« Bonne année ! » s'écria la foule dans un moment d'euphorie collective.
La musique, qui s'était estompée pour laisser place aux cris joyeux du festival, résonna brutalement sur le mur de corps mouvants qui s'était formée devant la grande scène. La multitude de personnes qui entourait Créa se remit à sauter et se déhancher sur le son envoûtant que diffusaient les enceintes. La jeune fille en fit de même, bercée par la folie du moment. Sa longue chevelure brune, ramenée en une tresse qui flottait dans son dos, semblait refléter la vive lumière des projecteurs qui dansait, elle aussi, dans cette dernière nuit de décembre. Un sourire éblouissant était plaqué sur le visage de Créa, rougi par le froid. Grégoire, à ses côtés, l'observait du coin de l'œil. Pour lui, elle était merveilleuse.
Un peu plus loin, Octave enchaînait les verres dans un croassement rieur. D'une main, il faisait virevolter son bonnet et de l'autre, il tenait maladroitement un joint encore éteint. Il brandit son briquet près de la cime de son nez, sous le regard aguicheur d'un grand blond à la chemise à demi ouverte. Celui-ci était accoudé au bar, une expression malicieuse sur le visage. Il attrapa le petit papier roulé qui pendait aux doigts du jeune brun et à son tour, une fumée blanchâtre s'échappa de ses lèvres. Elle virevolta vers le visage dégoulinant d'Octave puis, s'évaporera dans l'air moite et lourd de la soirée.
Tout le monde avait chaud. Les corps suants s'épuisaient au son électro et se plaisaient à sentir leurs forces les lâcher. Une bouteille à la main, Créa suivait le mouvement. Tantôt le goulot s'écrasait sur sa bouche pour faire descendre le niveau d'alcool, tantôt le liquide se renversait sur ses vêtements collants, au rythme de ses sauts déchaînés.
Grégoire, qui n'avait toujours pas détourné les yeux de la jeune fille, glissa une main froide dans son dos. Un frisson parcourut l'échine de Créa. Elle planta son regard dans le sien, sans céder aux pulsions qui martelaient son esprit. Un sourire franc dévoila le piercing qui trouait les gencives du garçon. Un éclat brilla au cœur de ses pupilles et soudain, elle se trouva emportée dans une valse langoureuse, leurs êtres se cherchant et s'unissant dans un baiser.
À quelques mètres, Octave agrippait les mèches blondes du garçon dans un soupir jouissant. Les lèvres de ce dernier semblaient électriser la peau de son cou, provoquant de minuscules décharges de plaisir à chaque fois que les deux s'effleuraient. Bientôt, le picotement arriva à la commissure de sa peau rosie et gercée, le faisait presque haleter.
Au loin, un bruit répétitif se distinguait du battement sonore de la musique, ne cessant de se rapprocher. Quelques chanceux purent fuir à temps, mais avant que la foule ne prennent conscience des sirènes qui les entouraient, ils étaient déjà là.
Essoufflés, Créa et Grégoire se lâchèrent dans un mouvement brusque. Le téléphone de la jeune fille venait de vibrer, résonnant distinctement alors que la musique venait de soudainement s'éteindre. Elle croisa plusieurs regards interloqués, avant de sortir le petit objet de la poche arrière de son jean.
Des uniformes foncés, accompagnés de chiens, foncèrent dans la foule paniquée. Une odeur âcre semblait soudainement se réveiller. La lumière était devenue trop forte et les cris trop bruyants.
Grégoire essaya d'attraper la main de Créa alors qu'il s'empressait d'échapper aux forces de l'ordre, mais celle-ci glissa dans ses doigts. La jeune fille fixait l'écran de son mobile les yeux luisants.
« Bonne année, ma chérie. J'espère que tu vas bien et que tu reviendras me voir, un jour. Maman. »
Ses pieds s'emmêlèrent, tandis que Grégoire la tirait sur le sol froid. Elle posa violemment un genou à terre, avant d'éclater en sanglots. Ses membres tremblaient et le bourdonnement qui martelait sa tête ne cessait d'empirer. Sa respiration se faisait de plus en plus saccadée et dans ce brouillard flou, une voix s'éleva.
« Faut qu'on se casse, la pressa Grégoire.
— Du calme, c'est qu'un festival ! cria la jeune fille, les nerfs à vif.
— Non, Créa. C'est une rave. Ils sont là pour la drogue. »
Le grand brun essaya de la redresser, de la soulever pour la porter loin d'ici, mais en vain. Créa restait plantée là, au milieu de la foule, le regard dans le vague. Ses forces la quittaient peu à peu. Les substances qu'elle avait ingurgitées se mélangeaient une à une dans ses veines, affaiblissant son métabolisme et lui donnant une envie de vomir.« Laisse-moi, finit-elle par cracher. Pars ! »
Elle rencontra ses yeux, vit de l'hésitation, du regret, puis sentit comme une forme d'adieu se dessiner dans ses prunelles marron. Rapidement, elle perdit de vue les bottines noires de Grégoire et le temps d'un battement de cils, il avait disparu.
Autour d'elle les pas se faisaient plus pressants. On se poussait, se bousculait pour atteindre les sorties du bâtiment désaffecté. Créa avait enfin réalisé où elle était. Les murs décrépis étaient remplis de tags multicolores, les fenêtres n'étaient plus que de simples trous dans le béton et aux sols canettes et bouteilles en verre se baladaient au milieu des débris. Le toit, en tôle fine et trouée, laissait transparaître le scintillement des étoiles et la lueur de la lune. Elle était descendante, ce soir-là.
Dans la panique générale, un pied vint écrabouiller la main qu'elle avait laissée au sol, avant qu'un autre trébuche sur ses jambes recroquevillées. Des injures s'élevèrent près d'elle. Une chaussure rencontra sa cuisse, puis une autre vint heurter sa colonne vertébrale. Elle essaya de se relever, mais on ne lui laissa pas la place de bouger. Elle était coincée.
Le bonnet d'Octave se matérialisa au loin et dans un dernier effort, Créa cria.
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Crépuscule sous les étoiles
Teen FictionCréa refuse de grandir. Le lycée est fini et il ne lui reste plus qu'à goûter à la vie étudiante. Mais son aveuglante nostalgie l'incite à couper les ponts avec tous ses amis. Seule pour son dernier été dans son village natal, elle se lit d'amitié a...