39 : Le Prince

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Marie resta stupéfaite devant la froideur de l'homme qu'elle avait en face d'elle. Il était grand et brun de cheveux, son visage était long et donnait l'impression qu'on le dérangeait. Inconsciemment et dans un réflexe, elle s'inclina devant lui.

- Au moins, votre ancien mari vous a bien dressée.

- Votre Altesse, je me nomme Marie et...

- Et vous avez été ramenée par mon père pour que vous montriez à la Cour que les Lantagnacs sont matés et qu'ils servent de nouveau le roy de France. Croyez-vous honnêtement que c'est pour cela qu'il vous a amenée ici ?

- Pour quelle autre raison votre Altesse ? osa-t-elle demander alors qu'il se servait un verre de vin.

- Vous êtes vraiment naïve à ce que je vois... Mon père n'arrête pas de me reprocher d'aller voir d'autres femmes qui ne devraient pas mériter une parole de ma part. Je dois donc être recadré et vu en présence d'une jeune femme qui a été contre nous mais qui a rejoint notre camp.

- De force ! En aucun cas je n'ai accepté de vous servir vous et votre roy. Je n'ai fait cela que pour sauver mon époux et mes enfants.

- Tiens tiens... Vous êtes donc toujours révolutionnaire dans l'âme à ce que je peux voir, remarqua le prince en buvant doucement une gorgée tout en l'observant d'un œil amusé.

- Quand on trahit sa parole, une personne n'est pas digne d'être appelée roy de France.

Le prince s'approcha d'elle et sans attendre la gifla si fort qu'elle tomba à terre. D'un mouvement du pied, il écrasa sa main et sous la douleur, Marie cria. Il s'accroupit auprès d'elle et remit une mèche derrière son oreille. Des larmes de douleur coulaient le long des joues de la jeune femme et d'un doigt, il les essuya.

- Tut tut... Vos manières de servante sont toujours bel et bien présentes. Avec le temps, cela devrait changer.

Il se releva et se dirigea à nouveau vers le buffet pour prendre un fruit frais.

Je vous interdis de parler comme vous venez de le faire de mon père et de votre souverain. Vous êtes à présent sous mes ordres. Votre quête de révolution était amusante au début mais maintenant, je commence à me lasser. Comment votre mari arrivait-il à vous supporter ?

- Peut-être que lui n'était pas un tortionnaire et qu'il ne me battait pas, répondit Marie en se redressant mais en restant assise au sol.

- Vous devrez vous habituer à ce genre de choses. A part si vous changez d'attitude ! Je vous souhaite un bon jour et vous verrai ce soir lors du dîner.


Après ces mots, il sortit de la chambre en claquant la porte et ses bruits de pas s'estompèrent dans le couloir. Aussitôt, les deux servantes s'avancèrent vers elle et l'aidèrent à se relever. Elles la firent s'asseoir sur le bord du lit et tamponnèrent avec un linge humide la joue de la jeune femme.

- Tous les français ne sont point comme ma dame. Nous pouvons vous l'assurer. On raconte que le jeune prince n'a pas reçu d'amour de la part de ses parents. La mère de notre souveraine est décédée il y a peu. La reine s'est donc réfugiée dans la prière.

- Quel âge a le dauphin ?

- Dix-neuf années ma dame.

- Je suis nettement plus âgée que le jeune prince. Pourquoi m'avoir choisie ? Pauline, Ermeline, dites-moi tout ce que vous savez sur la prison du Louvre.

- C'est que...

- Vous venez de voir comment votre futur roy a traité une femme qui autrefois a été servante mais qui est devenue noble. Pensez-vous qu'il sera plus indulgent avec vous ou vos enfants ? Avec tous les françois ?

Les deux jeunes servantes se regardèrent avant de hocher de la tête. Cette femme avait l'air plus sincère que toutes celles pour qui elles avaient travaillés. Elles expliquèrent en détail comment atteindre la prison, comment négocier les geôliers et où étaient emprisonnés les flamands. Elles lui indiquèrent aussi un couloir secret qui traversait toute la cour du Louvre et qui débouchait en-dehors. Peu le connaissait mais elles avaient eu leur père qui avait travaillé en tant que geôlier pendant quelques mois.

Le coeur de Marie regonfla d'espoir en entendant les deux sœurs se livrer ainsi sur la configuration du palais. Cela faisait quelques heures qu'elle était dans le palais et elle savait qu'elle pouvait compter sur ces deux personnes. Le seul problème maintenant était de semer les gardes. Elles ne savaient pas si elle pouvait leur demander de l'aide à ce point. Mais elle voulait aider une dernière fois la cause flamande et peu importe ce qui pourrait lui arriver. Son mari et ses enfants avaient été tués. Elle n'avait donc plus aucune raison de vivre.

- J'ai besoin de votre aide pour délivrer mes amis.

- Non non... Nous ne pouvons vous aider dans ce cas. Cela voudrait dire que l'on trahit la France. Nous avons deux enfants et nous ne voulons les perdre.

- A cause de la France, je viens de perdre mon époux et mes deux enfants. Peu importe si vous ne voulez m'aider. Vous avez déjà fait beaucoup et je vous en remercie. Vous pouvez y aller je resterai seule.

- Il y a un dîner donné pour la victoire française ma dame avec le lendemain matin l'exécution des tra... Des soldats flamands capturés lors de la dernière bataille. Votre robe est prête sur votre lit. Nous reviendrons vers dix-huit heures pour vous préparer.

Marie les salua de la tête et tourna la tête vers le vêtement vert sapin constitué d'un tissu lourd qui montrait toute la richesse du royaume. Elle n'avait jamais connu ça enfant, ni même en tant que femme mariée. Elle posa sa main sur le tissu doux et le serra fort. Elle ferma les yeux et des larmes coulèrent le long de ses joues en repensant à ceux qu'elle avait perdu. Elle se sentait seule dans ce grand palais et tous les bons moments passés avec son époux, ses enfants et amis lui manquaient. La porte s'ouvrit et laissa passer un des gardes qui était placé devant sa porte. Elle releva la tête et fronça les sourcils en voyant cet homme. 

 

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La Revanche de LantagnacOù les histoires vivent. Découvrez maintenant