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J'attends vos avis !🌸

Le bruit assourdissant du micro-ondes s'arrêtait en même temps que son « bip » retentissait, et j'attrapais la petite bouteille en verre, encore chaude.
J'avais très vite pris la main avec certains réflexes liés à la petite enfance, les bains, les règles de vie, l'importance des horaires. Et pourtant, je restais encore incertain et novice sur d'autres pratiques, comme le biberon ou encore les bails de tétines, ou je ne comprenais toujours pas les débats intemporels qui en ressortaient. Alors c'était un petit peu au jour le jour, j'interdisais pas grand chose, je laissais filer sans vraiment réduire certaines de ces pratiques, et me disais que Noah finirait bien par s'en lasser. Parfois, lorsqu'il s'agissait de quelque chose qui me paraissait trop important pour la vie et l'éducation de ma soeur, ou quand le doute était trop présent, inquiétant, j'appelais Charlie, mon autre soeur, et elle se moquait quelques minutes avant de répondre à mes interrogations parfois inutiles.
J'ajoutais le cacao en poudre au lait réchauffant les parois de la bouteille, secouais cette dernière et préparais les quelques médicaments prescrits par le médecin.
Je retournais de nouveau dans le salon, dont le seul bruit était le dessin animé allumé sur la grande télé. De mon point de vue, on pourrait presque croire qu'elle tournait dans le vide. Pourtant, lorsqu'on s'approchait bien, Noah était installée au fond du canapé, enroulée dans plusieurs plaids, recouvrant son corps déjà habillé de son pyjama. Ses cheveux blancs étaient ébouriffés, désordonnés et certaines mèches tombaient devant ses yeux, ses joues étaient rouges comme sang, tout comme ses yeux, fatigués par la fièvre.
Elle ne détournait le regard vers moi que lorsque que je m'asseyais à côté d'elle, et que je posais ma main sur son front bouillant.

- Tiens, ouvre la bouche, je lui déposais le sirop et la pastille et lui tendais le biberon de chocolat qu'elle attrapait rapidement et qu'elle portait à sa bouche, ça va ?

Elle haussait les épaules tout en reportant son attention sur l'épisode de dessin animé en cours.
Je soufflais, et fus coupé par la sonnerie de mon téléphone. Cette fois, c'était ma soeur qui essayait de me joindre.

- Ouais ?

- Alors ?

- Une délire d'état grippal apparement, j'ai pas tout compris.

- Elle à encore de la fièvre ?

Je tournais mon regard vers Noah, emmitouflée dans ses couvertures, elle paraissait encore plus petite.

- Je sais pas, j'ai pas vérifié.

- Putain Ken, c'est la moindre des choses, t'es débile ou quoi ?

- Oh, tout doux, je fais de mon mieux je te signale, je me levais du canapé et me dirigeais vers la cuisine pour me préparer un café, je savais même pas qu'on pouvait choper une grippe en octobre.

- C'est une enfant pauvre abruti. Nous soufflons mutuellement, puis elle reprenait. Elle a chopé ça à l'école tu crois ?

J'haussais les épaules, triant d'une main une pile de papiers posée ici depuis déjà trop longtemps, avant de me rendre compte que ma soeur ne percevait pas ma réponse.

- Aucunes idées, j'imagine, mais hors de question qu'elle chope toutes les crèves possibles pendant toutes ses années d'écoles. Je vais finir par lui faire l'école à la maison, c'est relou.

- T'exagère toujours, vraiment t'es dans l'abus quand ça la concerne Nek.

Je rigolais suite à sa réplique, et la discussion s'allégeait, avant qu'elle ne se termine et que je ne raccroche.
Mais le répit fut de courte durée lorsque la sonnette retentissait et que la porte s'ouvrait sur Mohammed, sans même que je n'ai le temps de m'y diriger.

- Bah vas y fais toi plaisir, bienvenue au moulin.

Mon ami levait les yeux au ciel, brandissant fièrement les clés de porte que je lui avais passé il y a des années de cela.

- Mec, je te jure, vas falloir que tu baises vite car tu deviens rabat-joie.

Je lui frappais l'épaule, faisant les gros yeux en désignant Noah, installée sur le canapé.

- Alors ?

- Grippe.

Je soufflais, et il grimaçait. Il se dirigeait directement vers Noah, embrassant son front et commençant une discussion avec elle à propos du dessin animé qui défilait à la télé.
Moh avait toujours aimé les enfants, et ils lui rendaient bien. Il arrivait à être le meilleur ami, confident, joueur, de tous ceux qu'il connaissait et j'étais parfois jaloux de voir qu'il réussissait à lui tirer quelques phrases.

- Elle boit au biberon ? J'adore.

Je levais les yeux au ciel, et me rapprochais d'eux au point de les surplomber de derrière le canapé.

- J'accepte quand elle est crevée et qu'elle demande, je posais mon regard sur elle, attendri, à vrai dire je sais pas s'il y a des règles qui disent qu'il faut qu'ils arrêtent de boire au biberon à un certain âge, et je crois que je m'en tape.

Mon ami hochait la tête, en accord avec moi.

- T'as une clope ?

Moh fronçait les sourcils, se relevant légèrement du canapé.

- T'as pas arrêté ?

- J'en ai besoin là.

Il souriait comme un débile, un regard malicieux ornant son visage maghrébin.

- T'as VRAIMENT besoin de baiser.

Il disait le dernier mot en chuchotant, puisqu'il était collé à Noah.
Je soufflais, excédé, mais attrapais le paquet de cigarette qu'il me tendait, et m'éclipsais sur le balcon de l'appartement.
La flamme du briquet, protégée du vent par la main, finissait pas embraser le bout de mon nuisible que je portais à ma bouche dans un souffle de soulagement. Bordel, ça faisait du bien d'être avec soi même quelques minutes.
Alors ouais, j'avais sûrement besoin de retrouver un peu ma vie d'avant, rythmée par de sérieuses relations entrecoupées par de nombreuses conquêtes.
Mais, à chaque fois, je me répétais qu'une autre fille attendait patiemment que je lui apprenne la vie, et qu'elle ne pouvait attendre que je m'amuse, car elle ne comptait que sur moi.
Et ça, ça me bloquait.
Mon corps et mon regard se tournaient vers l'intérieur de la pièce, quittant la vue imprenable sur Paris, et j'observais mon meilleur ami, discutant avec ma petite sœur du dessin animé en cours. Mon sourire s'étendait, et je me disais que peut être, je n'avais besoin que de ça.

NOAHOù les histoires vivent. Découvrez maintenant