Chapitre XIII

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Hugo émergea de son lourd sommeil quand quelques notes de piano parvinrent à ses oreilles. Ses pupilles fatiguées fixèrent dans un premier temps la place vide et froide juste à côté de lui dans le grand lit immaculé de la chambre d'hôtel avant de dériver vers le fauteuil dans un coin. Aaron était assis sur ce dernier, un plaid sur les genoux, et il jouait sur sa tablette, concentré sur la mélodie. Il ne semblait pas avoir vu qu'il s'était réveillé, alors l'étudiant toussota légèrement avant de demander :

— Tu as dormi sur le fauteuil ?
— Oui, répondit le roux en levant vers lui ses yeux cernés, je n'aime pas dormir dans le même lit que quelqu'un.
— Mais... c'est tout sauf confortable...

Au regard qu'il lui lança, le brun comprit que le plus vieux se fichait bien de son avis. Il replongea sur sa tablette sans plus se préoccuper de Hugo. Le jeune homme soupira devant son désintérêt flagrant et sortit du lit. Il attrapa son sac, posé la veille dans un coin de la chambre, avant d'aller dans la salle de bain pour prendre une douche. Il retira son t-shirt et son caleçon puis entra dans la petite cabine en allumant l'eau chaude. 
Comment pouvait-il toujours revenir vers Aaron alors qu'à chaque fois il le traitait comme un chien ? Cette question le hantait sans qu'il parvienne à y répondre. Avec un soupir, il se lava les cheveux puis le corps, étirant du mieux qu'il le pouvait ses muscles courbaturés par sa petite sauterie dans la voiture. Une fois qu'il eût terminé, il s'enroula dans sa serviette pour se sécher alors que des notes de piano lui parvenaient. Il s'empressa de s'habiller et de finir sa toilette pour retourner dans la chambre où Aaron n'avait pas bougé. Ce dernier était d'ailleurs en train de fredonner les paroles d'une chanson quand il arriva derrière lui pour poser la tête sur son épaule.

— Je suppose que je dois dégager ?
— On va aller petit-déjeuner ensemble en ville avant, répondit le plus vieux en rangeant sa tablette dans la mallette près de lui.
— Noooooon ? Tu veux qu'on fasse autre chose que baiser ?
— Ferme-la, soupira-t-il en levant les yeux au ciel.

Hugo ne put s'empêcher d'exploser de rire en se décalant pour laisser le jeune avocat se redresser et prendre ses affaires avec lui.

— Au passage, c'est totalement intéressé, précisa-t-il, on va passer au sexshop après.
— Pardon, manqua de s'étouffer le brun, arrêtant immédiatement de rigoler.
— Tu m'as très bien entendu...

Le roux sortit de la pièce, satisfait d'avoir coupé court à l'hilarité de son cadet, et il alla dans l'ascenseur. Il fut très vite rejoint par Hugo qui grommelait sûrement des insultes à son égard mais cela ne l'atteignait pas plus que ça. Il avait l'habitude avec lui désormais.
Quelques minutes plus tard, les deux jeunes hommes étaient assis à la terrasse d'un petit café à côté du théâtre à l'italienne de la ville. L'étudiant regardait pensivement les passants assis sur la fontaine en face de l'établissement en croquant dans son pain au chocolat. Il tentait tant bien que mal de rester de marbre devant Aaron mais au fond, il était effrayé à l'idée que son père ne le voit partager un repas avec le jeune avocat.

— Tu sais, on ressemble juste à deux potes qui prennent un café. Ce qu'on fait n'est pas marqué sur ton front...
— Peut être... mais d'après ce que tu m'as dit hier soir, tu ne t'entends pas beaucoup avec mon père.

Son aîné leva les yeux aux ciels en finissant sa tasse. Quand il les reposa sur Hugo, il dut résister pour ne pas se mordre la lèvre. Ses cheveux étaient légèrement en bataille, rendus châtains par endroits à cause des reflets du soleil, ce qui était affreusement sexy. De nouveau, il sentit cette envie soudaine de l'embrasser, d'aller à la rencontre de ses lèvres pulpeuses, rosées, qui avaient l'air si douces.

— Je peux savoir ce que tu fixes comme ça ?
— Rien, répondit le roux en tentant de masquer son trouble, t'as fini ? On peut y aller ?
— Euh... ouais...

Le plus jeune le regarda se lever pour aller régler au comptoir en haussant un sourcil. Décidément, il ne comprenait rien à Aaron. Un coup il était proche de lui, et l'autre il mettait un fossé entre eux. 
Alors qu'il allait le rejoindre, une main forte se posa sur son épaule, le faisant sursauter. Il se tourna pour voir son propriétaire et tomba nez à nez avec un homme dans la cinquantaine aux yeux marrons et aux cheveux éparses poivre-sel. Son père.

— Pa...
— Je croyais que tu étais chez une amie, le coupa l'homme avant de désigner Aaron, que fais-tu avec lui ?
— L-lui ? Ce... c'est... un ami de la fac, il aidait les premières années...
— Tu ne devrais pas traîner avec ce garçon. C'est un véritable petit arrogant. Allez rentre, et plus vite que ça...

Hugo n'eut pas le temps de dire quoi que ce soit que Patrice attrapait son bras et le forçait à partir en lançant un regard noir à l'avocat qui les regardait de l'intérieur. Il tenta de se dégager de sa poigne mais quand son père la resserra au point de le faire couiner de douleur, il fut obligé de se rendre à l'évidence et de le suivre sans pouvoir dire un mot à son aîné. 

— On en reparlera à la maison.

~~~

— Hugo ! Monte !

Le concerné leva la tête du livre qu'il lisait sur le canapé, déglutissant légèrement en voyant la grimace de sa petite sœur en face de lui. Quand son père cria à nouveau son prénom, il se dépêcha de monter les escaliers pour le rejoindre dans sa chambre. Le cinquantenaire se tenait bien droit au milieu de la pièce, l'air profondément sérieux et en colère.

— Qu'est-ce que c'est que ça, demanda-t-il en mettant le string pour homme en dentelle noire juste sous son nez.
— Bah... ce... Papa... c'est gênant là...
— Réponds !
— C'est... c'est Axelle qui... qui me l'a acheté pour rire, bafouilla tant bien que mal le brun pour tenter de justifier la présence de la lingerie.
— Vraiment ? Vous avez de drôles de blagues... Bref, ce n'est pas le sujet principal de toute manière. Je veux que tu arrêtes de voir ce stupide avocat, je suis certain qu'il a une mauvaise influence sur toi.

L'étudiant hocha la tête, tentant de ne pas laisser paraître sa déception. De toute manière, il savait qu'il n'avait pas le choix. Il n'avait jamais eu le choix, avec son paternel. Mieux valait faire ce qu'il voulait. Sinon les conséquences seraient terribles. Il n'avait pas envie de le froisser, de le voir entrer dans une rage folle... C' était bien trop effrayant. 
Alors une fois que son père eût quitté la pièce, il se jeta sur son téléphone et ouvrit rapidement sa messagerie. Apparemment, Aaron s'était inquiété pour lui, car il l'avait inondé de message durant la journée. Messages qu'il avait choisi d'ignorer pour ne pas attiser la colère de son paternel. 

De : Prince

14/06/2018, 10h06

Hugo c'est quoi ce bordel ?

De : Prince

14/06/2018, 10h10

Hugo ! Réponds !

De : Prince

14/06/2018, 10h24

Putain de merde !! Je te pose une question !!

De : Prince

14/06/2018, 10h37

Dis-moi où tu es putain.

De : Prince

14/06/2018, 11h03

Hugo je m'inquiète. Ton père t'a fait du mal ?
Merde, je suis désolé. Appelle-moi s'il y a un problème, je dois rentrer j'ai une tonne de boulot.

À : Prince

14/06/2018, 19h49

Je vais bien, Aaron. Mais je crois qu'on ferait mieux d'arrêter de se voir.

Bal VénitienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant