CHAPITRE TRENTE

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Ce chapitre est spécial. Vous vous en rendrez peut-être pas compte à la lecture. Mais, il marque la fin de quelque chose de beau et de grand. Et pour commémorer cela (à croire que des gens sont morts) je vous ai fait une petite vidéo :
https://gopro.com/v/Lvbo5nEz22E6o
Comme la dernière fois, si vous n'arrivez pas à cliquer dessus, envoyez moi un message, je vous filerai le lien.
Je vous laisse avec ce chapitre. Des bisous.

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« Je vous laisse là, je vais devoir rentrer », déclara Créa en se garant sur le parking de l'hôpital.

Les lieux lui rappelaient sa rencontre avec le docteur James. Un tournant de sa vie s'était joué ici, mais elle sentait qu'elle n'avait pas terminé de complètement tourner la page. Dans le rétroviseur, elle jeta un œil à Judi assis sur la banquette arrière. Il observait attentivement la façade du bâtiment, comme s'il le découvrait pour la première fois. Des centaines de fenêtres s'élevaient au-dessus de leurs têtes. Peut-être cherchait-il un visage familier ?

La voix du garçon s'éleva au-delà la radio, pénétrant les sens de Créa :

« Je ne viens pas non plus. »

Elle n'avait pas cessé de l'épier, alors que leurs regards se rencontrèrent.

« Sympa ! s'exclama Jean, en soufflant. Je vais me démerder tout seul, encore. »

Il remercia la conductrice et claqua la portière de sa main valide, non sans jeter une œillade meurtrière à Judi. Tandis qu'il s'éloignait, Créa entendit un deuxième claquement. D'un simple coup d'œil, elle s'aperçut que Judi manquait à l'appel sur le siège de derrière. Il fit le tour de la voiture et, sans poser les yeux sur elle, s'installa à ses côtés. Les mains posées sur les cuisses, il attendit.

Elle déglutit puis, tourna la clé sur le contact, laissant le moteur les bercer. Un coup d'accélérateur et les voilà déjà loin. Elle referma le toit de la décapotable, alors qu'un vent frais soufflait sur leurs visages graves, puis s'arrêta au feu rouge.

Le trajet semblait long, si long que Judi s'impatienta. Il posa son coude sur l'accoudoir, s'avachit et sortit son paquet de cigarettes.

« Tu prends des Marlboro maintenant ? » demanda Créa, surprise de voir la petite boîte en carton rouge, qu'elle côtoyait souvent.

Il haussa les épaules puis, la tendit vers Créa. Ce geste lui fit un drôle d'effet. Il se souvenait lui en avoir proposé à l'époque où il achetait encore des Camel. Elle avait fait une grimace si drôle ce jour, retroussant le nez et plissant les yeux, dégoûtée à l'idée de changer ses habitudes.

« Je ne fume plus. »

Judi tomba des nus. Il tourna enfin les yeux vers elle. Les petites marques rosées, aussi fines que des taches de rousseur, qui d'habitude donnaient un air enfantin à son visage, avaient disparu sous l'inflammation du froid. Ses cheveux étaient emmêlés. Une marque bleuie se formait sur ses avant-bras. Puis, il aperçut le tremblement de ses mains sur le volant.

Judi n'eut pas de mal à en deviner la cause. Il scruta ses phalanges, où la cigarette, encore éteinte attendait. Il hésita un moment, avant de jeter le papier roulé par la fenêtre. Le tabac s'écrasa sur le bitume et la voiture redémarra.

Alors qu'ils approchaient de leur patelin, Judi se pencha vers la boîte à gants. Créa prit à gauche, en direction du nord de la ville. Ils passèrent le supermarché, tandis que le garçon trifouillait entre tous les livres abandonnés là. Elle se stationna en face l'immeuble de Judi et le regarda faire. Il les sortait un par un, s'étonnant de la capacité de stockage de ce petit rangement tout sombre.

Une exclamation de joie s'échappa lorsqu'il trouva enfin ce qu'il cherchait. Créa ne reconnut pas le bouquin.

« Tu l'as lu ? »

Elle fut surprise qu'il lui adresse aussi soudainement la parole, alors qu'il s'était plongé dans le mutisme depuis qu'ils avaient quitté l'hôpital. Il tenait le roman fermement dans ses mains, mais elle put lire, par-dessus son épaule, le titre : Le goût amer de l'abîme.

« Non, ça ne me dit rien, avoua Crépuscule.

— Tu devrais y jeter un œil. Ça t'aiderait à comprendre. »

Il déposa en évidence le livre sur le tableau de bord et se détourna de la jeune fille pour sortir de la voiture. Il allait ouvrir la portière, lorsqu'elle s'exprima :

« On devrait tout arrêter. »

Judi se rassît confortablement sur son siège et plongea ses yeux dans les siens.

« On est arrivé au point de non-retour », ajouta-t-elle en soutenant son regard.

Des pupilles, d'un vert émeraude presque transcendant et inoubliable, le fixaient. Il en détaillait chaque nuance et contraste de lumière, se perdant dans les filaments de ses souvenirs.

Son air accueillant lorsqu'elle l'avait pris en stop, son expression de fierté lorsqu'elle apprenait qu'il rentrait au lycée, son demi-sourire lorsqu'il l'avait embrassé, sa détresse au téléphone et sa colère face à Romane, Judi ne s'en souvenait plus de ça. Seuls deux grands yeux verts, surplombés d'une rangée de cils et encadrés par une chevelure brune, le suivaient à présent. Rien d'autre n'avait pu exister auparavant.

« C'est ce qu'il y a de mieux à faire, après les événements de cette après-midi. »

Mais de quels événements parlait-elle ?

Il sourit en la voyant renifler. Des larmes s'échappèrent du visage doux de Créa. D'un geste délicat, il caressa ses doigts, agrippés au levier de vitesses, et y déposa ses lèvres. Il savait que lorsque sa mère pleurait, elle lui demandait de la laisser seule. Alors machinalement, il se retira.

Son contact manquait déjà à Créa quand la portière claqua et que les bruits de pas de Judi emplirent le silence.


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Crépuscule sous les étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant