16 : Confrontation(s)

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Pierre ouvrit la bouche et s'apprêtait à parler lorsqu'elle lui tourna le dos pour s'avancer dans la forêt. Il courut et la rattrapa. Il lui prit le bras pour la retourner afin qu'elle soit face à lui. Ils se fixèrent sans rien dire, chacun la bouche entrouverte, la respiration haletante.

-       Marie, je...  Pourquoi ne dis-tu plus un mot ? Pourquoi m'évites-tu donc ? Qu'ai-je fait ?
A ces mots, Marie, qui avait baissé les yeux, les releva pleins de rage. Pierre, surpris et étonné, se recula légèrement.

-       Ce que tu as fait ? Tu oses mander ce que tu as fait pour que j'agisse comme cela avec toi ? Tout ceci est de ta faute. Si tu n'étais point parti en guerre avec ces Dampierre, rien de tout ceci ne serait arrivé.

-       Tu sais très bien que c'était sur les ordres de mes parents. Je n'en pouvais ni ho ni jo1 et de plus...

-       Ah oui la faute de tes parents. Encore une fois tu n'as pu décider par toi-même. Tu ne mérites pas d'être notre chef. Tu n'es qu'un couard, qu'un gueux et...

Elle ne put continuer car Pierre l'avait giflée. Elle tomba à terre, une main sur la joue. Aussitôt, lui revint en mémoire ce qui s'était passé ce jour-là, dans la maison. Elle recula du mieux qu'elle pouvait pour essayer d'échapper au jeune homme en face d'elle. Marie ne voyait plus Pierre, seulement le visage de ce comte qui avait abusé d'elle.
Pierre la regarda et la rage partit de son regard. Qu'avait-il fait ? Il avait osé, lui, lever la main sur un être plus faible que lui, sur sa femme, sur celle qu'il aimait. Il fit un pas dans sa direction mais elle poussa un cri, sortant une dague pour la pointer sur lui.

-       Marie, arrête, ce n'est que moi...

Il la bloqua et se mit à califourchon sur elle et lui enleva la dague pour l'empêcher de se faire mal. Pierre ne comprenait pas ce qui se passait. Marie, quant à elle, gigotait toujours sous lui, essayant par tous les moyens de se dégager de son emprise.

-       Marie, calme-toi je...

Il la regardait, suppliant. Soudain, il fut propulsé en arrière et il tomba sur le dos. Deux visages se penchèrent au-dessus de lui. Guillaume et Robert le regardaient.

-       Pierre mais que fais-tu donc ? Commença le fils Dampierre.

-       Relâche-la tout de suite, continua Guillaume, fou de rage, comment oses-tu la malmener après tout ce qu'elle a enduré !

Pierre le regarda étonné. D'où venait la colère de son frère ? Comment osait-il lui parler ainsi ? Il se releva avec l'aide de son ami et s'approcha de Guillaume.

-       Comment oses-tu t'adresser ainsi à moi ? N'oublie pas à qui tu parles.

-       N'oublie pas qui était présent auprès de nos gens pendant que toi, tu te battais contre notre souverain, en nous abandonnant. Maintenant, tu oses revenir et te proclamer chef de la rébellion, après les lourdes pertes que nous avons subis. Tu as abandonné Marie et tu ne t'occupes même pas d'elle, trop occupé par la reconquête de tes terres. Tu n'es pas digne d'être noble, ni même de faire partie de la menuaille2. Eux sont bien plus courageux que toi.

C'en fut trop pour le comte, il dégaina son épée et la plaça sous le menton de son frère, haletant. Guillaume ne recula, ni ne broncha. Il haussa un sourcil et bailla d'une voix calme :

-       Fais-le mon frère, fais-le. Depuis tout ce temps où tu espérais qu'il m'arrive un accident.

-       Tu as dépassé les limites. Père te ferait fouetter.

-       Mais tu n'es point père, tu es plus faible que lui. La preuve, tu n'as pu tuer ces soldats français que nous avions capturés.

-       Je refuse de verser du sang inutilement. Ils peuvent nous servir.

-       Tu as tort mon frère. Ta clémence envers ces hommes, ces boursesmolles, nous coûtera cher. Tu préfères faire passer les français avant nous.

-       Ah oui ? Pourquoi suis-je donc revenu à ton avis ?  Pierre baissa son épée et regarda son frère puis Marie avant de se tourner à nouveau vers Guillaume.
Je ne veux point te perdre. Je ne veux point la perdre. Je sais qu'être né après moi ne te donne pas beaucoup de droits mais cette bataille, cette guerre contre le roy de France, je veux que nous la fassions ensemble, côte-à-côte. Tu es mon frère et tu es mon égal. Jamais je ne serai devenu l'homme que je suis si tu n'avais pas été à mes côtés.
Il marqua une longue pause en soupirant et observa sa bien-aimée.
Je sais que tu tiens à elle, tout comme moi. Je sais que tu ressens envers elle un amour incommensurable, tout comme moi. Mais, Marie est MA femme. Lors de notre union, j'ai juré de la protéger et de la chérir dans les moments difficiles. Je ne sais ce qu'elle t'a confié dans cette cabane mais crois bien qu'elle m'en parlera dès qu'elle sera prête. Même si cela prend deux années.

Sur ces derniers mots, il s'approcha de Marie, évanouie, et passa un bras sous ses épaules et un autre sous ses jambes. Il lança ensuite un regard empreint de détermination à son frère avant d'emmener sa femme dans la cabane pour qu'elle se repose à nouveau.
Cela fait, il se dirigea vers des soldats qui étaient au service de son père et il leur murmura :

-       Nous partons demain matin vers les Flandres. Je souhaite que vous trouviez celui qui dirige les villageois, qu'ils choisissent un chef. Trouvez des femmes pour qu'elles s'occupent de la jeune fille qui se trouve dans la cabane. Que tout le monde se prépare pour cette longue route. Nous n'attendrons personne demain. Faites passer le message.

-       Bien monseigneur, répondirent-ils en inclinant leur chef.

Il s'approcha de son cheval et monta dessus. Robert de Namur, qui l'avait suivi, se stoppa près de lui.

-       Pierre, où vas-tu ?

-       Je vais chasser. Souhaites-tu m'accompagner ?

-       Ne sais-tu point qu'il est dangereux de chasser par ici ? Je te rappelle que le roy veut ta mort et celle de ton frère.

-       Je n'ai point peur du roy. Et si tu ne veux point venir avec moi, alors j'irai seul.

Sur ces mots, il frappa de ses talons le flanc de son cheval et partit en direction de la clairière pour aller chasser et ramener un peu de viande à son campement.

1 : n'en pouvoir ni ho ni jo = ne pouvoir rien faire

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1 : n'en pouvoir ni ho ni jo = ne pouvoir rien faire

La Revanche de LantagnacOù les histoires vivent. Découvrez maintenant