Chapitre XVII

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Cinq ans plus tôt, janvier 2013

La seringue dans le bras, Aaron regarda le liquide se déverser dans ses veines en poussant un soupir de bien-être. C'était bon... si bon...

— Juste après le sexe, mon ange, chuchota une voix au creux de son oreille, ce n'est pas très raisonnable.

— Mm... Ça fait tellement du bien, Simon... je n'avais pas eu ma dose depuis trois jours.

— Sois prudent, tu en as pris il n'y a pas longtemps.

Un baiser fut déposé dans le creux de son cou alors qu'il se blotissait un peu plus contre le torse musclé se trouvant dans son dos. Simon encercla sa taille en continuant d'effleurer la peau de son épaule avec ses dents, regardant ses yeux ambres s'assombrir alors qu'il sombrait un peu plus dans les vapeurs de la drogue, perdant peu à peu pied avec la réalité.

— Putain... j'aimerais tellement te voir plus souvent, bébé, souffla le roux en glissant ses doigt dans les cheveux noirs de son compagnon.

— Pourquoi ? Pour la drogue ou pour le plaisir de me voir ?

— Ne sois pas idiot... pour te voir, bien entendu. Même si j'avoue que j'adore les petits cadeaux que tu me ramènes.

Les lèvres de Simon se déformèrent en un rictus pervers que Aaron remarqua à peine. À vrai dire, très peu de choses avaient de l'importance à ses yeux dans la petite chambre d'hôtel mis à part les caresses voluptueuses sur sa peau et la solution qui coulait dans ses veines. C'était sa parenthèse enchantée... toujours être le meilleur, toujours travailler… Ses parents avaient beau être adorables et l'aimaient de tous leurs cœurs, il avait tellement peur de les décevoir qu'il avait fini par craquer sous la pression. Simon était élève dans son lycée et il était surtout connu des adolescents pour être un petit dealer. C'était comme ça qu'il s'était rapproché de lui. Il avait essayé la drogue, y avait trouvé un échappatoire, mais aussi l'amour. 

Il sourit légèrement. L'année prochaine, il ferait en sorte de pouvoir habiter avec son petit-ami à Paris. Il ferait croire à son père qu'il allait étudier le droit avec lui, dans la même université, même si c'était un mensonge. Il rigola. Il planait. Mais il adorait ça.

~~~

Aaron rentra chez lui en traînant des pieds. Il se sentait mal, depuis qu'il avait dû quitter Simon. Ça lui brisait de plus en plus le cœur de le laisser. Il frotta ses yeux et vérifia dans le miroir s'il avait l'air normal avant d'avancer vers la cuisine. Il se stoppa en entendant des voix dans cette dernière. Ses parents ne devaient pas être rentrés à cette heure. Et pourquoi il lui semblait distinguer celles de ses meilleurs amis ? 

— Regarde ces photos… ça se voit, Louis…

— Je sais ! Mais je n'arrive pas à comprendre comment… comment j'ai pu laisser passer ça ? À quel moment… ?

— Ce n'est pas de votre faute, Louis, murmura Jean, mais il va falloir lui parler et l'aider. 

— Oui, chéri, arrête de t'en vouloir. Aaron a toujours été un gentil garçon, il y a sûrement une bonne raison pour qu'il se drogue. 

Le roux paniqua en entendant son beau-père tenter de rassurer son père. Ils savaient. Ils avaient compris. Effrayé, il attrapa dans un fracas le cadre de sa mère accroché au mur, le fourra dans son sac, et quitta la maison en courant. 

~~~

Il courrait, courrait à en perdre haleine. Il ne pouvait laisser ses pères et ses amis le rattraper. Il fallait qu'il retrouve Simon, qu'ils s'enfuient ensemble. Comment il ferait, si on le privait de lui  parce qu'il lui donnait de la drogue ? Non, il ne pourrait pas le supporter. Il arriva à bout de souffle devant l'appartement de son petit-ami et appuya frénétiquement sur la sonnette. La porte s'ouvrit sur ce dernier, après un certain temps, et il écarquilla les yeux en le découvrant devant lui. 

— Aaron ? Qu'est-ce que…

— Laisse-moi rester avec toi. Mes pères sont au courant. Je t'en prie.

— Euh… je peux pas, là. Faut que je vois avec mes vieux et tout, t'sais…

— Mais… j'ai besoin de toi, je… tu vas pas me mettre dehors ?

— Désolé, Aaron, je peux vraiment pas là.

Simon referma la porte sur lui mais le jeune garçon l'en empêcha en la bloquant de son pied. Au même moment, il aperçut une jeune fille de son lycée à l'intérieur, complètement nue. Son petit-ami capta son regard et rouvrit la porte, le poussant dans le couloir de l'immeuble. 

— Qui… Qu'est-ce que… 

— C'est ma copine, Aaron. Ma vraie copine.

— Que… quoi ? Mais… mais moi… on… tu m'aimes… n-non ?

— Non. J'aime juste baiser avec toi. Puis tu consommes plus quand on baise, alors je me remplis les poches. Tu piges ? Casse-toi, maintenant. 

— Je… j'ai besoin de ton aide, Simon, j'ai que toi… je…

— Je m'en balance. Casse-toi. 

Le jeune homme retourna à l'intérieur et claqua la porte. Cette fois, le roux ne la bloqua pas. Il était trop sonné. Son monde, sa bulle… tout venait d'exploser. Il resta un long moment devant la porte, pleurant en silence. Il se sentait comme un moins que rien, comme un jouet que l'on venait de jeter. Son cœur lui faisait tellement mal qu'il avait envie de mourir.

~~~

— Aaron ! Tu es rentré !

L'adolescent releva à peine la tête vers l'homme asiatique qui s'était précipité dans l'entrée en entendant la porte de la maison. Il ne réagit pas beaucoup plus quand ce dernier le prit dans ses bras en caressant ses cheveux. Des larmes tombèrent sur son front, mais il s'en fichait. Il n'avait plus envie de rien. Et il ne voulait surtout pas voir la déception dans les yeux du compagnon de son père. 

— Oh, Ronnie… on était tellement inquiets… viens avec moi, je vais appeler papa, Jean et Christian pour leur dire que tu es rentré. Ça va aller, mon poussin…

Il laissa l'adulte l'emmener dans le salon et le faire s'asseoir  sur le canapé. Il ne réagissait pas, les yeux dans le vague. Après être resté plus d'une heure en pleurs dans le couloir de l'immeuble de son petit-ami, il était rentré chez lui. Il avait besoin de réconfort, et les seules personnes capables de le lui donner étaient ici. Il paniqua légèrement en sentant les mains de l'asiatique quitter ses cheveux et le retint en murmurant :

— Je suis désolé, appa.

— C'est bon, Ronnie. C'est rien. On va t'aider, d'accord ?

— J'ai plus envie de vivre… il m'a laissé… il m'aimait pas… 

— Tu parles de Simon ? Oh poussin… Ne dis pas des choses comme ça. Nous sommes là pour toi. Tout va s'arranger. 

— Ça fait mal… 

— Je sais… Chh… je suis là…

Il se blottit contre l'homme en recommençant à pleurer. Il avait tellement mal, partout. C'était atroce. Il aurait voulu se planter une aiguille dans le coude, planer jusqu'à ne plus rien ressentir. Sauf qu'il n'avait rien pour le faire et que ses pères l'en empêcheraient sûrement. Alors il s'accrocha au pull de l'asiatique en continuant de verser ses larmes jusqu'à l'épuisement.

Quand il rouvrit les yeux, il était dans sa chambre et son père était à ses côtés. En voyant ses yeux miels s'ouvrir, ce dernier ébouriffa ses cheveux doucement. Un sourire désolé sur les lèvres, il lui expliqua qu'il allait devoir se sevrer, que ça allait sûrement être dur mais que lui et son beau-père seraient présents pour lui. Il embrassa doucement le front de son fils et le serra dans ses bras, avec tout l'amour qu'il ressentait pour lui.

Bal VénitienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant