Crépuscule sous les étoiles

CHAPITRE HUIT

  Jean faisait griller un toast pour son petit déjeuner. Habillé d'un pantalon de jogging à l'effigie d'une célèbre équipe de football, et de claquettes usées, il s'avachit devant la télé, sa tartine de pain beurrée à la main, attrapant au passage une brique de jus de fruit. Il en but une gorgée au goulot, tandis que les chaînes défilaient sur le petit écran.

  Le jus tacha la table basse et le toast fit des miettes sur le tapis, mais Jean était trop obnubilé par le choix de son programme télévisé. Le jeune garçon n'avait pas d'autre activité que de regarder une télé-réalité, lorsqu'un son écorchant, de mauvais rap américain, attira son attention sur son téléphone, coincé dans sa poche. Seb venait de lui envoyer un lien vidéo. Il reconnut facilement les plans filmés au skate parc et la casquette rouge de son ami qui cachait son visage. Sur son skateboard, il grimpait avec agilité les murets et les rampes, avant de s'écrouler par terre la tête la première. Chaque chute était plus impressionnante et ridicule que la précédente, faisant pouffer de rire Jean avec le souvenir de cet après-midi aux urgences.

  Beaucoup de personnes semblaient avoir aimé cette vidéo. Elle comptait plus de dix mille vues et la moitié de mentions j'aime. Nombreux étaient les commentaires s'extasiant de l'hilarité de ces jeunes garçons aussi fous que des demeurés sans limites. Ce qu'ils étaient après tout.

  Jean renversa son jus en se levant brusquement, marcha sur son pain à moitié entamé, enfila un t-shirt et descendit un peu trop précipitamment les deux étages d'escaliers. Un air bêta sur le visage, il parvient au palier de l'appartement de Seb avant de s'y inviter sans toquer.

  « On est célèbres », cria-t-il dans le petit salon avant de se laisser tomber dans le canapé, les bras ouverts en position de vainqueur.

  Seb le rejoignit en rigolant, une serviette de bain sur les épaules. Un jean tombait sur ses hanches trop maigres et sur son torse saillant perlaient encore des gouttes d'eau.

  « Tu vas quelque part ? demanda Jean, visiblement déçu de ne pas pouvoir partager son enthousiasme soudain.

  — Je vais voir une fille », balança le grand brun en se dirigeant vers sa chambre.

  Jean le suivit, attendant des détails, des explications. Depuis qu'ils se connaissaient, c'est à dire depuis qu'ils étaient en âge de parler, jamais ils n'avaient fréquenté, ni l'un ni l'autre, de fille. Cette situation exceptionnelle ne rendit pas Jean heureux pour son ami. Il redoutait qu'on lui vole son compagnon le plus fidèle, son seul compagnon.

  « Faudra qu'on refasse des vidéos où on se casse la gueule, ça a l'air de leur plaire !

  — À qui ? » murmura Jean sans comprendre pourquoi Seb s'en allait comme ça. 

  Il n'entendit pas la question de son ami et le laissa seul dans l'appartement bruyant du rez de chaussé. Jean remonta les escaliers, avec moins d'entrain et d'intérêt qu'il y a quelques minutes, et s'avachit à nouveau dans son divan grinçant.

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