Le car s'arrêta au milieu des bois, sur un parking vide, où la terre commençait à reprendre son droit sur le goudron. Toute la classe de terminale descendit, excitée par la course d'orientation. Judi fut le dernier à toucher le sol, contraint de quitter son siège par le chauffeur qui lui criait dessus. Il ne voulait pas être là. Cette journée lui semblait inutile. Il aurait préféré rester dans le bus pour réviser le baccalauréat pendant que les autres s'amusaient.
À l'ombre des grands arbres, les professeurs choisirent deux chefs d'équipes et répartirent les élèves. Entre les râlements et les protestations, Judi entendit vaguement son nom prononcé.
Une chance sur deux. Raté. Il était dans l'équipe de Romane. Tant pis, il se ferait tout petit.
Depuis qu'elle avait décidé de couper les ponts, Judi remarquait que l'ambiance autour de lui changeait. On ne lui parlait plus, on lui lançait des regards insistants. Il avait l'impression de retomber au collège et il détestait le lycée pour ça. Finalement, c'était nul d'être un lycéen comme les autres, c'était mieux d'être Judi.
Le groupe adverse partit vers l'ouest, tandis que le sien s'attardait devant une carte. Ils étaient tous attroupés autour. Judi les observait se creuser les méninges, amusé et à l'écart. Ses manches courtes flottaient sur ses bras avec le vent chaud de cette matinée. On sentait le mois de juin approchait, avec son lot d'examen et la saison estivale qui n'allait plus tarder.
D'un pas rapide, ils prirent tous la direction du sud. Romane marchait loin du garçon. Ses longs cheveux bouclés le narguant par leur danse folle. Judi savait qu'il devait s'excuser auprès d'elle, mais il ne savait pas de quoi. Elle l'ignorait de toute façon, comme toujours. Il s'était habitué à ce qu'elle se cache de lui sans arrêt. Elle faisait partie de ceux qui ne voulaient pas qu'on les trouve.
Ils approchèrent des rives du lac. Judi reconnaissait les sentiers serpentant entre les pins. Ses pieds s'enfonçaient dans la terre boueuse et presque marécageuse. Cela changeait de l'herbe brunie par le soleil et du sol flétri et sec qu'il avait connus l'été dernier.
Les pas se pressèrent lorsqu'on entendit au loin les cris de l'équipe adverse.
« Dépêchez-vous ! Ils viennent de trouver le premier indice ! » s'écria un garçon que Judi avait renommé Le Parfait.
Il remplissait tous les critères du lycéen parfait d'après le guide sur internet. Populaire, charmeur, sociable. Judi l'idolâtrait, même s'il ne s'avérait pas brillant dans son parcours scolaire.
Le groupe coupa à travers les feuillages, pressés eux aussi de trouver le début du jeu de piste. Ils se retrouvèrent tous aux abords de l'eau stagnante.
Sauf Judi, qui ne les suivit pas. Il continua sur le chemin de terre de peur de salir ses vieilles baskets déjà toutes bousillées et écaillées. Elles ne survivraient pas à un lavage supplémentaire.
« Oh, le débile, le héla-t-on. Dépêches-toi ! »
Judi leva la tête du sol, mais ne vit personne. Il marcha plus rapidement, faisant un détour de quelques mètres, jusqu'à rejoindre les autres qui l'attendaient impatiemment. Romane souffla, d'un air ennuyé.
Un nouveau cercle se forma autour de la carte pour déterminer sur quelle rive l'indice était dissimulé. Une croix indiquait l'emplacement mais, sans boussole ni repère des points cardinaux, il leur était quasiment impossible de deviner l'endroit exact. Seule la grande étendue bleue dessinée au milieu d'un océan de vert les avait guidé jusqu'au lac.
« Tu comptes rester planter là ? lui demanda Le Parfait. C'est un travail d'équipe, je te rappelle. »
Judi se reprit et approcha de leur plan. Des coups de crayons parsemaient le papier, reliant différents points dans le dégradé flou de couleurs vives. On reconnaissait vaguement la forme du patelin au bas du vallon et les serpentins de la route qui menaient au lac. Le chemin du parking était maintenant derrière eux. Ce qui signifiait que la croix rouge, en bordure d'une forme bleue, désignait l'autre rive.
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Crépuscule sous les étoiles
Novela JuvenilCréa refuse de grandir. Le lycée est fini et il ne lui reste plus qu'à goûter à la vie étudiante. Mais son aveuglante nostalgie l'incite à couper les ponts avec tous ses amis. Seule pour son dernier été dans son village natal, elle se lit d'amitié a...