JUILLET - CHAPITRE UN

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PARTIE 1 : LE PETIT PATELIN

C'était la fin. Le lycée et ses longs couloirs bordés de jaune poussin ne resteraient plus qu'une vague image dans la mémoire de Créa. Tandis que la jeune fille se dandinait sur le siège en cuir abîmé de sa décapotable, son esprit divaguait vers les souvenirs flous de l'année scolaire qui venait de s'achever. Elle avait longtemps désiré l'arrivée des vacances, la fin des examens et s'éloigner de tous ces visages qu'elle connaissait par cœur. Bizarrement, maintenant que tout cela était derrière elle, elle le regrettait, souhaitant quelques années de plus pour calmer son angoisse et se préparer à affronter sa peur de l'inconnu.

Au son d'un vieux groupe de rock, l'automobile fendit l'air et secoua les branches d'arbres qui bordaient la route. Les flaques de pluie de la veille éclaboussèrent la carrosserie rougeoyante dans un claquement sauvage. La chaleur envahit l'habitacle de la voiture par un vent du sud, laissant les longues mèches brunes de la jeune fille frisotter d'humidité.

Lorsque l'été déclinerait, ce seraient une nouvelle ville et une nouvelle école qui l'attendraient. Toutes deux bondées d'un peuple qu'elle n'avait pas encore apprivoisé. L'université étant connue comme un lieu très fréquenté par les gens de son âge et toute autre personnalité, elle appréhendait déjà la rentrée qui avait lieu dans deux mois. Créa ne redoutait pas les nouvelles rencontres, elle aimait avoir de la compagnie. Mais cette situation lui donnait l'impression de repartir de zéro, comme si tout ce qui s'était passé avant ne comptait pas. Elle pouvait tirer un trait sur sa classe de terminale, qui comptait à peine une vingtaine d'élèves et accueillir, à présent, l'horripilante idée des cours de philosophie en amphithéâtre.

L'épreuve ne s'arrêtait pas là. Créa allait avoir de plus en plus de responsabilités qui pèseraient sur ses épaules. Un logement à elle toute seule, sans personne pour lui mettre des limites. Le rêve de tout adolescent, le cauchemar de Créa. Une claque d'indépendance allait la frapper directement au visage. Elle, aux allures si matures pour sa florissante majorité, avait peur de grandir. Le cocon familial, composé seulement d'une mère protectrice et d'un chat au caractère suspicieux, ressemblait au seul pilier stable de sa vie, pourtant monotone. Elle s'apprêtait à laisser ça au passé, pour tout devoir reconstruire.

Alors qu'elle faisait glisser ses mains sur le volant pour aborder un virage serré, une silhouette apparut au loin. Habillé d'un simple haut à capuche et d'un jean un peu trop large, un jeune homme, de l'âge de Créa, levait son pouce en l'air.

Elle n'avait pas pour habitude de prendre avec elle les auto-stoppeurs. C'était d'ailleurs le premier qu'elle croisait sur cette route reliant la grande ville et son patelin. Le trafic n'était pas dense, en cette fin de journée. Avec un peu de chance, au petit matin, il se ferait ramasser par un camion de livraison.

Créa augmenta le son de la stéréo, attirant le regard suppliant du garçon. Il avait l'air épuisé, le dos voûté à force de se tenir debout. Malgré l'ombre du bois qui bordait l'asphalte, la chaleur de ce mois de juillet était encore étouffante. Il devait être assoiffé.

Il ne ressemblait pas aux vagabonds de passage, chargés de sacs plus lourds qu'eux et aux cheveux emmêlés. Il paraissait tout simplement perdu, au-devant de la grande forêt, à attendre, le visage crispé par l'effroi.

Elle le dépassa alors que les notes de la musique commençaient à s'évanouir dans le bercement des rouages du moteur. La lumière aveuglante du coucher du soleil lui fit plisser les yeux. La nuit ne tarderait pas à tomber. La route était dangereuse, mal éclairée. Il suffirait d'un conducteur somnolant et ce pauvre garçon se ferait percuter.

Elle fit demi-tour, pestant contre sa bonne conscience. S'il lui arrivait malheur ce serait à cause d'elle.

La fine silhouette du jeune homme réapparut entre les arbres. Il toisait du regard la voiture qui fonçait vers lui, comme hésitant à sourire ou non. Lorsque celle-ci ralentit sur le bas côté, dans un fracas qui marquait son âge avancé, il baissa son bras engourdi. L'engin rouge s'immobilisa devant lui, dévoilant la jeune fille qui le conduisait. Créa se pencha vers lui.

« Tu vas dans cette direction ?  » demanda-t-elle, pointant du doigt la route qui serpentait.

Il bredouilla une vague affirmation. Elle l'invita à monter.

Il arbora un air soucieux, dans un premier temps, ne sachant pas s'il pouvait lui faire confiance. Puis rapidement, il se reprit et grimpa sur le siège passager aux côtés de la fougueuse brune, de son vrai nom, Crépuscule.

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Crépuscule sous les étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant