Chapitre XXVI

7.4K 547 31
                                    

Aaron fixa la porte des bureaux en face de lui, tentant de masquer tant bien que mal sa rage. Il sonna à l'interphone.

— Oui ? C'est pour quoi ?

— Je voudrais parler à Monsieur Lilas, s'il vous plaît. C'est à propos de l'affaire de Guisippe.

— Hum... C'est le deuxième bureau sur la droite, premier étage.

Le roux attendit que la porte s'ouvre plongé dans ses pensées. Il savait que Hugo n'apprécierait pas qu'il se trouve ici, mais ils n'avaient pas vraiment parlé depuis qu'il avait récupérer blessé samedi soir. Il avait donc attendu que le lundi arrive, lui faisant croire qu'il devait se reposer, pour aller au bureau de son enfoiré de père. Jean avait bien essayé de le retenir mais il avait vite compris que c'était vain quand, d'un regard et avec une remarque bien placée, Aaron lui avait fait comprendre qu'il ne laisserait plus jamais ses amis se faire maltraiter. Son meilleur ami avait simplement baissé la tête avec un soupir et Aiden l'avait foudroyé du regard avant d'aller vers Jean pour lui faire oublier ses sombres souvenirs. 

Quand le cliquetis du verrou retentit, Aaron sortit de ses songes et s'engouffra dans le bâtiment. Il monta sans hésiter devant le bureau que lui avait indiqué la secrétaire et y entra sans prendre le temps de frapper. En face de lui se tenait Patrice, qui releva la tête en entendant la porte s'ouvrir. Son visage prit presque aussitôt une expression de dégoût et il le salua, la voix dégoulinante de dédain :

— Aaron. Qu'est-ce qui vous amène par ici ?

— Hugo Lilas, ça vous dit quelque chose ? Le gamin que vous avez lâchement battu avant de le mettre à la porte. Votre fils.

— Ce n'est plus mon fils. Je ne veux plus en entendre parler, ni de lui, ni de toi.

Le roux s'approcha dangereusement de l'homme, posant ses deux mains sur le bureau, et grogna :

— Qu'est-ce que vous lui avez fait ? Pourquoi son anus était-il à la limite de la déchirure, hein ?! Et ses...

— Aaron, cela ne vous concerne pas. Si vous n'aviez pas commencé à traîner avec lui, il serait encore normal, il aurait plutôt essayé de reconquérir Axelle et il n'y aurait jamais eu de problème. Je me demande si ce n'est pas vous que je devrais passer à tabac.

— Essayez toujours, répondit l'avocat avec un sourire suffisant tout en notant de parler avec Hugo de cette Axelle.

Patrice se leva en attrapant le col du t-shirt que portait le jeune homme en face de lui, armant son poing. Mais il n'atteignit jamais la joue de Aaron. Ce dernier avait esquivé souplement puis avait lancé un uppercut l'envoyant au sol. Il fit le tour du bureau en bois qui les séparait pour s'accroupir près de lui et murmurer avec un sourire moqueur :

— Ne soyez pas stupide, j'ai plusieurs années de boxe derrière moi. Maintenant, je voudrais que vous m'écoutiez. Votre fils, qui est décidément trop gentil, accepte de ne pas porter plainte à une seule condition. Ne battez plus votre femme et ne touchez pas à votre fille. Toutes les preuves sont de notre côté, vous ne pourrez pas échapper à la prison si vous passez devant un tribunal.

Aaron était bien conscient d'inventer toute sa tirade, mais il devait s'assurer que le reste de la famille de son petit agneau soit en sécurité. Le père de Hugo hocha rapidement la tête, soudain conscient de la menace qui pesait sur lui. Le roux se redressa donc, lissa son t-shirt et sortit sans un mot de plus. Une seule chose trahissait sa frustration de ne pas avoir décemment cassé sa gueule au plus vieux, c'était son poing serré au point où ses jointures en étaient blanches.

~~~

Hugo fixait le plafond de la chambre d'hôtel en soupirant. Il s'ennuyait ferme. D'habitude, Aiden venait lui tenir compagnie, mais il semblait bien occupé avec son petit-ami pour venir le voir ce matin. À moins qu'il pense que Aaron était avec lui ? Comment savoir ? Après tout, quand il s'était réveillé ce matin, il avait déjà disparu depuis quelques heures à en croire les draps froids près de lui. Et sans portable, il ne pouvait pas lui envoyer un message pour savoir où il était... alors il devait attendre, seul et sans bouger.

Soudain, la porte s'ouvrit en grand sur ce qui semblait être le visage frustré et énervé du roux. Ce dernier posa sans douceur des viennoiseries sur la console à l'entrée de la chambre avant d'aller dans la salle de bain sans remarquer que l'étudiant était réveillé. Au vu des cris de rage qui sortirent de la pièce, il abandonna vite tout projet d'aller le voir pour lui demander ce qui n'allait pas. Il savait que Aaron avait parfois des comportements violents, il en avait fait l'amère expérience quand il était allé chez lui, alors il préférait éviter un coup en plus. Il ferma les yeux et attendit que le silence se fasse. Ce fut une légère caresse sur sa main qui le sortit de sa semi-somnolence, de longues minutes plus tard.

— Salut, bien dormi ?

— Non, j'ai mal partout. D'où tu reviens aussi énervé, demanda Hugo.

— Tu étais déjà réveillé ? Et merde...

Le brun fronça les sourcils en voyant l'avocat détourner le regard en se mordant la lèvre, l'air à la fois contrarié et gêné.

— Qu'est-ce que tu as fait ? 

— J'ai juste été au bureau de ton père.

— Quoi ?! Aaron, ne me dis pas que...

— Je l'ai pas frappé, se défendit le roux, enfin si, mais c'était de la légitime défense ! Et il ne me laissait pas parler, je...

— Je t'avais demandé de laisser ma famille tranquille, hurla le plus petit en le coupant, les yeux brillants.

— Je lui ai juste fait pression pour qu'il ne fasse pas de mal à ta mère et ta sœur, c'est ce que tu veux non ?!

L'étudiant resta muet quelques instants après avoir entendu l'aveu du plus vieux. Ce dernier gardait la mâchoire contractée en le regardant, essayant de se calmer pour ne pas plus effrayé le jeune homme en face de lui.

— Tu... tu as vraiment... fais ça ?

— Ouais. Et j'ai ramené des viennoiseries aussi, des pains au chocolat.

— C'est ce que je préfère, sourit légèrement Hugo.

Le roux sourit à son tour, apaisé par ce sourire, et se pencha sur les lèvres rosés du plus jeune.

— Si tu savais l'effet que tu me fais, petit agneau, souffla-t-il doucement avant de déposer un baiser au coin de sa bouche.

Ce fut extrêmement doux et rapide, mais cela suffit à allumer un brasier dans chacun de leurs estomacs respectifs. C'était agréable. Un sentiment chaud, apaisant, sécurisant... 

Il était communément appelé l'amour mais ça, ils n'étaient pas encore prêt à se l'avouer.

Bal VénitienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant