NOAH

15

Étalé dans mon lit, les yeux clos et la bouche entre-ouverte, j'émergeais lentement de mon sommeil à cause du bruit constant de mon téléphone. J'attrapais ce dernier après avoir longuement hésité à me rendormir malgré ce réveil brusque, et, après avoir habitué mes yeux à la luminosité de l'objet, me relevais brutalement en me rendant compte de l'expéditeur de cet appel. Cinq jours étaient passés depuis mon entretien avec l'un des responsables des services d'aides à l'enfance, et je n'avais plus aucunes nouvelles, ni d'eux, ni de Claire. Ça m'avait d'abord inquiété, les deux premiers jours, puis j'avais appelé pour prendre des nouvelles de Noah, et on m'avait appris que Claire ne me rappèlerai qu'après avoir eu le ressenti de l'entretien par les agents. Alors j'avais attendu, le cœur prit par cet avis important qu'est ceux des services sociaux, un avis qui déterminerai beaucoup de choses, pour moi, pour Noah. J'avais passé ces 3 autres jours à écrire, comme à mon habitude depuis mon arrivé dans cet appartement, au beau milieu de la, normalement, future chambre de Noah.
C'est la fin de la sonnerie incessante de mon téléphone qui me coupait de mes pensées. J'avais loupé l'appel.

- Putain de merde.

Je basculais ma couette au bout de mes pieds et me relevais enfin, tout en tapant le numéro de Claire, que je finissais pas connaître par cœur. Une seule tonalité sonore retentissait avant que Claire ne décroche.

- Vous avez des nouvelles, demandais-je précipitamment, en oubliant même les règles de conduite.

J'entendais le rire calme de Claire derrière l'appareil, et ce dernier suffisait à me rassurer et à me calmer. Elle avait une bonne nouvelle à m'annoncer, ça se sentait.
Un silence apparaissait, pendant lequel mon sourire commençait à grandir.

- Ils vous ont apprécier, Ken, ils ont apprécié votre courage plus précisément. Je soufflais de soulagement, avant qu'elle ne me coupe.  Ils veulent vous voir à l'épreuve, et non plus seulement une après midi avec Noah dans un parc. Non, cette fois, ils veulent voir comment vous ressortiriez après deux jours à vous occuper d'elle, une nuit.

Je passais quelques secondes à assimiler ses paroles, à tenter de différencier la peur et l'envie face à cette nouvelle. Pourtant, c'est sans hésiter plus de temps qu'un grand sourire s'affichait sur mon visage en imaginant Noah dans mon appartement qui serait enfin comblé de son vide.

- Je suis prêt Claire, je vous le promet. Ça me fait peur, mais je pense que c'est normal hein. Mais j'en ai envie. Je veux qu'elle vienne. Qu'elle comprenne vraiment qu'elle ne sera plus jamais seule.

Je comprenais que Claire souriait lorsque se j'entendais son léger rire.

- Vous passez au foyer aujourd'hui, d'accord ? Noah commence à se demander où vous êtes passé. Puis on discutera un peu de tout ça.

J'acceptais directement, fatigué de là nonchalance que je menais depuis quelques jours.
Deux heures et demi plus tard, après m'être préparé au plus vite et avoir fait les nombreuses et interminables minutes de trajets, j'arrivais enfin au foyer, dont la simple grande porte verte sapin m'arrachait un sourire. Mais ce qui me rendait encore plus heureux, ce qui me comblait enfin entièrement après ces nombreux jours vides de sens, c'était la vision de Noah, souriant pleinement et courant s'écraser dans mes jambes après m'avoir aperçu entrer dans la pièce principale.
Profitant quelques instants du moment, je passais mes mains sous ses bras, la faisant glousser de rire, en la relevant contre mon torse.

- Ça va, Noah ?

Elle hochait vivement la tête, un timide sourire aux lèvres, et ses grands, brillants et sombres yeux fixants les miens. Après l'avoir serré dans mes bras autant que possible sans l'étouffer mais assez pour combler le manque que je ressentais ces derniers jours, je me dirigeais avec elle vers le bureau de Claire.

- Bonjour Claire, disais-je après être entré dans le bureau de cette dernière.

Claire, après s'être levé de son siège, me saluait et embrassait la joue de Noah, toujours dans mes bras. Puis, nous nous asseyions à son bureau et elle sortait les dossiers de Noah et le mien.

- Vous allez bien, Ken ?

Face à sa question, je baissais les yeux sur Noah, désormais sur mes genoux, qui tournoyait un des nombreux crayons de Claire dans ses petits doigts.

- Comment ça pourrait aller mieux, soupirais-je à voix basse.

Puis, Claire ouvrait les dossiers et commençait à m'expliquer plusieurs choses, mais rien ne parvenait à me tirer de mes pensées et détourner mon regard de ma petite sœur. C'est lorsque je la regardais que certaines questions me venaient à l'esprit. J'avais à la fois vraiment envie de présenter Noah à mes frères, leur montrer à quelle point elle représente une réelle source d'énergie, mais pourtant, je ne pouvais m'empêcher de vouloir la garder rien que pour moi le plus longtemps possible.

- Ken ?

Je reportais enfin mes yeux sur Claire, qui me regardait depuis quelques secondes, le regard aimant.

- Je fais ça pour vous. Elle laissait le silence faire les choses avant de reprendre ses explications au début. Ils ont donnés un accord provisoire à votre garde,c'est ce qu'il se passe dans la majorité des cas, ils veulent seulement en voir plus. Vous allez d'abord continuer à vous occupez d'elle une après midi de temps à autre, puis très vite, on vous confiera Noah deux jours, une nuit. Avant ça, ils viendront vous observez avec elle et analyser, en quelques sortes, l'environnement que vous voulez lui donner. La suite se fera après leur avis sur vos capacités lors de ces journées.

J'hochais la tête, pensif face à toutes ces nouvelles informations. J'aimais l'habitude, la routine qui ne m'angoisse plus, les journées qui se répètent. Mais depuis la venue de Noah dans ma vie, je ne pouvais m'empêcher de changer complètement. J'étais purement excité qu'elle vienne chambouler ma vie, mes habitudes, mon environnement.
De nouveau, Claire me coupait dans mes pensées en s'adressant, cette fois, à Noah qui continuait de trifouiller un crayon entre ses mains sans nous porter une quelconque attention.

- Et toi, Noah, ça te va ?

Cette dernière relevait enfin la tête de ses mains pour passer son regard de Claire à moi et inversement, ce qui provoquait mon sourire attendri.
Ses yeux étaient plissés, elle n'avait ni entendu, ni compris ce qu'il se passait, mais son regard faisait le reste.

- Moi, je veux être avec Ken.

Je souriais comme un con face à cette phrase tandis qu'elle retournait à son crayon. Crois moi, Noah, que désormais, plus personne ne nous empêchera d'être ensemble. Crois moi, Noah, nous serons réunis.