19 : Abandon(s)

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6 octobre 1297, dans la forêt entre Castelroc et Paris


Dans la forêt, des bruits de pas se firent entendre. La respiration haletante, deux personnes tentaient d'échapper aux hommes qui les poursuivaient. Soudain, l'une des deux tomba par terre. L'autre se pencha et passa un bras sous son aisselle pour l'aider à se relever.

- Allez courage nous ne devons pas être très loin des autres.

- Je n'ai point la force. Abandonne-moi là, mon frère.

- Hors-de-question. Nous avons fait tout ce chemin ensemble, nous devons rester en vie tous les deux, répliqua celui qui l'aidait.

- Je suis blessé et je n'en ai plus pour longtemps. Je préfère mourir en me battant plutôt que de fuir.

- Ne joue pas le héros. Nous ne fuyons pas, nous nous replions afin de mieux prendre notre revanche.

Ils réussirent à faire quelques pas avant que le blessé ne tombe de nouveau. Le deuxième le tira afin de l'adosser à un arbre. Ils se figèrent tous les deux lorsque des bruits se firent entendre. Celui accroupit passa sa tête discrètement d'un côté du tronc afin de repérer les ennemis.

- Sont-ils proche de nous ? demanda dans un toussotement le blessé.

- Si tu continues de parler, nous ne nous en sortirons pas.

- Tu vas devoir me supporter encore quelques heures avant que je ne rende l'âme.

- Silence !

Celui adossé au tronc tenta de ne plus faire de bruit malgré sa respiration rauque. Son frère tira son épée de son fourreau et s'apprêta à bondir. Une personne passa près d'eux et d'un mouvement rapide, le chevalier l'attrapa par le col de sa tunique puis passa la lame sur sa gorge en appuyant fortement. Le soldat français tomba sur ses genoux avant de tomber, face contre terre, en agonisant. Le gascon essuya le sang sur le vêtement du français puis donna des coups de pieds dans les côtes du mort afin de vérifier qu'il soit bien mort. Un gémissement derrière lui, le fit se retourner. Il resta tétanisé devant ce qu'il vit : un autre français était de dos, arme sortie et enfoncée dans le torse de son frère.
Le chevalier ouvrit sa bouche et hurla de colère mais aussi de désespoir devant la scène devant lui. De deux pas, il rattrapa l'assassin et il le pourfendit de son épée en l'insultant. Après qu'il fut tombé sur le sol, le gascon s'acharna à le tailler en pièce avec son arme pour lui faire payer ce qu'il venait de faire. Une voix le fit stopper net :

- Mon frère...

Le mourant le regardait, du sang sortant de sa bouche. D'un mouvement, le gascon s'agenouilla auprès de lui et prit sa main. Avec celle de libre, il la posa sur la plaie pour essayer de stopper le saignement.

- Reste avec moi mon frère... J'ai besoin de toi, nous avons tous besoin de toi ! Marie a aussi besoin de toi.

- Veille... Veille sur elle... Promets le moi !

- Nous allons la protéger ensemble. Nous formons un trio n'oublie pas. Elle tient à toi, ne l'oublie pas.

- Je ne peux plus... accomplir ma mission.

Le blessé toussa et cracha du sang. Il regarda une dernière fois son frère et murmura un « merci » avant de pousser un dernier soupir, sa tête retombant sur son torse. Son frère le secoua pour qu'il se réveille tout en criant son nom. Entendant de nouveau des cris venant sûrement de ses poursuivants, le gascon prit son frère par les épaules pour le tirer jusqu'au camp. Peut-être pouvait-il le sauver. Il en était sûr. Marie le soignerait et tout reprendrait comme avant.


Dans une autre partie de la forêt


Les villageois qui avaient pu s'échapper de l'embuscade s'étaient regroupés dans une partie de la forêt. Il ne restait qu'une dizaine de personne sur les trente. Marie se trouvait avec eux ainsi que Gaultier, le chef des villageois. Ils s'étaient tous assis en évitant de faire du bruit. Les mères cachaient la bouche de leurs enfants qui pleuraient ou qui gémissaient de peur. Un bruit de branches et de feuilles écrasés se fit soudain entendre. Marie, accroupie alors auprès d'un orphelin pour le calmer, se releva tout en faisant signe de ne plus bouger aux autres. Gaultier s'approcha d'elle et posa une main sur son épaule pour lui murmurer :

- Restez ici, je vais voir.

- Hors-de-question, je me dois de les protéger, répondit-elle en le défiant du regard.

- Je vous rappelle que c'est moi le chef du groupe des villageois.

- Je...

Elle n'eut pas le temps de finir sa phrase qu'une personne arriva devant eux, épuisée. Gaultier lâcha un cri de surprise avant de se ressaisir en toussotant. Marie s'approcha et posa une main sur le dos de la personne courbée en deux :

- Où sont les autres Robert ?

Ce dernier ne répondit pas trop occupé à reprendre son souffle. Marie releva les yeux et scruta à travers les arbres pour voir s'il avait été suivi. En espérant que ce fut par Pierre ou Guillaume. Ne voyant rien elle redressa légèrement Robert de Namur pour qu'il la regarde dans les yeux.

- Où sont Pierre et Guillaume ?

- Je suis désolé Marie, dit-il en regardant dans une autre direction. Nous sommes allés tous les trois nous battre contre les soldats français mais Pierre a avancé plus vite que nous. J'étais entouré de fantassins c'est donc Guillaume qui l'a rejoint. Nous pensions les avoir tous tués mais il en restait deux ou trois... J'ai poursuivi le fantassin, en vain... Lorsque je suis revenu, il n'y avait plus personne à part...

- A part quoi ?

- Un morceau de flèche par terre avec du sang ainsi qu'une partie de la tunique d'un de nos hommes avec à côté l'archer qui restait. Mort.

En entendant cela, Marie posa les mains sur sa bouche, imaginant le pire de ce qui pouvait être arrivé. Robert de Namur en voyant la peur dans ses yeux s'approcha d'elle et posa ses mains sur ses épaules.

- Peut-être ont-ils simplement été poursuivis par d'autres soldats qui sont venus en renfort et donc, ne voulant pas risquer vos vies, ils les ont emmenés sur une autre piste.

- Cela fait plusieurs heures.

- Attendons quelques jours ici, établissons un camp.

- Et comment nous retrouverons-ils ? demanda Marie, les larmes coulant sur ses joues.

- Avec les traces. Sinon, nous nous rejoindrons en Flandre et là nous prendrons notre vengeance sur ce roy barbare, il la regarda un instant avant de tourner la tête vers le groupe de villageois.
Allons rejoindre les autres à présent. N'oubliez pas qu'en tant que dame de Lantagnac, vous devez nous guider.

- Je ne peux... Pas sans mon mari. De plus, officiellement je ne suis pas sa femme et donc je n'ai pas ma place.

- Je m'en assurerai ma Dame. Gardez espoir et ayez confiance en votre mari. Il nous a bien conduit jusqu'ici, il nous conduira jusqu'à la victoire.

La jeune fille releva la tête et croisa le regard de son ami et nouveau protecteur. Ce qu'elle y lut lui donna du baume au cœur et lui redonna espoir quant au sort de son mari et de son meilleur ami. Résolue à ne pas se laisser abattre, elle se dirigea vers le groupe la tête haute, prête à prendre ses responsabilités. 

La Revanche de LantagnacOù les histoires vivent. Découvrez maintenant