdu en gardant Noah me faisait plus de mal qu'en réfléchissant à ce que j'y avais gagner, et je préférais me concentrer sur ce point là.
Au loin, j'apercevais les gars, achetant une énième sucrerie à Noah, après la barbe à papa et les nombreuses crêpes et beignets qu'elle avait déjà avalées.

- Putain ils sont relous là, je me décollais du muret, sortant mes mains de mes poches et m'élançant vers la troupe.

Arrivant à leur hauteur et déterminé à m'énerver, je me ravisais lorsque Noah, au centre de l'attroupement des gars, se tournait vers moi, un gigantesque sucette et un rire enfantin échappant de sa bouche. De ses grands yeux noirs émanait un sentiment de bonheur profond, et c'est toujours avec ce regard qu'elle réussissait à me faire craquer. Relâchant mes muscles, je souriais, heureux de la voir heureuse, et incapable de lui gâcher cette journée.
Je me penchais en avant et l'attrapais, la posant sur ma hanche pour avoir ton visage face au mien. Ouvrant grand la bouche, je lui demandais de me donner la sucette géante.
Elle plaçait cette dernière dans ma bouche, un sourire espiègle sur le visage.

- Huuuum, tu sais que je vais la garder ?

Elle rigolait et s'agrippait a moi, tentant de récupérer sa sucette sans tomber de mes bras.
Autour de nous, les mecs me fixaient, jaugeant ma réaction et tentant d'analyser ce que j'allais pouvoir leur reprocher.
Je redonnais sa sucette à Noah qui s'empressait de la manger, et tandis qu'elle était occupée, me tournais vers eux.

- Sérieux arrêtez de la gaver, elle va gerber ou alors je vais galèrer à la coucher tout à l'heure avec tous les excitants que vous lui filer.

Ils tentaient de s'exprimer en me suivant alors que je m'éloignais déjà avec Noah dans les bras vers les autres allées de la foire. Cette dernière semblait émerveillée par toutes les lumières, les musiques et les manèges à disposition, et je me promettais de revoir encore des milliers de fois cette lueur dans son regard.
Déposant Noah au sol, et replaçant la casquette, je sortais une nouvelle clope de ma poche fixant le soleil couchant en cette fin de soirée de mois d'août.
Je rejoignais alors Mek et son frère, qui semblaient déjà discuter d'un projet en marchant, et laissait les autres s'amuser avec Noah au milieu des différentes attractions.

- Vous parlez de quoi ?

- Du prochain album de Théo, il a enregistré ce matin, c'était lourd.

Nous discutions de ce projet qui semblait tenir à cœur à tout le monde me rappelant la force de cette amitié que nous avions construit au fil des années.
Au fil des minutes et après avoir fait différents tours de la fête foraine, nous retrouvions les autres, postés devant un stand de tir à la carabine tandis que Doums tentait de toucher un ballon alors qu'il avait du mal à se mettre à la hauteur de la cible.
Nous riions de ses nombreux échecs, et de son énervement alors qu'il se plaignait d'être gêné par les peluches suspendues au plafond de là camionnettes qui lui arrivaient dans les yeux.
Doums lâchait un nouveau billet sur la rembarre sous nos rires, déterminé à toucher un ballon, quand je cherchais du regard Noah.
Ne la voyant pas au premier instant, je cherchais derrière les jambes de mes frères sachant très bien qu'elle se faufilait ou elle voulait. Mais Noah n'était pas là, ni perchée sur les épaules de quelqu'un, ni debout tenant la jambe de l'un de nous.

- Elle est où Noah ?

Mon ton sérieux stoppait instinctivement tout amusement de la part du groupe et chacun se retournait vers moi.

- Elle est où ? Personne ne me répondait et je commençais à m'agiter, retirant ma casquette et laissant mes cheveux tomber sur mon front alors que les autres ne disaient pas un bruit mais tournaient la tête dans tous les sens, cherchant ma soeur. Putain les gars elle était avec vous !

Alors que je criais de plus en plus sur les gars, et que Mek tentait de me calmer en me résonnant, l'affolement prenait part de moi et je m'arrachais presque les cheveux de la tête, tournant en rond et scrutant les alentours de la foire.
J'attrapais Mohammed par le col, le plaquant contre une façade attirant les regards des autres passants.

- Elle était avec toi putain, je t'avais dis de la garder ! Elle est où ? Il ne me répondait pas, me lançant un regard désolé.

Je le lâchais brusquement, marchant d'un pas rapide dans les différentes allées de la foire. Plus les minutes passaient, plus l'angoisse grandissait et je comprenais alors que le sentiment de peur que j'avais quand je me perdais dans le supermarché en étant petit n'était rien comparé au sentiment que devais ressentir ma mère dans ses moments là.
Les poings serrés, les dents agrippant à chaque instant la lèvre inférieur et mes jambes courant à folle allure dans la foire, je ne cessais de m'imaginer le pire.
Et puis finalement, comme une petite fleur au milieu d'un énorme champ, je l'apercevais, sur le côté, exclue de la foule, sa sucette au sol et ses bras ballotant de chaque côté de ses hanches, regardant la foule passer.
Elle ne semblait pas avoir peur, et pourtant, elle était là, seule, ignorée de tous ceux qui passaient à côté d'elle.
Je marchais dans sa direction, soufflant à la fois de soulagement et de rage, et lorsqu'elle m'apercevais enfin, elle souriait naturellement, comme si rien n'était grave.
En me laissant tomber sur les genoux, l'intimant de venir dans mes bras, en plongeant mon nez dans ses cheveux blancs, et en sentant son odeur de bébé, je me rendais compte de la gravité de la situation.
Noah n'avait pas eu peur de se retrouver seule, car Noah était habituée à l'abandon.

NOAHOù les histoires vivent. Découvrez maintenant