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J'avais prévenu les garçons dès le lendemain de mon achat, et je leur avais demandé de l'aide pour le déménagement.
Nous étions une semaine après ma visite, et ayant pu payer le bail, je pouvais emménager.
Nous nous retrouvions tous ensemble au milieu du séjour, entouré de cartons et d'une bière à la main. Tout mes frères étaient là, ils étaient tous heureux pour moi, de me voir changer de vie dans un certain sens. Les meubles étaient également arrivés, mais c'était encore un sacré bordel.

- D'ailleurs Nek, ya trois chambres ici c'est ça ?, Hakim me questionnait en fronçant les sourcils.

Je tentais de comprendre le réel but de sa question. Hakim n'était pas aveugle, il avait bien vu qu'il y avait trois chambres dans cet appartement, et je savais déjà où il voulait en venir.

- Hum, ouais. Y'a la mienne, et celle d'amis enfin pour vous.

- Et la troisième alors ?, cette fois ci, c'est Moh qui tentait sa chance.

J'haussais les épaules, déjà bien trop perturbé par cette histoire pour continuer à leur en parler. Surtout que j'avais pris la décision de retourner au foyer le lendemain, et que je n'étais pas parti pour leur dire.
Les conversations reprenaient doucement et Moh, assit à mes côtés se penchait vers moi.

- Tu vas la voir bientôt ?

J'avais hésité quelques secondes à lui révéler mon projet de demain, mais m'étais décidé quand je m'étais rappelé que Moh avait toujours été compréhensif envers moi, et il était celui qui souffrait le plus de mon malheur.

- J'y vais demain ouais.

Il hochait la tête et laissait le silence prendre place quelques instants.

- Et tu comptes faire quoi, rester derrière la vitre encore ?

Je soufflais d'énervement face à sa réflexion. C'est vrai que ces derniers mois, on ne peut dire que j'ai vraiment porté mes couilles dans cette histoire. Mais je n'avais clairement pas besoin de ses réflexions alors que je me sentais déjà très mal dans cette histoire.

- Me les casse pas Moh, sérieux.

Il levait les mains en l'air.

- J'ai rien dis. C'était plus une question qu'une affirmation.

Je levais les yeux au ciel et lui expliquais que demain je ne resterai pas derrière la vitre à l'observer, mais que j'irai enfin essayer de faire sa  connaissance.

          **********      ***********

Le matin de ma visite, je me réveillais une nouvelle fois angoissé, mais cette fois ci bien plus que la dernière fois. J'allais l'approcher, ça allait être le tout premier contact. Je n'arrivais pas à manger et je passais mon temps à me griller des cigarettes, pour tenter d'attendre un peu plus sereinement l'heure de mon départ vers l'agence. J'avais rendez vous à 15 heures. Pour me détendre, j'avais également passé une bonne partie de la matinée à écrire à même le parquet au beau milieu de la pièce la plus apaisante de mon appartement : la troisième chambre.
Cependant, l'heure de départ arrivait très vite et je quittais l'appartement, partagé entre l'angoisse et l'impatience de rencontrer Noah.
Je me retrouvais une nouvelle fois devant le grand immeuble Haussmannien mais ne prenait plus le temps d'observer les alentours, ni les couloirs lorsque je les longeait. Je fonçais directement dans le bureau de Claire; qui m'avait prévenu qu'elle voulais me parler avant que je n'aille voir Noah. Ça me rassurait, je pourrai sûrement lui poser les questions connes mais qui me perturbaient quand même l'esprit.
Après les banalités, nous nous asseiyons comme la dernière fois dans les deux sièges côtes à côtes. Elle m'expliquait alors les choses à ne pas dire, comment agir, et même si ces indications n'étaient pas nombreuses, ça me dérangeais de préparer une rencontre à ce point, avec des limites.
Je lui avais moi aussi posé quelques questions, sur Noah, son comportement, ses humeurs, ses capacités.

- Noah est une enfant dans la norme, mais dans la norme avancée. Elle est arrivée ici dans le premier mois de ses quatres ans, elle communiquait plutôt bien malgré sa timidité et le choc psychologique. Mais elle s'en est plutôt bien remise.

J'hochais la tête tout au long de son monologue. L'intelligence de Noah était normale, elle faisait partie de ma famille. C'était une blague.

- Avant l'accident elle était dans une école franco-anglaise, sous la volonté de sa mère qui était anglaise. Mais en arrivant ici on a dû l'a changé d'école par manque de moyen, et on a aujourd'hui pas la capacité de continuer à lui faire travailler l'anglais.

- Je peux payer l'école moi si vous voulez.

Elle pouffait de rire avant de poser son regard bienveillant sur moi.

- Pour l'instant elle n'est pas sous votre responsabilité, vous ne pouvez nous aider financièrement, et je pense qu'elle se plaît dans cette école, même si la priver de parler anglais va lui faire perdre la langue petit à petit. Mais tout ça se décidera lorsque vous prendrez sa responsabilité Ken.

Je fronçais les sourcils sous l'incompréhension, elle avait déjà insinuée que j'allais me charger de Noah, mais je n'eu pas le temps d'y réfléchir puisque Claire se levait, remettait sa jupe de tailleur droite.

- Vous êtes prêts ? On y va.

Je soufflais pour tenter de chasser mon angoisse et la suivais hors de son bureau. Cette fois ci, nous ne prenions pas le chemin de la baie vitrée, et nous rentruons dans un autre couloir, pleins de guirlandes lumineuses et de photos. Claire, qui marchait devant moi, se tournait en me souriant.

- Dans ce couloir, il y a une partie des chambres des enfants, mais c'est pour les plus vieux.

Je ne lui répondais pas, anxieux, noué dans la gorge. Nous continions notre marche jusqu'à un hall, et une nouvelle porte.

- C'est ici, j'imagine que je n'ai plus besoin de vous montrez Noah, vous la trouverez. Si elle ne vous parle pas au début, quelle ne vous prête pas attention, c'est normal. C'est une enfant qui observe plus qu'elle n'agit.

J'asquiescais une dernière fois et elle partait après avoir posé sa main sur mon épaule quelques secondes. J'étais désormais seul devant la porte en bois, et j'avais de plus en plus envie de partir en courant. Pourtant, après quelques minutes à peser le pour et le contre de cette rencontre, un élan de courage me faisait ouvrir la porte en grand.
J'observais alors la dizaine d'enfant jouant en face de moi. Pour la première fois j'entendais leurs voix, le bruit des jouets, et c'était étrangement reposant après être resté derrière une vitre à les voir bouger mais sans les entendre. Mais celle qui m'intéressait surtout, c'était Noah, et très vite, je la repérais, seule et en train de jouer avec un piano pour enfant. Je m'approchais lentement d'elle, et m'asseyais en tailleur en face d'elle, alors qu'elle n'avait toujours pas relevé le regard sur moi. Je restais dans le silence quelques minutes, elle ne m'avais toujours pas accordé d'importance même si nous étions face à face et proche. Elle continuait d'appuyer sur son piano calmement.

- Bonjour Noah.

Elle s'arrêtait de pianoter, et relevait lentement la tête vers moi, la penchant sur le côté plantant son regard foncé dans le mien. Le temps s'était arrêté à ce moment précis.

<< Ouah, comment je suis horrible de finir sur ça...>>

NOAHOù les histoires vivent. Découvrez maintenant