CHAPITRE TRENTE ET DEMI

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Judi rêvassait encore lorsqu'il frappa à la porte de Seb. Il agissait comme si les paroles de Créa n'avait pas percuté son cerveau et mis sans dessus dessous ses pensées. Il faisait ce qu'il croyait être le mieux à faire. Il ignorait la douleur qui lui enveloppait le cœur, qui l'étouffait et le compressait. Il n'était même pas certain que cette douleur existait. Judi sourit quand son ami apparut.

« Judi ? Qu'est ce tu fais ici ? Il y a Mélissa à la maison. »

Une jeune rousse se dessinait effectivement derrière Seb. Elle portait un long t-shirt qui recouvrait à peine ses jambes nues. Judi reconnut la fille du nouvelle an. Sa présence ne le dérangeait pas, alors, sans émotion, il déclara :

« Jean est à l'hôpital.

— Merde, jura Seb. 

— Pour son poignet », continua Judi en le suivant des yeux, tandis qu'il agrippait précipitamment son manteau.

Il ne comprenait pas pourquoi Seb semblait si inquiet pour Jean tout à coup. Cela faisait des semaines que les deux garçons s'ignoraient. Judi croyait qu'ils se détestaient.

Le garçon s'avança dans le couloir, prêt à détaler dans le froid de cette morne journée. Il attendait Mélissa, qui enfilait un pantalon. Son regard impatient faisait accroître la tension. Il interrogeait silencieusement Judi pour évaluer la gravité de la situation, mais se confronta à la réalité. Judi n'était pas doté d'une grande compassion.

Mélissa boutonna enfin le dernier bouton, mais avant de partir, elle s'exclama :

« Les clés ! Tu as pris les clés ?

— Bien sur que non, souffla Seb. Elles doivent être derrière la porte. »

La rousse remua négativement la tête. Judi crut que son ami allait la gifler, au vu de son expression de fureur.

« Putain ! », jura-t-il finalement en la poussant pour regarder par lui-même.

Amèrement, il constata l'absence de clés et se mit à fouiller dans le salon. Il retourna les couvertures du canapé en criant de plus en plus fort. Il se mit à insulter sa mère qui changeait toujours les objets de place et son père qui avait dû prendre le trousseau en partant au travail. Il commençait à faire peur à Judi.

« Je crois que je vais y aller, bredouilla ce dernier à l'intention du couple qui ne lui prêtait plus aucune attention.

— Non, attend ! s'écria Seb. Tu vas garder l'appartement pendant notre absence. »

**

Seb était exécrable sur le trajet jusqu'à l'hôpital. Ils avaient dû prendre un bus, qui les amenait jusqu'à la grande ville. À cette heure de la journée, les transports étaient remplis à cause de la sortie des écoles. Les odeurs de moquette poussiéreuse mélangées aux sueurs denses qui carbonisent depuis le matin, lui donnèrent des haut-le-cœurs. Les rires des collégiens, soulagés de rentrer chez eux, le firent bouillir d'énervement.

Mélissa, assise à ses côtés, n'osait même plus prononcer un mot, de peur qu'il s'emporte. Elle s'était rabattue sur son téléphone, partageant avidement des images sur les réseaux sociaux. 

Une trentaine de minutes plus tard, ils descendirent à l'arrêt le plus proche de leur destination et, à l'aide de leurs mobiles, se dirigèrent dans la ville. Ils s'aventurèrent dans les rues pavées, traversèrent de nombreux carrefours et zigzaguèrent entre les adultes qui revenaient du travail.

L'agacement de Seb était palpable. Il en avait marre de marcher sans vraiment savoir où il était. Il voulait simplement vérifier que son ami allait bien. C'était tout ce qui lui importait. Pourtant, l'impression désagréable que son chemin était parsemé d'obstacles pour l'en empêcher ne le quittait pas.

Crépuscule sous les étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant