14.

114 16 5
                                    

Joon

Après que l'éclair ait foudroyé notre salle de classe, je me suis vite éloigné de ce théâtre de l'horreur. Heureusement, je m'en suis sorti indemne, sans même une égratignure.

Toujours aussi chanceux, ai-je pensé.

Marchant dans les couloirs obscurs, je me suis demandé où aller ensuite.

Finalement, j'ai opté pour l'infirmerie, principalement parce que j'ai eu envie de faire une petite sieste en attendant qu'on vienne nous sortir de ce trou à rats.

Mais avant d'y aller, j'ai soudain une idée...

Étant donné que toute l'école est plongée dans le noir complet et qu'ils font tous dans leurs frocs, je suis sûr que personne ne surveille la bouffe qui se trouve à la cafétéria.

Pour moi, c'est une aubaine, un rêve qui devient réalité : je peux manger et prendre toute la nourriture que je veux sans avoir à payer quoi que ce soit !

Je m'y dirige donc, les mains dans les poches, chantonnant une chanson quelconque.

Putain ! Personne n'y verrait que dalle dans ces ténèbres. Heureusement, je ne suis pas personne. Moi, j'ai des yeux rayons X qui fonctionnent à la perfection. C'est pourquoi je ne suis pas surpris quand quelques secondes plus tard, j'arrive déjà à voir un peu plus nettement les environs. Voilà un atout qui m'évitera de glisser sur n'importe quoi et de tomber comme un idiot.

Enfin arrivé, dis-je en souriant, alors que je franchis les portes de la cafétéria. L'odeur fraîche de la nourriture titille mes narines.

J'avance vers le container où ils stockent toutes les provisions et je l'ouvre. Tout est là comme je le pensais. Dire que je suis la seule personne à avoir pensé à ça. Je suis vraiment un génie.

C'est pourtant évident : lorsque tu te retrouves coincé dans un endroit avec zéro pour cent de chance de le quitter avant un moment, les premières choses à chercher devraient être la nourriture, de l'eau et surtout une bonne planque.

Bref. Une fois que je serai rassasié, j'irai à l'infirmerie, comme prévu. Là-bas, je pourrai attendre tranquillement que l'orage passe.

Hum..., fis-je, totalement accaparé par ma réflexion. Est-ce que je prends ceux aux fromages aromatisés ou ceux à l'ail ?

Quelle vue.

La voix, qui vient de la porte derrière moi, me fait me retourner si vite que j'aurai probablement un torticolis d'ici quelques secondes.

La personne à qui appartient cette voix tient un téléphone dans sa main dont elle se sert pour s'éclairer. La lumière est directement braquée sur moi.

Je mets ma main en visière pour essayer de voir de qui il s'agit. Il ne me faut pas très longtemps pour la reconnaître. C'est Lia.

Euh... ouais. Ceux au fromage ont meilleur goût, dis-je en riant bêtement pour essayer de détendre l'atmosphère.

D'un geste timide, je mets les biscuits dans mon sac. J'espère que cette fille ne va pas m'attirer des ennuis. Tiens j'y pense : la meilleure façon de m'en assurer serait de l'obliger à voler elle aussi.

Tiens, prends-les.

Je lui tends un paquet de biscuits au fromage, mais elle se contente de les fixer sans rien faire.

Non merci. Je ne suis pas ici pour manger.

Elle passe devant moi et se dirige vers la cuisine. Je la suis discrètement tout en détaillant chacun de ses faits et gestes :

Qu'est-ce que t'es venue faire ici alors ? Il n'y a personne, ce qui veut dire qu'on peut manger autant qu'on veut. Je sais qu'on pourrait considérer ça comme du vol, mais c'est le genre d'opportunité qui ne se présente qu'une fois dans la vie. Et, tu sais, je n'avais pas l'intention de tout garder pour moi. Au contraire, j'avais prévu d'en faire profiter tout le monde donc pas la peine d'aller me dénoncer.

J'ai dit tout ça très vite, mais je m'arrête soudain quand je la vois sortir un couteau d'un des tiroirs de la cuisine. Elle le fait tournoyer avec lenteur dans sa main comme pour évaluer s'il est assez tranchant.

Euh...Ouais. Nous aurons effectivement besoin d'un couteau pour couper ce gâteau au chocolat qui se trouve là-bas, ajouté-je nerveusement en m'éloignant peu à peu d'elle.

Elle prend ensuite un autre couteau, plus petit, qu'elle met dans la poche de son uniforme. Elle saisit au passage une bouteille d'eau avant de revenir vers moi.

Elle tient toujours le plus grand couteau dans sa main droite avec une expression qui indique clairement le sort qu'elle compte faire subir à quiconque se mettra au travers de sa route.

Tu peux prendre toute la bouffe si ça te chante, dit-elle en me dépassant à nouveau. J'en ai rien à foutre. Je ne dirai rien aux profs.

J'ai honte de le dire, mais j'ai presque failli pisser dans mon pantalon. Elle a eu l'air si... menaçante quand elle a dit ça.

Euh... Merci, dis-je avec nervosité, les jambes tremblotantes.

Il y a plus urgent à régler que de me soucier du fait que tu sois en train de voler de la nourriture. Tu peux soit rester ici soit aller te cacher.

Sitôt dit, elle sort précipitamment de la salle.

Wow... Est-ce que Lia a toujours été aussi... froide ? D'après mes souvenirs, c'est une fille plutôt calme qui, en classe, reste toujours dans son coin, ne fait pas d'histoires.

Et qu'est ce qui peut être plus urgent que dénoncer mon vol ? Après tout, peu importe. Tant que je ne suis pas impliqué dans cette histoire, ça me va.

Rassemblant tout ce que j'ai « emprunté », je sors à mon tour de la cafétéria et arpente à nouveau les couloirs ténébreux de l'école afin d'accéder à l'infirmerie.

La vengeance d'une morteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant