34. Le prix du sang (2/3)

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Toute une horde de chiens belliqueux s'abat sur mes épaules. Je marche comme un automate jusqu'à l'unique chaise, devant la coiffeuse, et m'y affaisse comme une poupée de chiffon. Quelle chance ont mes compagnons attachés au fond d'une geôle contre les chasseurs du Grand Veneur ? Aucune.

Ravie de son petit effet, Giulia se rapproche du mur et en profite pour jouer en toute fausse négligence avec les masques de comédie. Sa main caresse lascivement la joue du Dottore.

— Bien, bien, ronronne-t-elle. Je pense que je dispose maintenant de toute ton attention.

Son regard machiavélique me considère pensivement.

— C'est moi qui ai invoqué la Horde Sauvage, annonce-t-elle de but en blanc.

Je réprime un hoquet de révolte. Ainsi, Fabrizio avait bien deviné ! Cette vile harpie est responsable du mal qui ronge João ! Sans son infâme marché avec le Grand Veneur, nous n'aurions pas déclenché le souffle de Dieu et répandu la Mort sur le monde. Je lève un regard brûlant de haine, mais elle ne paraît même pas s'en soucier, absorbée par ses propres machinations.

— Je peux retenir la main du Grand Veneur... pour cette fois.

Elle esquisse un sourire mauvais.

— Bien sûr, je ne le ferai que si je suis entièrement satisfaite de ton comportement lors du bal de demain et que je ne reçois aucune plainte de Monsieur de Beaune.

Ses lèvres pulpeuses se tordent sur une grimace condescendante. Elle agite une main agacée.

— J'ai plus important à faire que de panser son amour-propre blessé.

Malgré moi, une lueur d'espoir accélère les battements de mon cœur. Je veux me raccrocher à la branche qu'elle me tend. Cependant, un doute me taraude. N'est-elle pas en train de se jouer de moi ? Peut-elle véritablement empêcher le chasseur de se manifester ? Geiléis n'avait pas évoqué cette possibilité.

Je plisse les yeux, suspicieuse.

— Vous mentez. Une fois la Horde Sauvage invoquée, plus rien ne l'arrête.

Giulia éclate d'un rire cruel.

— À toi d'en décider, ma chère. Telle est mon offre : sois une fiancée exemplaire demain soir et le Grand Veneur ne se matérialisera pas de ce côté du Voile ce mois-ci.

Elle secoue la tête dans une volée de cheveux noirs.

— Alors, quelle est ta réponse ?

Sa désinvolture attise ma rage. Je m'agrippe à la chaise pour retenir l'impulsion de me jeter à sa gorge et lui arracher le sourire narquois qui flotte sur ses lèvres.

Giulia attend ma capitulation, sereine, sûre de sa victoire. Comment pourrais-je refuser son offre ? Qu'est-ce qu'une soirée au bras de Philippe en regard d'un répit pour mes amis ?

— Quelle garantie aurai-je que vous tiendrez parole après le bal ? demandé-je, déjà vaincue.

Elle ouvre de grands yeux faussement étonnés.

— Mais aucune, ma chère, absolument aucune, c'est cela qui est amusant.

Je baisse la tête, obligée de me soumettre. Je hais cette femme !

— Très bien, conclut-elle, satisfaite de ma réaction. Donc c'est entendu.

Elle esquisse un pas en direction de la sortie, mais retient son mouvement, comme saisie d'une arrière-pensée.

— J'avoue que découvrir tes trois compagnons en vie à Venise a été une agréable surprise.

Elle minaude, l'air de n'y accorder que peu d'importance. Pourquoi, en ce cas, perçois-je une tension subite dans sa voix ? Je relève la tête et la dévisage plus attentivement.

Le crépuscule des VeilleursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant