CHAPITRE 34

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Version relue et améliorée 

Cela fait trois jours, que nous sommes allés à Long Island. Carter était en Californie jusqu'à aujourd'hui et il part maintenant à Washington DC. Je remonte lentement la fermeture de mon haut noir. J'inspire un grand coup, tout va bien se passer... D'une main tremblante, j'ouvre mon tube de mascara et m'en applique une légère couche sur les cils. Je dois être à l'église dans une heure. Je serre mon tailleur dans mes mains, mon cœur se serre dans ma poitrine, je ne veux pas y aller... Je sors de la salle de bain en silence, le soleil se reflète dans les flaques d'eau ornant la rue en bas de chez moi. Il a plu cette nuit à New York, et le ciel encore gris en témoigne ce matin. Je détourne mon regard de la fenêtre du salon et pars vers l'entrée. J'accroche mon tailleur à mon portemanteau et m'assois sur une chaise pour enfiler mes hauts talons noirs. Je me regarde dans le miroir de mon entrée, je suis entièrement vêtue de noir. Cette couleur est en parfaite adéquation avec mon état d'esprit actuel. Je tremble comme une feuille, me retenant à chaque instant d'éclater en sanglots. Je me mets debout, vacillante sur mes talons vertigineux puis enfile mon tailleur. J'attrape les clefs de ma voiture et les fourrent dans mon sac à main. Celui-ci trouve sa place sur mon épaule, il est parfait, noir.

Je sors de chez moi sans oublier de refermer la porte derrière moi. Puis je prends l'ascenseur jusqu'aux garages. J'ai si peur, je ne veux pas recroiser les regards d'Audrey et Wendy... Je redoute tant le moment où je devrais affronter leurs regards désolés, leur haine. Je quitte mes chaussures le temps du trajet, j'espère que Jérôme sera déjà là quand j'arriverais, ou au moins Zach. Je rentre les clefs dans le contact et démarre ma voiture machinalement, je quitte le garage dans le plus grand des calmes. Mes mains ne quittent pas le volant, c'est le seul moyen que j'ai trouvé pour ne pas trembler à outrance.

Je me gare sur le parking de l'église. Quand mon regard croise les lourdes portes en bois massif de celle-ci, je crois défaillir. Je suis à deux doigts de la crise de nerfs quand je sors, après avoir remis mes escarpins. Je jette un regard circulaire sur le parking. Audrey m'observe avec un regard attendri. Elle ouvre ses bras vers moi, je me dépêche d'arriver à sa hauteur. Elle me serre fort dans ses bras, c'est à ce moment là que mon corps décide de craquer.

– Je suis tellement désolée Audrey ! Soupiré-je entre deux hoquets larmoyants.

Elle glisse tendrement ses doigts dans mes cheveux défaits, ses mains tremblent autant que les miennes mais elle se contient bien mieux quand elle me répond :

– Moi aussi Noémie, je suis désolée... Ça va aller ma grande... Ça va aller...

Sa réponse me surprend tant que j'arrête un instant de pleurer. Elle ne m'en veut pas... Je soupire de soulagement en m'écartant d'elle, j'esquisse même un petit sourire en lui répondant :

– Merci...

– Entrons, nous serons mieux là bas... Me répond simplement la mère de John toujours avec un magnifique sourire bienveillant.

Elle attrape mon poignet d'une main et pousse les portes en bois de l'autre. A l'intérieur il y a plein de monde, des gens que je connais, d'autres que je n'ai jamais vu... Je serre tout le monde dans mes bras, sans exceptions. Tous semblent aussi attristés que moi. Puis viens le tour de Wendy. Je m'arrête à sa hauteur, ne sachant comment réagir. Elle me sourit, crispée et atterrée, mais elle me sourit quand même. Ses bras se placent autour de mon cou et elle m'attire contre elle.

– Je suis désolée qu'on n'ait pas pu se voir avant l'enterrement, commence-t-elle, on discutera après la cérémonie, d'accord ?

– Sans aucun problème, réponds-je avec un sourire forcé mais sincère.

Elle serre ma main dans la sienne avant de s'écarter, et de passer à quelqu'un d'autre. Jérôme passe un bras autour de mes épaules frêles. J'attrape sa main et lui murmure :

– Reste avec moi, s'il te plait...

– Ne t'en fais pas, tout va bien se passer ! Répond-t-il sans bouger.

L'enterrement se passa dans le plus grand respect de la tradition, suivant le souhait d'Audrey. Le cercueil dans lequel dort pour l'éternité John repose juste devant le prête à l'avant de l'église. Nous nous avançons le long des rangés de bancs. Jérôme s'assoit à côté de Marc, je m'assois à coté de ce premier. Je me contente de suivre machinalement la messe, trop épuisée moralement pour faire plus. A la fin de la cérémonie, mes yeux sont rougis par des larmes intarissables et de grosses traces de mascara doivent recouvrir le dessous de mes yeux. Je suis en silence la procession jusqu'au cimetière. Comme il me l'a promis, Jérôme ne me quitte pas d'une semelle. Mon regard reste rivé sur le cercueil. Nous entrons par l'entrée principale, un portail noir aux motifs surmontés d'arabesques.

Le corps est enterré. Je reste figée pendant toute la durée du processus. La main de Jérôme ne quitte pas la mienne. Zach réconforte Audrey de l'autre coté de la tombe. Je triture le sol gravillonné du bout de mes chaussures, je me sens tellement mal à l'aise ici... J'ai l'impression que je n'ai pas à être aussi triste. Je ne devrais pas avoir le droit de pleurer alors que la femme en face de moi a perdu son fils. Je ne devrais pas avoir envie de vomir alors que Wendy reste debout, après la mort de son fiancé. Celle-ci s'avance justement vers moi d'un pas décidé. Je me crispe et serre plus fort la main de Jérôme dans la mienne.

– Noémie ? Me demande la jeune femme d'une petite voix.

– Oui ? Je réponds dans un souffle, incapable d'en dire plus.

– Tu viens ? On devrait discuter un petit peu...

Je reste bouche bée devant son attitude. Je hoche seulement la tête en la suivant à l'écart du groupe qui s'est formé autour de la tombe de John.

– Wendy... J'suis terriblement désolée ! Commencé-je alors que nous nous stoppons.

– Je... Je n'y arrive pas... chuchote-t-elle si bas que je peine à l'entendre.

– Quoi ?

Je fronce les sourcils en faisant un pas vers elle... Celle-ci baisse les yeux vers le sol en soupirant, quand elle les relève, ils sont emplis de larmes noircies par un maquillage aussi sombre que son âme.

– Je n'y arrive pas, c'est tout ! S'écrit-elle, faisant tourner les yeux de tout le monde vers nous.

Zach s'approche de moi au moment où Wendy reprend :

– C'est de ta faute ! S'écrit-elle en essayant de se jeter sur moi, retenue in extremis par Audrey.

Jérôme serre fort ma main dans la sienne, je ferme les yeux quelques instants.

"Tu dois encaisser le choc, pour le bien de Wendy... Elle en a besoin...", pensé-je en retenant mes larmes.

– Pourquoi t'as accéléré ? Tu savais que c'était dangereux ! S'exclame-t-elle en furie.

– Wendy... Arrête ! Tente en vain de la calmer Audrey.

– C'est de sa faute ! Elle l'a tué ! Tout ça pour une place en championnat du monde !

Audrey tire Wendy en arrière. Je reste figée, incapable d'effectuer le moindre mouvement. Jusqu'au moment où de chaudes larmes jaillissent en cascade de mes yeux terrifiés.

Zach attrape mon bras, il me secoue pour me faire réagir mais rien n'y fait. Un sentiment nouveau m'envahi. Je n'arrive pas à le décrire, je veux seulement l'évacuer de mon corps.

– Noémie ? Commence doucement Jérôme.

– Je veux voir John... Il me manque trop, Jérôme ! Je veux au moins pouvoir lui dire au revoir... J'aurais voulu être prévenue qu'il allait mourir... Fis-je sans cesser de fixer les barrières en airain qui clôturent le cimetière.

AdrénalineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant