Chapitre XV

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Hugo regardait ses amies rigoler autour de leur petite table, un thé chaud à la main. Il n'arrivait pas à se sentir aussi heureux qu'elles dans leur petit sanctuaire. Il pensait que venir à l'Apple Garden l'apaiserait, lui ferait oublier Aaron et le coquard de sa mère tant bien que mal caché derrière son fond de teint mais c'était loin d'être le cas. Un petit soupir lui échappa, attirant l'attention de Charlie et Clémence vers lui. La première, une jolie rousse aux yeux bleus avec les joues couvertes de tâches de rousseur, lui sourit en demandant :

— Tu ne parles pas beaucoup, quelque chose ne va pas ?

— C'est rien, Charlie... J'ai juste rien à dire. Les histoires de Cléa sont plus intéressantes que les miennes.

— Sauf quand tu as ta tête de dépressif, répliqua la-dite Cléa un petit bout de femme à la peau légèrement dorée et aux cheveux noirs coupés aux épaules, tu sais que tu peux tout nous dire...

— Oui ! Tu n'as pas intérêt à nous cacher des choses, tu le sais bien, ajouta Clémence en ajustant le bandeau rouge dans ses courts cheveux bruns avec une petite moue, raaaah, ces cheveux m'énervent !

— Ce n'est pour ça que tu les avais coupés, Clém', rigola le jeune homme, tentant vainement d'écarter le sujet de la conversation.

— Ne change pas de sujet !

L'étudiant se mordilla la lèvre devant les deux paires d'yeux marrons et celle d'yeux bleus qui le fixaient. Décidément, ces jeunes femmes qu'il aimait pourtant de tout son cœur étaient vraiment insupportables. Il semblait qu'il n'avait pas le choix. Il devait au moins leur dire une demi-vérité.

— Mes parents se sont encore disputés hier soir, rien de grave, mais avec la rupture... ça fait beaucoup.

— C'est vrai que Axelle n'a pas été super cool sur ce coup-là, chuchota Cléa en lançant à son ami un sourire désolé, mais je suis sûre que tu vas trouver quelqu'un d'autre !

— Et moi je suis certaine que c'est déjà le cas, s'exclama Charlie en saisissant le téléphone du brun.

Celui-ci les regarda faire avec un petit soupir, soulagé d'avoir supprimer sa conversation avec le plus vieux la veille. Malheureusement, Clémence fut beaucoup plus maligne que cela puisqu'elle planta devant lui l'appareil ouvert sur une photo de lui avec le string.

— Elle a été prise après ta rupture, une explication ?

— Les filles...

— Hugo, sourit Cléa, la plus calme des trois, tu peux nous en parler, tu sais très bien qu'on ne te jugera jamais.

— Très bien... je me suis fait baiser dans les toilettes du manoir au bal de promo...

— Hiiiiiiiiiiiii !! Je le savais !! Je le savais que mon meilleur ami était gay, s'excita Clémence en gesticulant dans tous les sens.

— Clém, tu refais une crise d'épilepsie, soupira Charlie, la faisant aussitôt cesser.

La brunette grommela et lui tira la langue, faisant rire ses trois amis. 

— Je suis bi, pas gay, précisa l'étudiant en droit en buvant une gorgée de son thé mangue-agrume, bref, on a continué à se voir pour... fin vous avez compris. Mais... Il est avocat et un de ses clients à des problèmes avec mon père...

— Ton père ne peut pas le voir en peinture, demanda son amie brune en faisant la moue.

— Ouais... il nous a vu ensemble au café du théâtre. Il veut plus que je traîne avec lui... enfin c'est sûrement mieux comme ça, je commençais à trop m'attacher à lui et notre relation était malsaine.

Les trois jeunes femmes échangèrent un regard inquiet en le voyant contracter la mâchoire et détourner les yeux pour ne pas montrer sa tristesse. Charlie se dit qu'elle allait lui changer les idées et sortit son téléphone portable en disant :

— Vous avez vu la nouvelle vidéo d'Oz Vessalius ? J'adore la musique...

— Oui, c'est celle des Engagés, ajouta Clémence, Je déteste ma vie de Pierre Lapointe.

Hugo n'eut pas le temps d'ajouter qu'il ne voulait pas écouter que Charlie lançait la musique. Son cœur fit un bond douloureux dans sa poitrine quand il entendit les premières notes de piano, anticipant la voix grave qui allait arriver ensuite.

J'ai volé dans le ciel les mains pleines de rêves... Poussé par la chaleur du soleil et des vents doux...

Il ne voulait pas l'entendre. Il ne voulait pas l'entendre. Il savait pourquoi il avait mis cette chanson.

J'ai laissé les distractions se tuer entre elles... Et j'ai volé au loin, ô bien trop loin de toi... J'ai parcouru du regard nos liens de l'Est à l'Ouest... Pour finir par laisser tous nos bonheurs en reste... J'ai tenu mes envies de revenir en laisse... Et j'ai pleuré au loin, ô bien trop loin de toi... 

Les larmes montèrent aux yeux du brun qui serra sa tasse entre ses mains.

Je déteste ma vie, c'est long ma vie sans toi... Je sais trop que ma place est dans tes bras... Je déteste ma vie, c'est long ma vie sans toi... Je sais trop que ma place est dans tes bras... 

Une larme solitaire coula sur sa joue et il s'empressa de l'essuyer pour ne pas que ses amies le voient.

J'ai crié comme j'ai pu que j'avais ma place... Sur la terre comme au ciel voulu laisser ma trace... J'ai joué mes bonheurs faciles à pile ou face... Et j'ai perdu au loin, ô bien trop loin de toi... Et depuis les éclairs me rappellent à la guerre... Comme si au combat mes convictions redevenaient fières... J'ai embrassé trois fois la main de Lucifer... Et j'ai brûlé au loin, ô bien trop loin de toi... 

Avait-il vraiment fait ça pour lui ? Ça ressemblait à une déclaration. En tout cas, Aaron semblait dans le même état que lui.

Je déteste ma vie, c'est long ma vie sans toi... Je sais trop que ma place est dans tes bras... Je déteste ma vie, c'est long ma vie sans toi... Je sais trop que ma place est dans tes bras... Je déteste ma vie, c'est long ma vie sans toi... Je sais trop que ma place est dans tes bras... Je déteste ma vie, c'est long ma vie sans toi... Je sais trop que ma place est dans tes bras...

Il savait que c'était le seul moyen qu'il avait de l'atteindre. Il le savait. Il avait sûrement dû choisir sa chanson avec soin pour le faire de nouveau tomber dans ses filets. Mais le jeune étudiant ne voulait pas retourner près de lui, il devait se protéger à la fois du roux mais aussi de son père. Il posa sa tasse et se leva, soufflant à ses amies :

— Je vais rentrer. À la prochaine les filles.

Avant qu'elles ne puissent protester, il quitta la douce quiétude de la terrasse de l'Apple Garden pour retourner chez lui. Et enfin lâcher ses larmes.

Bal VénitienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant