22. Les sept reliques (4/4)

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Au bout de la rue, João tourne à gauche pour s'éloigner au plus vite de la cathédrale et du lieu des recherches. Je perds du terrain et boite de plus en plus. Fabrizio disparaît à son tour au coin de la maison. Je débouche sur le carrefour en maudissant ma présomption du matin. Une silhouette, haute, noire, menaçante, surgit au même moment sur ma droite.

Torque pousse une exclamation de surprise qui se transforme en rugissement de victoire. Piqué par un dard, je reprends ma course de plus belle. Oubliée, la douleur de ma cheville : je fonce à corps perdu sur les ailes de ma terreur. Fabrizio s'éclipse déjà à l'angle de la rue suivante. J'accélère, puisant un regain d'énergie dans l'espoir de le rattraper. Derrière moi, un claquement de bottes se lance à mes trousses. J'approche du coin où ont tourné mes compagnons. J'y suis presque !

Un choc sur le côté droit du dos, suivi d'une douleur fulgurante, me cueille en pleine course. Mes pieds se dérobent, je m'aplatis sur les pavés telle une galette ratée. Le claquement de bottes se rapproche, plus lent, sûr de lui, triomphant. L'Hospitalier ne se donne même plus la peine de courir. Je me relève péniblement, haletant. La chaussée oscille autour de moi, prise d'un balancement ivre. Je dégaine ma rapière d'une main malhabile et pivote face à mon poursuivant. Le rictus narquois de fra' Torque me salue.

— Comme on se retrouve !

L'Hospitalier sort son immense épée d'un geste lent. Il affiche une confiance nonchalante, presque insolente. Je cligne des paupières, vacille légèrement, mais guette une ouverture qui me permettrait de passer sous sa garde. Mes heures d'entraînement vont enfin me servir !

— Allez, du nerf, murmuré-je entre mes dents, le combat n'est pas perdu tant que tu tiens debout !

Je me jette en avant. Dans un geste que je n'ai pas le temps de voir, la lame de mon adversaire m'arrache l'épée des doigts. Ma rapière s'en va voler dix pas plus loin, sous le porche d'une maison, dans un tintement moqueur. Je regarde ma main vide, hébété, sans comprendre ce qui a pu se passer. Je prends alors conscience de la douleur intense qui irradie de mon flanc. Un liquide chaud et visqueux coule le long de ma jambe. Tout tangue. Je m'effondre au sol.

L'Hospitalier rengaine son épée avec un chuintement satisfait, puis s'accroupit près de moi. Il retire d'un coup sec un objet dur planté dans mon dos. Je pousse un glapissement. Torque essuie tranquillement sa dague sur mon pourpoint. Me saisissant par le col, il me soulève d'une seule main, plaque son visage à quelques pouces du mien. Ses traits sardoniques se fondent dans un brouillard informe. Je sens son souffle chaud sur ma figure. Mes oreilles bourdonnent.

— Alors, petit moustique, ricane-t-il, je parie que tu ne t'attendais pas à me voir là ! Vous pensiez vraiment que je me laisserais berner par votre piètre illusion ?

La rue est déserte. Les passants se sont enfuis sans demander leur reste. Des pas solitaires résonnent sur les pavés. Dans un voile de souffrance, je distingue une forme floue qui s'approche, des cheveux grisonnants, une silhouette rondouillarde. Mon cœur se serre dans ma poitrine.

— Tiens, donc ! Regardez qui voilà ! ironise Torque.

Le ton de l'Hospitalier respire l'assurance confiante tandis qu'il savoure sa victoire avec une délectation morbide. Tout à sa jubilation, il toise le nouvel arrivant avec mépris, sans même me poser à terre, sans même dégainer son arme. Il ne voit pas le coup venir. Le bâton, manié avec force, le cueille en pleine tempe. Torque s'effondre et moi avec.

Je gémis et tente de me redresser. Deux mains solides me relèvent par les épaules. Mes yeux se focalisent sur mon sauveur avec difficulté.

— Guillaume ? Ça va ? demande Fabrizio, alarmé. Il ne faut pas rester là ! Peux-tu marcher ?

Le crépuscule des VeilleursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant