37. Le Nouvel Éveil (4/4)

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Les yeux vicieux de l'Italienne sautent sur chacun de nous, cherchant un angle d'attaque, un point faible : diviser pour mieux régner. Un sourire mauvais s'invite sur ses lèvres.

— Alors, cher maître, raille-t-elle en direction de Fabrizio, vous êtes enfin parvenu jusqu'ici dans ce chariot poussiéreux, tiré par votre mule nauséabonde ? N'avez-vous pas apprécié mon petit cadeau ? Je vous en ai pourtant préparé un second, tout spécialement pour vous, en remerciement de vos bons et loyaux services.

Elle éclate d'un rire cruel et toute la carcasse de Fabrizio tremble d'une rage à peine contenue. Puis Pedro le soutient d'une main solide sur l'épaule, notre chef de troupe relève la tête avec défi.

— J'arrive juste à temps pour être le témoin de ta chute, Giulia, gronde-t-il de sa voix de volcan courroucé, et pour m'assurer que plus jamais personne ne souffrira de tes tortures.

D'un large geste, il prend à partie les membres de l'Ordre.

— Allons, donnez-nous les reliques et nous vous laissons repartir. Cette méprisable sorcière ne vaut pas le sacrifice de vos vies. Elle vous plantera un couteau dans le dos sans arrière-pensée si elle estime que cela sert ses propres fins !

Giulia éclate d'un rire forcé.

— Il me semble que c'est à vous de vous écarter. Si vous restez ici plus longtemps, vous serez balayés comme des fétus de paille. N'oubliez pas votre famille, mon maître, glisse-t-elle, perfide.

— Tu n'as plus de prise sur moi, Giulia, rétorque Fabrizio avec un calme que j'admire. Ma femme et ma fille sont en lieu sûr. Sans tes griffes plantées sur elles, tes menaces ne pèsent pas plus lourd que les caprices d'une enfant gâtée.

Giulia pousse un cri de frustration enragé. Elle se rend compte que la situation lui échappe.

— Tes amis savent-ils que tu les as trahis ? crache-t-elle dans une dernière tentative. Que tu as volé la relique au Louvre avec moi ? Que tu les as vendus à Torque dans les rues de Paris ?

Deux pas derrière moi, João et Heinrich tiennent leur position, impassibles, sans broncher devant les accusations de l'Italienne. Le mois passé en son pouvoir leur a amplement démontré comment Giulia exploitait les moindres faiblesses de ses adversaires. Nous sommes unis à nouveau. Elle ne nous brisera plus.

— Mes amis savent les horreurs dont tu es capable, lance Fabrizio avec assurance. Ils ont pu mesurer la noirceur de ton âme.

La fureur et l'incrédulité se disputent la place de choix sur le visage de la misérable Italienne. Quel dommage pour elle : sa dénonciation n'a pas obtenu l'effet escompté.

Mon attention s'écarte vers les formes hésitantes du gros prélat et du couple vénitien. Certains membres de l'Ordre paraissent prêts à céder.

— Vous pouvez tous partir en nous laissant les reliques, rappelé-je.

La Vénitienne en robe verte dépose à ses pieds la coupe de bois. Après une brève tergiversation, son compagnon brun sort un clou miroitant de son pourpoint et l'imite.

Je me tourne vers Giulia, déchue de son piédestal d'arrogance.

— Tes amis semblent enfin entendre raison. Maintenant, relâche immédiatement Guy de Lorraine.

— Quoi ? Jamais ! vitupère l'Italienne. Il est mon sauf-conduit pour le visiteur qui ne devrait plus tarder,

Elle éclate d'un rire dément qui hérisse tous mes poils. Luzzi relève la tête d'un geste vif, dévisageant sa comparse avec une horreur incrédule. Torque tressaille également. Sa main se crispe sur la poignée de son arme.

Le crépuscule des VeilleursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant