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Je marchais dans les rues de Barcelone lentement, cherchant un endroit pour me poser en terrasse et méditer sur ma misérable vie. Je ne savais pas pourquoi j'avais fini par atterrir à cette soirée, enfin, je m'étais amusée comme une dingue mais je ne savais pas pourquoi j'avais fini par faire l'amour avec un inconnu. Bien que ce fut la première fois, je ne vis étrangement pas l'ombre d'un regret traverser ma petite personne.

Le soleil était à son zénith et illuminait la ville. Je pris place dans un petit restaurant sur la place de la Virreina. Mon téléphone sonna tandis que je restai immobile, à le contempler. 

Une fois, puis deux.

 Au bout du troisième appel, j'éclatai un rire discret et décrochai enfin.

- Qu'est-ce que tu veux ?

La voix que j'entendis à l'autre bout du fil m'apaisa totalement et le poids que j'étais en train de mettre sur mon cœur s'évapora derechef.

- Eden De Abreu je vais te tuer si tu continues à regarder ton téléphone sonner lorsque JE t'appelle.

- Je t'en veux tu sais, râlai-je, je vais prendre un expresso s'il vous plait, répondis-je à la demande du serveur.

- J'espère que c'est seulement ton premier de la journée, se renfrogna mon ami, je sais que tu m'en veux mais je vais me rattraper, tu es où? Je viens d'atterrir sur Barcelone.

Je me détendis malgré la grande surprise dont me faisait part le brésilien. Il était vrai que je lui en voulais, je leur en voulais tous, même si j'étais la seule responsable de ma solitude.

- Toi, le grand Thiago Silva, ici ? C'est bien après un an.

Thiago était footballeur professionnel pour l'équipe internationale du Brésil, mon pays natal. Nous nous étions rencontrés lorsque j'avais trois ans dans un club où mon père était entraîneur à l'époque et il m'y emmenait tout le temps. Mon ami avait commencé par s'occuper de moi à ses heures perdues, puis finalement en grandissant, nous avions fini par créer des liens réellement profonds. Je n'avais pas beaucoup d'amis, bien que grâce à la carrière de mon paternel, j'avais dans mon répertoire un bon paquet de joueurs professionnels et que j'étais relativement bien entourée, mais avec Thiago, c'était spécial, je lui aurais confié ma vie.

Mais ça, c'était avant.

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Malgré mon caractère amer, ce fut de belles retrouvailles. Lorsque j'aperçus mon ami, ma rancune s'évapora et je m'agrippai à son cou telle une enfant de cinq ans. Nous nous installâmes à table, il commanda un coca avec quelques tapas.

- Alors, Paris, ça va ? Demandai-je platement.

Thiago était la nouvelle recrue du Paris Saint Germain ; ça avait été une décision difficile à prendre pour lui, mais l'offre frôlait la perfection, il s'y était donc lancé.

- C'est merveilleux. La ville est splendide, mon équipe est géniale. C'est différent de l'Italie.

- J'adore Paris, souris-je, je n'y suis pas retournée depuis mes... dix-huit ans.

- C'est vrai que tu y allais souvent avec ta mère ! Je m'y sens bien là bas. Et toi, la danse ?

Un blanc s'installa durant quelques secondes, je baissai les yeux.

- Je m'entraîne par ci, par là, mentis-je, j'ai tourné dans deux clips, mais pour l'instant je fais une pause.

-Je vois, marmonna-t-il, mais c'est maintenant ou jamais. Tu ne peux pas laisser trop de temps s'écouler. Tu es venue ici pour ça, non ?

Je levai les épaules sans le contredire toutefois, parce qu'il avait tord. Je n'étais pas venue en Espagne pour ça et au fond de lui, il le savait pertinemment, mais je refusai d'y penser, pas maintenant, plus jamais. Thiago n'insista guère. Il me connaissait que trop bien. Nous venions juste de nous retrouver et il était hors de question de gâcher ce moment. Il engloutit quelques tomates et reprit.

- Ton père ça va ?

- Il m'a envoyé en mission hier soir car il pouvait pas se déplacer, pour recruter un joueur avec une offre très intéressante.

- Tu fais toujours ça pour lui ?! S'étonna le noiraud, incrédule.

-Ouais, minaudai-je, tu sais bien que personne ne me résiste !

Le brésilien pouffa de rire. Je n'avais pas de relation familiale avec mon paternel. Il m'avait baigné dans son milieu depuis mon enfance, se servant de mon relationnel crée avec les joueurs au fil des années afin de se les approprier.

Comme de véritables poupées.

En échange de ça, il ne m'emmerdait pas trop avec mes choix de vie et subsistait à mes besoins lorsque je n'arrivais pas trop à gérer.

- Et qui donc ce cher Abreu veut-il recruter ? Demanda mon ami curieusement.

Je serrai les dents, pleine d'hésitation. Puis, après réflexion, j'avais confiance en Thiago plus qu'en n'importe qui.

- Gérard Piqué, chuchotai-je doucement, ce qui provoqua l'hilarité du jeune brésilien qui se mit à rire sans aucune retenue.

- Gérard ?! Mais il est fou Eli, s'exclama-t-il, il ne signera jamais, il est trop bien au Barça !

Et pourquoi au juste ? 

Il fit danser ses sourcils pour me narguer, mon instinct prit le dessus.

- Oh tu sais quelque chose ! m'énervai-je, et il sourit, dévoilant de grandes dents blanches bien ajustées.

- Je ne suis pas venu par hasard, j'accompagne un ami qui s'apprête à signer pour le Barça demain, et c'est pour ça que Piqué ne va pas partir, répondit-il serein.

Un ami. Les souvenirs me refirent surface et j'écartai la lame du couteau rapidement avant qu'elle ne s'empare de mon organe vital. Avec le temps, j'avais appris à ne plus me noyer dans ces pensées qui me donnaient littéralement envie de mourir. Mon passé à Sao Paulo était derrière moi, je devais me concentrer sur ma nouvelle vie, même si lorsque je voyais Thiago, ou entendais sa voix, je ne pouvais m'empêcher de m'y replonger, de l'imaginer, lui. J'adorais le football et ses joueurs, mais il s'agissait du business de mon père et je ne devais pas le prendre trop au sérieux.

Plus jamais.

Le nouveau membre du PSG passa sa journée avec moi, me racontant ses six derniers mois intenses au sein de la capitale Française; il rayonnait de bonheur et le voir comme ça me rendit plus qu'heureuse. Il me demanda de l'accompagner à la soirée de lancement de l'équipe de Barcelone, j'acceptais avec joie et nous fîmes du lèche-vitrines afin de me trouver une tenue adéquate.

Mais à ce moment-là, j'étais loin d'imaginer ce qu'il se passerait.

Si seulement.


Cher Thiago, on ne se rend pas toujours compte de ce qu'on a jusqu'au jour où on ne l'a plus, pas vrai?




MEU ABRIGO Où les histoires vivent. Découvrez maintenant