Article écrit le 17 novembre 2014, dans Madmoizelle.
Dans une famille, au-delà de la ressemblance, il y a l'histoire commune et les récits qui nous entourent, qui fondent l'atmosphère familiale, avec les non-dits, voire les tabous : les secrets de famille.
Et ma famille en regorge.
Une enfance insouciante
Enfant, je ne me doutais de rien, ou presque. J'ai grandi avec un papa et une maman aimants, ces héros des temps modernes. Je leur érigeais un temple d'admiration, c'était des demi-dieux, tout puissants. Je ne leur trouvais jamais aucun défaut, sauf lorsque j'était très fâchée contre eux... mais ça ne durait jamais bien longtemps.
Puis j'ai grandi, et je me suis rendu compte, parfois avec désappointement, qu'en réalité ils n'étaient pas si infaillibles que ça. Ça me rassurait, parce que je me sentais plus proche d'eux, mais ça m'attristait aussi, me faisant peur. Qui me protégerait sinon eux ?
Ils ont fait en sorte que je comprenne que je pouvais très bien me protéger moi-même. Je l'ai accepté, et j'ai construit avec eux une relation stable, équilibrée. À niveau égal.
Mais au-delà des parents, il y avait ce monde merveilleux dans lequel je voulais vivre toujours, toute la vie et pas seulement les week-ends ou les vacances. Il y avait la contrée des grands-parents, des papis et mamies. Je crois que, surtout lorsqu'on les voit rarement, les grands-parents nous apparaissent comme des êtres merveilleux, peut-être encore plus parfaits que nos parents.
Avec eux on joue aux cartes, on mange des bonbons, on fait des goûters dans de la dînette, on va au marché. J'habitais loin de chez mes grands-parents, donc on ne les voyait qu'une fois par an. Chaque moment passé en leur compagnie était idéalisé.
La découverte
Et un jour, sans prévenir, sans que je comprenne pourquoi, il y eut une dispute, puis plusieurs entre mes parents et mes grands-parents. J'avais déjà vaguement senti quelques tensions silencieuses, mais là mes parents se dressaient explicitement contre eux.
Je leur en voulais, convaincue qu'ils étaient incapables de voir à quel point mes grands-parents étaient les êtres les plus merveilleux de la Terre. C'est là que ma mère a décidé de nous expliquer, à mon frère de 9 ans et à moi qui en avais 11. De nous faire comprendre pourquoi désormais nous ne verrions plus notre grand-père.
Elle nous a raconté que quand elle et ses soeurs étaient enfants, il avait eu un comportement qui ne devrait jamais être celui d'un père. Avec ma mère comme avec mes tantes.
C'est ce jour-là que j'ai appris le mot inceste. Inceste, c'est un mot qui sonne mal, qui donne l'impression d'avoir la peau engluée dans quelque chose de malsain. Ça fait peur.
À partir de ce moment-là, j'ai repensé à toutes les fois où je lui avais tenu la main, où je l'avais serré dans mes bras, où j'avais joué aux cartes avec lui. Même s'il avait toujours été respectueux avec moi, cela changeait tout.
Et j'ai compris beaucoup de choses de mon enfance. J'ai compris pourquoi quand j'allais seule à l'école, ma mère me prévenait sans cesse de ne pas parler aux hommes dans la rue, pourquoi elle me répétait de venir la voir si jamais l'un d'entre eux me disait des choses ou me touchait. Je trouvais son comportement excessif.
Beaucoup de ses réactions me semblaient bizarres. Elle était nerveuse et angoissée quand, à sept ans, j'ai décidé que je partirais un mois chez mes grand-parents en vacances. Je ne comprenais pas pourquoi cela la touchait tellement, pourquoi elle était si triste. Je pensais que c'était uniquement lié à mon départ, qu'elle avait du mal à me laisser partir tout un mois.
![](https://img.wattpad.com/cover/156090806-288-k259794.jpg)
VOUS LISEZ
Les sujets tabous
RandomCe que j'aime ? Le mystère. Ce qui m'insupporte ? Ne pas avoir de réponses. Le but de ce recueil ? Que les sujets tabous soient dévoilés. Qu'espères-tu ? Que les gens puissent apprendre de nouvelles choses et aussi faire tourner les informations hah...