Un rebelle est celui qui ne réagit pas contre la société. Il observe et comprend tout le manège et il décide simplement de ne pas en faire partie.
Osho Rajneesh
*
Créa était nerveuse et elle avait faim. Entre les bruits de Crocs sur le sol en gomme et le défilé de blouse blanche, son esprit ne pouvait se débarrasser de la peur et la gêne qui l'enveloppaient depuis qu'elle avait franchi les portes de l'hôpital.
Quelques jours plus tôt, alors qu'elle commençait doucement à s'habituer à son nouvel habitat, elle avait reçu un appel étrange. Un rendez-vous avec le psychiatre lui avait été donné, sans qu'elle n'en sache vraiment la raison. Elle ne connaissait même pas ce médecin.
Ce matin, Créa avait alors pris le métro jusqu'à l'arrêt du centre hospitalier et marché, hésitante, en affrontant les bourrasques de novembre.
Elle se tenait, à présent, assise dans un couloir qui servait de salle d'attente. Son ventre ne cessait de rugir et elle essayait vainement de le contrôler. Elle avait négligemment étendu ses pieds devant elle et fixait ses baskets bleues, nouées par des lacets blancs. Elle commençait à trouver le temps long lorsque deux petites jambes d'enfants vinrent les bousculer.
Un jeune garçon d'une dizaine d'années la fixait apeuré et à la fois amusé. Son crâne rosé laissait apparaître un duvet blond encore trop fin pour être appelé cheveux. Les cernes de ses yeux contrastaient avec son sourire angélique et, aussitôt, la jeune fille lui sourit en retour.
Une fois que leur contact visuel fut coupé, il déguerpit du couloir à toute vitesse pour s'engouffrer dans une des chambres du service pédiatrique. Un lourd grondement s'échappa du ventre de Créa et, au même moment, la porte du bureau du docteur James s'ouvrît.
« Merci d'être venue, je suis le psychiatre de Jordan », l'accueillit-il en lui tendant une ferme poignée de main.
De grands murs peints d'un marron clair, semblable au reste de l'hôpital, surplombaient un bureau en acier. Créa s'assit sur l'un des deux sièges se tenant de part et d'autre de ce celui-ci. Elle croisa les jambes, puis les décroisa et les croisa à nouveau, jusqu'à qu'elle ne sut plus quoi faire de son corps maladroit. Chacun de ses mouvements semblaient être analysés et interprétés par le regard expert du psychiatre.
« Vous savez, commença-t-elle, je n'ai plus vraiment de nouvelles de Judi.
— On n'est pas ici pour parler de lui », lui annonça-t-il aussi cordialement que possible.
La jeune fille comprit avant même qu'on lui explique.
« Il m'a demandé de vous contacter, car il pense que vous avez des soucis en ce moment.
— C'est légal, ça ? demanda-t-elle sans le laisser finir. Je veux dire, piéger quelqu'un pour qu'il aille consulter.
— On ne fait que parler ici, Crépuscule. Je ne vous oblige à rien. »
Son ventre grogna dans le silence qui suivit.
« Qu'entendait-il par soucis ? »
La jeune fille haussa les épaules en pinçant les lèvres.
« Peut-être le fait que j'ai raté mon premier semestre. Mais ce n'est pas grave, ça arrive à tout le monde. »
Le médecin esquissa un sourire en hochant brièvement la tête.
« Et, si on parlait de la raison de votre échec aux examens ? »
Son ton ressemblait vaguement à celui d'une question, pourtant Créa était persuadée qu'elle n'avait pas le choix. Elle savait très bien pourquoi elle n'avait pas réussi, mais il était plus compliqué de devoir l'exprimer.
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Crépuscule sous les étoiles
Genç KurguCréa refuse de grandir. Le lycée est fini et il ne lui reste plus qu'à goûter à la vie étudiante. Mais son aveuglante nostalgie l'incite à couper les ponts avec tous ses amis. Seule pour son dernier été dans son village natal, elle se lit d'amitié a...