13 : Retour

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Sur les terres de Lantagnac, deux cavaliers arrivèrent. C'était Pierre et Robert qui venaient de Furnes. Depuis la frontière jusqu'à Castelroc, les villages avaient été dévastés, les villageois tués et les champs brûlés. Pierre de Lantagnac serrait fort ses rênes en voyant le carnage que les hommes du roy avait fait. Pensant alors à Marie, il talonna de ses éperons les flancs de son cheval. Robert le suivait de près et ensemble, ils parvinrent jusqu'au castel. Du moins, ce qu'il en restait. Des ruines s'échappaient encore de la fumée, les corps suspendus le long des murailles, qui n'étaient pas détruites, bougeaient à la force du vent. Plusieurs corbeaux se nourrissaient de la chair des pendus. Ils s'avancèrent jusque dans la cour et Pierre sauta au bas de sa monture.
Robert restait à l'écart, préférant le laisser seul. Le fils du comte de Lantagnac s'approcha du billot et vit le corps d'une femme, près de l'escalier improvisé. Il hurla et courut jusqu'à elle. Il retourna le corps et reconnut sa mère. Sa robe était pleine de sang, ses cheveux si beaux autrefois étaient rêches. A genoux sur le sol, il tenait sa mère dans ses bras, les larmes coulant le long de ses joues.

- Mère... Mère je vous en prie... Réveillez-vous.

Une large césure1 commençait de son épaule droite jusqu'à son flanc gauche. Il posa son chef sur la poitrine de son mère, laissant les larmes ruisseler. Lorsqu'il le releva, ses yeux étaient emplis de colère et son souffle était brutal. Il porta sa mère dans ses bras et l'emmena jusque dans le jardin qu'elle aimait. Après l'avoir délicatement posée sur l'herbe, il creusa une tombe avec la pelle qu'il avait prise dans l'écurie.
Robert s'approcha alors de lui et, posant une main sur son épaule, il lui dit :

- Pierre... Nous devons...

- Nous devons l'enterrer. Elle et ma famille. Je n'ai pas vu mon père, ni Guillaume. Peut-être ont-ils survécu. Nous devrons aller chercher dans la forêt tout à l'heure.

Après avoir enterré sa mère, Pierre récita une prière. Il se releva ensuite et rejoignit son cheval. Il tourna la bride et galopa jusqu'à la maison où vivait Marie. Il priait de toutes ses forces pour qu'elle soit toujours en vie et pour que les hommes du roy ne lui ait rien fait. Ayant été avec des hommes sur un champ de bataille, il savait très bien comme l'on pouvait être sans pitié et sans honneur. Robert n'avait pas hésité à encourager ses hommes.
Lorsqu'il arriva à la chaumière de Marie, il la découvrit brûlée. Il descendit rapidement de cheval et s'approcha de la maison. Etait-elle... ? Il n'osait penser ce mot. Il espérait de tout cœur qu'elle ne le soit pas. Il ne le voulait pas. Il s'arrêta devant la chaumière et son regard se posait partout. Il s'accroupit et prit du bout des doigts ce qui se trouvait être un médaillon. Celui qu'elle portait tous les jours.
Il serra dans son poing ce bijou et ferma les yeux, une larme coulant. Il se releva et se tourna vers Robert, qui l'avait accompagné.

- Allons dans la forêt. Il y a peut-être des survivants. Guillaume et mon père doivent les avoir accompagnés !

Sans attendre de réponse, Pierre monta sur son cheval et galopa jusqu'à la lisière de la forêt. Il dégaina son épée et s'enfonça parmi les arbres tout en restant sur ses gardes.

- Faisons bien attention... Ils risquent d'être sur leurs gardes, murmura-t-il.

A peine eu-t-il fini sa phrase que des cris se firent entendre de tous leurs côtés. Les deux chevaliers tournèrent la tête vers les assaillants mais ils se firent vite désarçonner de leur monture. Robert surpris commença à sortir son épée mais il fut désarmé par un des hommes d'un coup de pied. Ce dernier lui donna un coup au visage pour qu'il s'effondre à terre. Il posa ensuite un genou sur son torse et posa une dague sur son cou :

- Rendez-vous ou nous tuons votre ami, messire !

Pierre jeta un coup d'œil à Robert de Dampierre et soupira en plantant son épée dans le sol. Savait-il réellement se battre ou n'était-ce qu'illusion ? Après toutes les fois où il avait dû le sauver. Il secoua la tête et leva les mains en l'air. Deux garçons abaissèrent ses bras dans le dos pour l'attacher. Pierre jeta un regard noir à Robert, l'accusant de s'être fait prendre comme des lapins. Robert se fit aussi attacher et tous deux eurent les yeux bandés.
Ils marchèrent pendant ce qui semblait à Pierre une éternité. Il sentit qu'ils s'arrêtaient. Si sa vue ne fonctionnait plus, son ouïe, elle, pouvait l'aider. Il essaya de se concentrer sur ce qui l'entourait. Des voix. De femmes, d'hommes, d'enfants, d'animaux.
On le força à se mettre à genoux d'un coup brutal à l'arrière du genou. Il tomba et souffla de colère. Comment osaient-ils le traiter ainsi ? Lui, futur comte de Lantagnac.

La Revanche de LantagnacOù les histoires vivent. Découvrez maintenant