Chapitre XXV

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Hugo frissona et enfonça les mains dans la poche de son sweat. Qui aurait cru qu'avec les chaudes journées qu'ils y avaient en ce moment, les nuits seraient fraîches ? Certainement pas lui. Il se bénit d'avoir pensé à prendre sa veste en cuir avec lui, il avait un peu moins froid grâce à ça. Il releva la tête en entendant une voiture passer dans la rue, espérant que ce soit celle de Aaron, mais il s'agissait de jeunes garçons en train d'aller en boîte après ce qui semblait un début de soirée bien arrosée. L'un d'eux sortit la tête quand ils passèrent à son niveau et trouva très intelligent de lui crier :

— Tu prends combien pour me sucer ?!

Le brun ne répondit pas et rebaissa la tête en enfilant sa capuche. Il avait honte. En venant jusque les marches du théâtre à l'italienne, il avait croisé bon nombre de regards. Jugeurs, surtout, mais aussi plein de pitié... alors il cachait tant bien que mal les blessures sur son visage.
Il ne savait pas depuis combien de temps il attendait, mais ça commençait à devenir long. Et il avait mal... aux côtes, à la cuisse, aux fesses aussi... Pas une partie de son corps n'était épargné. Ses vêtements étaient sûrement plein de sang, mais il n'osait pas regarder. Il soupira et se roula un peu plus en boule en gémissant de douleur. Qu'il fasse vite, il n'en pouvait plus...

~~~

— Aiden, tourne à gauche là. On y est presque.

Aiden hocha la tête et suivit les indications de Aaron sans un mot. En vérité, il n'en avait prononcé aucun depuis qu'ils étaient partis de Paris, il était resté concentré sur la route malgré les injonctions du plus jeune pour qu'il accélère et il avait veillé sur son dominant du coin de l'œil puisque sa blessure à la jambe semblait de nouveau le faire souffrir. Il s'engagea sur la route pavée qui longeait le théâtre à l'italienne. Il sursauta violemment en pilant quand le roux hurla :

— Là !

À peine la voiture fût-elle arrêtée qu'il bondit hors de l'habitacle vers la silhouette roulée en boule sur les marches. Il s'accroupit en face de lui et chuchota doucement pour ne pas l'effrayer :

— Petit agneau ? Je suis là...

Hugo leva la tête pour se plonger dans les yeux dorés en face de lui. Sa lèvre commença à trembler. Sa réponse se perdit dans des sanglots. Il s'accrocha à Aaron et sa tête sur son épaule pour tenter de marquer ses larmes. L'avocat effleura l'ecchymose sur sa pommette en soufflant et une lueur meurtrière traversa son regard. Il passa les bras autour de la taille de son cadet et l'aida à se lever. 

— Où sont tes affaires, mon beau ? C'est le sac juste à côté de toi ?

Le brun hocha la tête en reniflant et bafouilla faiblement un remerciement quand son aîné l'aida à rejoindre son véhicule et à s'asseoir à l'arrière, glissant son sac dans le coffre. Il s'assit près de lui et le laissa poser la tête contre son épaule avant de caresser ses mèches brunes totalement désordonnées. Il reprit la parole sur le même ton bas, grave et rassurant :

— Les personnes devant sont Jean, mon meilleur ami, et son compagnon, Aiden.
— O-ok, répondit Hugo, la voix cassée.
— On va aller dans un hôtel, j'ai réservé des chambres en partant. Enchanté, petit brun, sourit Jean en se tournant vers eux.
— D'où tu appelles ce gamin petit brun, gromella Aiden qui lui adressa un sourire dans le rétroviseur en allant vers l'hôtel.

L'étudiant ne prêta pas vraiment attention à la suite de la dispute du couple. Il était fatigué... Et maintenant il se sentait en sécurité. Sauvé, enfin. Il ferma les yeux et sombra dans le sommeil...

~~~

Aaron caressait doucement les cheveux de Hugo, attendant qu'il se réveille. Il ruminait ce que lui avait dit le médecin. Jean avait appelé une ancienne connaissance du gang qui était venu et avait soigné son petit agneau sans poser de question, mais le constat qu'il avait dressé était effarant. Deux côtes cassées, de multiples hématomes, la lèvre et la pommette fendue ainsi qu'un cocard, ainsi que d'importantes lésions aux tétons. Le plus grave, c'était ce qui était arrivé à son intimité. Ça le rendait furieux dès qu'il y pensait ! 

— Je vais le tuer, gronda le roux, la mâchoire serré.

Le pauvre étudiant, qu'ils avaient réveillé pour lui administrer les soins, avait totalement paniqué quand le docteur avait tenté d'y toucher. Il lui avait donc administré des calmants et depuis il dormait paisiblement, même si le plus vieux se doutait que c'était un sommeil sans rêve. Comme quand il se droguait à l'époque...

— Mm... Aaron...
— Je suis là, mon agneau...

Il croisa les yeux un peu perdus du jeune homme et il expliqua calmement :

— Le médecin t'a endormi quand tu as paniqué... évite de bouger pour l'instant, s'il te plait. Et on s'expliquera plus tard, tu as besoin de repos.
— Je... je ne peux pas porter plainte, murmura le brun, sans lui... ma sœur et ma mère ne vont pas s'en sortir... j'espère juste qu'il... ne les battra pas.
— Tu te fous de moi ?! On ne peut pas le laisser en liberté ! C'est juste... ne me regarde pas comme si c'était moi le monstre, merde ! Tu as vu ton état ?! Il t'a presque mutilé !
— J'aurais jamais dû t'appeler, je le savais...
— N'importe qui te dirait la même chose. Repose-toi, on en reparlera plus tard. 

Avant que Hugo puisse répliquer quoi que ce soit, l'avocat se levait et sortait de la chambre d'hôtel en claquant la porte. Cinq minutes plus tard, un brun qu'il reconnut comme étant Aiden entra dans la pièce et lui demanda :

— Tu vas mieux ?
— Ça pourrait être pire... où est Aaron ?
— Avec Jean, il avait besoin de se calmer.
— Dites... Jean et toi vous êtes... comme lui ?
— Tu veux dire, sourit Aiden.
— Genre... BDSM ?
— Oui. Nous entretenons une relation BDSM. Mais pas du genre de Aaron, nous sommes un peu vanille hors des séances.

Le brun rigola franchement en voyant que Hugo ouvrait des yeux grands comme des soucoupes. Puis il décida de lui expliquer avec un sourire attendri :

— Pour Aaron, le contrat que tu signes en te liant à lui s'applique dans la vie de tous les jours. Pour Jean et moi, on ne fait ça que dans le cadre sexuel ou dans le milieu BDSM. Tu piges ?
— Ouais... à peu près.
— Tu comptes sortir avec lui ? Il semble très attaché à toi.

L'étudiant haussa les épaules. Lui aussi était attaché au plus vieux, mais il n'était pas prêt à s'engager dans ce type de relation. Et puis pour le moment, il avait autre chose à penser. 

— Si jamais tu veux en parler, mon meilleur ami et moi on peut t'aider, ok ?
— Oui, merci. Je vais me reposer si ça te dérange pas.

Aiden tourna négativement la tête pour lui signifier que non et quitta la chambre. Hugo ferma les yeux à nouveau et se rendormit rapidement sans se douter que dans la chambre d'à côté, Aaron tentait de contenir son accès de colère avec l'aide de Jean. Parce que sinon, il aurait déjà fait un meurtre.

Bal VénitienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant