Article écrit dans Marie Claire.
Ryan est passé du haschich aux filles, sans états d’âme. Il y a un an, échaudé par une garde à vue, le petit dealer décide de se reconvertir :
J’en avais marre d’avoir les flics au cul. Des copains m’ont dit que la prostitution c’était moins dangereux et que ça rapportait bien.
Et même au-delà de ses espérances : à 23 ans, Ryan gagne 1 500 €/ jour grâce aux trois jeunes filles qui travaillent pour lui, à raison d’une dizaine de passes quotidiennes tarifées 100 €/demi-heure. Parmi ses recrues, Nina, rencontrée lors d’une soirée avec des copains dans un bar à striptease. Sagement assise à côté de son souteneur, dans un café en banlieue parisienne, la jeune femme de 22 ans raconte sa vie d’avant : elle a été mise à la porte par ses parents, musulmans pratiquants, quand ils ont découvert qu’elle était enceinte d’un homme aux abonnés absents.
"Je pensais qu’en tant que mère célibataire j’aurais droit à un logement et à des aides. Tu parles ! L’assistante sociale m’a dit d’appeler le 115, comme si j’étais une clocharde." Nina écume les boutiques de prêt-à-porter de Châtelet, son maigre CV sous le bras, sans jamais parvenir à décrocher un entretien d’embauche. Découragée après des mois de vaines recherches, sans un sou en poche, elle finit par échouer à Pigalle. Un soir, dans l’intimité d’une cabine privée, elle confie à Ryan, son client à la gueule d’ange, qu’elle ne s’en sort pas avec les 30 € péniblement gagnés par jour. Il lui propose de travailler pour lui, gérant la logistique et la sécurité, contre 50 % de ses revenus. Farid, la quarantaine, voyou à l’ancienne d’une cité de Seine-Saint-Denis, n’en revient pas.
Ça cartonne dans les tiéquars !
confirme-t-il, choqué de ce succès. « Pour notre génération, c’était la honte d’être un maquereau. Aujourd’hui, les petits jeunes n’ont plus de limites : ils dealent de l’héro et font tapiner leurs copines. » Une nouvelle génération de délinquants, opportunistes et avides de se faire une place au soleil. « Les réseaux de drogue sont saturés, tandis que le braquage ou l’escroquerie demandent une certaine expertise et ne sont pas à la portée de tous. Le trafic de filles reste le plus simple à organiser », analyse Jean- Marc Droguet, chef de l’Office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRTEH). « Le proxo, c’est génial », ironise le capitaine Thomas, à la Brigade de répression du proxénétisme (BRP) : pas de « matière première » à acheter, aucun investissement de départ et, à la clé, un « bénéfice monstrueux ». Car le trafic d’être humain reste l’un des crimes les plus rentables au monde : trois milliards d’euros ont été dépensés en France en 2014 pour des actes sexuels tarifés, selon le Mouvement du Nid. De quoi susciter des vocations.
De "fille de bien" à putain
Ryan l’apprenti maquereau – dont la conscience s’arrange mieux avec le qualificatif de « protecteur » – s’investit « à fond » dans son nouveau business. De belles photos et une annonce alléchante publiées sur Viva Street*, un site où les offres de prostitution à peine masquées pullulent ; un appartement propre et discret, sous-loué à des connaissances, dont il change toutes les trois semaines pour ne pas se faire repérer. Il lui arrive aussi de travailler dans des hôtels moyen de gamme, situés dans des quartiers calmes aux portes de Paris.
Un billet glissé au vigile lui assure la tranquillité. Ryan loue toujours deux chambres : une pour la fille qui travaille, une autre où il patiente avec les deux autres, en regardant la télé et en fumant des joints.
Quand elle a fini, elle toque trois coups au mur, et je fais entrer l’équipe suivante.
Ryan s’est équipé d’un extincteur et d’une matraque télescopique, pour mater les mauvais payeurs, les violents, les « trop lents » ou les « trop bourrés ». Mais la plupart du temps, tout se passe bien : « Souvent, j’ai à peine le temps de fumer ma clope que le type a déjà fini. Quand j’y pense, ça me fait un peu bizarre. Mais après tout, c’est le plus vieux métier du monde. Et puis, au moins, je ne tape pas mes filles. » Nina opine, yeux rivés sur ses longs ongles manucurés.
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Les sujets tabous
RandomCe que j'aime ? Le mystère. Ce qui m'insupporte ? Ne pas avoir de réponses. Le but de ce recueil ? Que les sujets tabous soient dévoilés. Qu'espères-tu ? Que les gens puissent apprendre de nouvelles choses et aussi faire tourner les informations hah...