CHAPITRE DIX-HUIT

487 82 32
                                    

La chambre étudiante de Grégoire semblait encore plus petite que l'ancien appartement de Créa. Le matelas dur, sur lequel ils étaient tous deux entrelacés, grinçait à chacun de leurs mouvements. Leurs pieds froids dépassaient de sous la couverture, sur laquelle des motifs aux coloris rougeâtres se dessinaient en formes géométriques. Une odeur de pain grillé réveilla la jeune fille. Son portable indiquait une heure bien trop tardive pour aller en cours. Pourtant, bien décidée à se reprendre en main, elle poussa vivement les draps qui recouvraient son corps à moitié dénudé.

Grégoire grogna en entendant le chahut que la petite brunette faisait dans la salle de bain. Les murs étaient fins, il entendait tous ses râles d'exaspération et d'excitation. D'un geste, il sortit du lit à son tour, avant d'attraper son paquet de cigarettes et d'ouvrir la fenêtre.

Elle ressortit, une dizaine de minutes après, les cheveux lissés et maquillée d'un rouge à lèvres qui sublimait la courbure de son arc de cupidon. Son nez retroussé était caché par des lunettes de soleil, qu'elle avait descendu pour voir la réaction du garçon. Elle lui sourit fièrement en tournant joyeusement sur elle-même. Le rire étouffé de Grégoire l'accompagna et elle se laissa aller à ses côtés.

« C'est le grand jour, déclara-t-elle.

— De quoi tu parles ? l'interrogea-t-il avec de petits yeux endormis.

— Je retourne en cours, aujourd'hui.

— Tu es sûre que tu veux y aller ? Tu risques d'être perdue.

— Je le serais surement au début, mais je vais vite rattraper mon retard. »

Il soupira en faisant voler de droite à gauche ses mèches ébène. Créa attrapa la cigarette coincée entre ses doigts, avant de tirer dessus, puis de l'écraser dans le cendrier posé sur le rebord de la fenêtre.

« Pourquoi tu décides de reprendre maintenant ? s'inquiéta-t-il.

— C'est fini de ne plus rien faire de mes journées et de sortir tous les soirs.

— Moi, j'aime bien la Créa paresseuse », dit-il en venant l'enlacer.

Son air coquin l'énerva. La jeune brune se sentait incomprise. Elle retira le bras musclé qui l'entourait et qui la maintenait sur le torse chaud du garçon, mettant fin rapidement à leur étreinte.

« On est bientôt en décembre. La période des partiels approche, s'exaspéra-t-il alors qu'elle s'éloignait déjà vers la porte.

— Tu crois que je ne peux pas réussir ? »

Le visage de Grégoire se tordit. Pour lui, c'était impossible. Elle avait raté trop de cours. Même lui, il savait que son année en histoire de l'art était foutue. Depuis leur rencontre, ils avaient passé tout leur temps accrochés l'un à l'autre, sans vraiment mettre les pieds à l'université. Il eut pourtant une fois, une après-midi, où le petit couple s'était pointé sur une des cours extérieures du campus, pour attendre Octave. La fraîcheur n'avait pas empêché certains de profiter des espaces verts pour réviser. Créa n'avait pas eu du tout l'air dans son élément face à cette agitation. Elle avait dévisagé tous les étudiants qui passaient devant eux, s'imaginant leur vie, leurs occupations.

« C'est donc ça la vie étudiante ? » avait-elle murmuré doucement.

**

Le bâtiment, devant lequel elle se tenait, semblait encore plus impressionnant que la dernière fois qu'elle était venu. De grandes vitres bleutées laissaient transparaître des salles de cours aux chaises éparpillées dans tous les sens. Des têtes méconnues, aux styles les plus variés, aux carrures de toutes tailles, frôlèrent la jeune fille.

Elle ne savait pas vers où se diriger, où aller, ni quels cours elle avait. Ses yeux se baladaient sur tous les panneaux qu'elle rencontrait, cherchant celui qui l'aiguillerait, mais en vain. Elle était perdue dans cette immense fourmilière, comme une étrangère dans un pays inconnu.

Une légère brise de décembre caressa ses pommettes pimpées de blush. Elle essuya ses mains moites sur son jean délavé, puis avança doucement, avant de s'arrêter brusquement. 

Devant elle, de grandes listes étaient placardées sur un tableau d'affichage. Les dates des examens du premier semestre. Du bout des doigts, elle parcourut les différentes licences jusqu'à trouver la sienne.

Première année de philosophie :

Logique et méthodologie : 15 décembre 16h

Théorie de la connaissance : 17 décembre 8h

Histoire de la philosophie : 17 décembre 13h

Il ne lui restait que quelques jours pour rattraper son retard et elle ne savait même pas par où commencer. Même si l'intégralité de ses cours étaient disponibles en ligne, la charge de travail dépassait toute la bonne volonté de Créa. Elle irait au talent, comme beaucoup déclare pour se donner espoir.

Elle dévala les marches qu'elle avait grimpé deux par deux quelques secondes plus tôt, faillit perdre l'équilibre, puis se reprit en franchissant les portes de l'université.

« Je n'y arriverai pas », soupira-t-elle pour elle-même.

**

Il était aux alentours de quatorze heure lorsque Créa s'assit à la table d'un café. Elle commanda un diabolo fraise, avant de sortir de son sac à main un bouquin aux pages cornées. Elle préférait rester au chaud dans cette brasserie à attendre que le soleil décline, plutôt que d'affronter la vérité. Grégoire avait raison ; elle n'allait pas réussir.

Un serveur lui apporta sa boisson. Elle en sirota la moitié, puis parcourut des doigts la côte du livre qu'elle tenait. Le papier chatouillait la pulpe de son index et elle l'ouvrit, un sourire nostalgique aux lèvres. Mais, avant même de distinguer le moindre mot, son marque-page s'échappa de la pliure des pages. La petite photographie vint se déposer sur le carrelage.

Le visage de Judi apparut. Les souvenirs suivirent le flux. De petites perles, rayonnantes à la lumière néon du café, s'éparpillèrent sur les pages jaunis.

Créa attrapa son téléphone et pianota rapidement quelque chose dessus. Sa dernière conversation avec le jeune homme apparut et elle écrivit :

« Merci. »

All rights reserved to amelie_mr on Wattpad

Crépuscule sous les étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant