2

4K 135 7
                                    

Devant la porte de l'appartement de chez ma mère, j'hésitais encore à leur en parler, mais je savais que c'est ce que mon père aurait aimé que je fasse. Après avoir toqué, ma mère ouvrait brusquement la porte et me prenait dans ses bras, comme à son habitude.

- Ça va Maman ?

- Oui, ça va, et toi ? Cha' m'a dit que tu semblais avoir quelque chose d'important à nous dire, tu me fais peur.

Elle débitait ces paroles d'une grande rapidité. Je savais que ça allait l'inquiéter, avant même de savoir, elle était déjà inquiète. Je lui déposais rapidement un baiser sur le front avant d'entrer dans le petit appartement familial et d'y retrouver ma petite sœur, Charlie.

- Bon tu nous expliques ?

Je prenais alors une grande inspiration, et m'installais dans le vieux et abîmé fauteuil rouge, avant place favorite de mon père. Mes mains étaient jointes et mes yeux, ancrés dans ceux de ma mère qui me questionnait du regard.

- On m'a convoqué à l'ASE aujourd'hui. Apparemment, papa et Grace auraient eu un enfant ensemble. Ma mère baissait la tête en posant ses mains sur sa bouche. Mais t'inquiètes pas maman, ils pensent que papa n'était pas au courant, le mari de Grace a reconnu l'enfant à sa naissance.

La pièce était plongée dans le silence durant quelques instants, seuls le souffle de ma mère et le pied de ma sœur, tapant frénétiquement sur le sol sous son angoisse, se faisaient entendre.

- D'accord, mais en quoi ça nous concerne cette histoire ? Papa est mort. Comme d'habitude quand ma soeur évoquait la mort de papa, ma mere hoquetait de surprise. Où est ce que tu veux en venir ?

Ma soeur continuait de me regarder, suspicieuse. Je lui souriais, elle et moi avions toujours eu des réactions similaires, la preuve encore aujourd'hui. Son jeune âge n'influencait pas sur sa grande force de caractère, c'est d'ailleurs elle qui nous avait aidé à nous relever, ma mère et moi, à la mort de mon père. Elle était sûrement bien plus forte que moi.

- Grace et son mari sont morts il y a quelques mois. Toi et moi sommes les derniers de son patrimoine génétique.

Ma mère et ma soeur se regardaient, pleines de questions, sous le chic, avant de tourner le regard vers moi de nouveau. Charlie paraissait alors bien plus énervée qu'au départ.

- Mais alors qu'est ce qu'ils veulent ? Tu leur a demandé pas vrai ? T'es pas allé là bas comme un idiot sans leur demandé ce qu'ils nous voulaient ?

Je comprenais son incompréhension, j'avais moi même perdu la raison, et été sur les nerfs à la nouvelle. Cependant, je ne pouvais m'empêcher d'entendre un aspect coupable dans sa voix, lorsqu'elle me parlait. Pourtant je vivais la nouvelle aussi mal qu'elle.

- Mais tu voulais que je lui dise quoi Cha' ? C'était glauque putain, yavait des têtes de gosses de partout en photos sur les murs, elle me reparle de papa, de son gosse, de...enfin bref Charlie ! J'ai paniqué je me suis juste cassé en disant que je ne voulais rien savoir.

- Putain mais quel abruti...soufflait ma sœur. Donc là tu nous ponds une histoire comme quoi on a un frère ou une sœur, mais que tu connais même pas son sexe ni son âge, ni ce qu'ils veulent de nous par rapport à ce gosse ?

Ma mère se relèvait du canapé avant de faire un geste de la main à ma soeur pour qu'elle se taise. Elle semblait cogiter sur ce qu'il fallait faire de cette nouvelle information. Sur ce que mon père aurait voulu et sur ce qui était aujourd'hui envisageable.

- Calmez vous bon sang, vous n'avez pas 14 ans. Ce qui est aujourd'hui sûr, c'est que votre père n'était au courant de rien à propos de cet enfant. Je lui fais pleinement confiance; et il n'aurait pu garder ça sur la conscience. Maintenant, elle se tournait vers moi et plantait ses yeux clairs dans les miens, Ken il va falloir qu'on en sache plus à propos de cet enfant. Il faut que vous sachiez ce qu'ils attendent de vous. Ce n'est pas un objet, Ken, c'est d'un enfant dont on parle. Et il est de ton père.

Je me levais à mon tour, énervé. Comment ma mère pouvait accorder de l'importance à un enfant d'une union aussi sale que celle de Grace et de mon père ?

- Mais putain maman, je voulais juste vous tenir au courant, mais je ne compte rien faire de cet enfant ! On ne le connaît pas, et on ne le connaîtra pas ! Je reprenais mon souffle, tentant de me calmer, et j'arrivais à atténuer l'énervement dans ma voix. J'en veux pas, c'est ni ma soeur ni mon frère. Quoiqu'ils me demandent, je refuserai.

Ma mère, entendant ses paroles, se rapprochait de moi avant de me faire relever le menton de son doigt pour que nos regards se croisent. Elle paraissait déçue et énervée de mon comportement, et c'était la pire des peines.

- Écoutes moi bien Ken Samaras, tu l'as dis toi même, toi et ta soeur êtes la dernière famille de cet enfant qui n'a rien demandé. Ton père aurait honte de toi en te voyant réagir comme cela. Je baissais les yeux, touché en plein cœur par ses paroles, après la mort de mon père, je m'étais toujours promis de lui faire honneur, qu'il soit fier de moi. Alors, quand tu partiras de cet appartement, tu réfléchiras au fait que c'est tout de même ta famille, et qu'il est nécessaire que tu retournes demander quelles sont les solutions qu'ils envisagent pour cet enfant. Ils ne t'ont pas demandé pour rien, et aujourd'hui tu ne fais preuve que d'égoïsme. Sa voix se calmait et reprenait son ton maternel. Je ne peux rien faire pour cet enfant et tu es le seul, avec ta soeur, à avoir le pouvoir de savoir ce qu'il va devenir. Je ne t'oblige à rien mais réfléchis. Aller demander le véritable but de ta convocation ne t'engage en rien.

J'hochais la tête pour lui faire comprendre que j'avais entendu et compris ce qu'elle m'avait dit. Nous parlions encore quelques instants de la situation et nous en concluions que j'irai, dans les prochains jours, me renseigner sur cet enfant. Je les quittais quelques instants plus tard, pour me rendre au studio où mes amis m'attendaient déjà. En marchant, je réfléchissais encore à tout ça. C'était vraiment bizarre de se dire que j'avais peut être, enfin sûrement même, un petit frère ou une petite soeur de bien 25 ans mon cadet. Si je calculais bien, l'enfant devait avoir 4 ans. Plus j'y pensais, plus je me posais des questions et plus j'avais envie de connaître les réponses.

NOAHOù les histoires vivent. Découvrez maintenant