MARS - CHAPITRE VINGT SEPT

379 67 14
                                    

« Tu as bien pris ton sac de couchage, demanda la mère de Créa, alors que cette dernière s'installait au volant de sa décapotable.

— Oui, souffla-t-elle. J'ai vérifié. »

Le moteur se mit en route, elle claqua la portière, prête à partir, mais sa mère tapait encore sur la vitre. Elle agrippa la manivelle et la fit tourner, jusqu'à que la tête brune s'immisce presque dans l'habitacle.

« Il est bien gentil ce garçon de te laisser une seconde chance. Tu n'as pas été très agréable avec lui depuis ton retour, la sermonna-t-elle.

— Je me rattraperai. »

Un sourire entendue se dessina sur le visage de la femme. Elle s'approcha de sa fille pour lui embrasser la joue, puis recula la main toujours fermement posée sur la carrosserie.

« J'espère que vous n'irez pas trop loin.

— Je te dirais lorsque je le saurais. »

Un clin d'œil et des mouvements de main plus tard, la voiture démarra. Le paysage était déjà verdoyant pour ce mois de mars. Les températures des dernières semaines avaient permis aux arbres les plus résistants de se refaire une beauté, avant que le froid revienne tout ravager. Créa profitait du soleil, qui brillait haut dans un ciel sans imperfection. Le toit ouvert, la vitre baissée, ses cheveux fraîchement coupés, elle rayonnait.

Cette bonne humeur la suivit jusqu'à la porte d'entrée de l'appartement de Judi, où la pression commençait finalement à monter à elle. Elle avait hâte, tout comme elle appréhendait, de retrouver ce grand brun maigrichon.

Il apparut, un lourd sac sur les épaules, une casquette et des tongs de campeur sous le bras. Il était surexcité, son sourire ne cessait de s'agrandir.

« Merci d'être venu », lança-t-il en refermant la porte derrière lui.

Son ton était enjoué, mais la jeune fille avait cru y déceler une pointe de reproche.

Ils arrivèrent sur le parking, où d'un pas décidé Créa se dirigeait vers sa voiture pour filer aux vents vers leur destination de camping. Mais Judi restait planté, un regard amusé.

« Ce n'est pas par ici », ricana-t-il.

Elle le suivit dans une totale incompréhension, alors qu'il contournait le bâtiment. Ils arrivèrent devant une annexe de l'immeuble, où de grands carrés en tôle ouvraient sur l'extérieur.

« Les garages ? s'étonna Créa. On prend la voiture de tes parents ?

— Non, sourit Judi. C'est ici qu'on va camper ! »

Un large rictus se dessina sur le visage de la jeune fille, avant qu'elle soit prise d'un fou rire. Judi la regardait s'esclaffer, avec son nez fin qui se plissait et ses pommettes qui ressortaient. Ses cheveux coupés ne tombaient plus sur ses épaules, ils encadraient ses mâchoires et mettaient en valeur la courbe de son dos. Les vêtements qu'elle portait masquaient ses formes, d'origines pulpeuses, mais qui semblaient aujourd'hui flotter dans le tissu.

Le garçon agrippa la poignée de la porte d'un des garages et la tira de toutes ses forces, dévoilant un petit rectangle de béton. Les murs étaient bruts, le sol un peu sale, une étagère contenant quelques conserves trônait dans le fond. La température intérieure les ramenait en plein mois de décembre.

« Vraiment ? » lâcha la petite brune.

Il déposa son lourd sac à dos sur le bitume noirci et en sortie une tente pliée en quatre. Il la regarda un moment, éparpillée sous ses yeux. Des tiges de fer, de la toile, un vrai casse-tête pour trouver le sens des choses.

« Tu sais faire ? » demanda-t-il.

Elle avança vers lui, enfin résignée à devoir passer la nuit ici. Elle empoigna le long métal et se mit à l'oeuvre. Ses gestes étaient guidés par ses souvenirs. Souvenirs de nombreux étés, passés chez sa tante, à camper au bord de l'étang et à faire la guerre aux moustiques. Judi l'observait faire, halluciné par sa dextérité.

La nuit commençait à tomber lorsque la tente eut fini d'être montée et les sacs de couchage installés. La porte de leur logis de fortune était restée ouverte, laissant s'engouffrer l'air frais et le son berçant, quoi qu'agaçant, des grillons. Même une chouette faisait entendre son hululement. Les arbres, qui s'agitaient avec le vent, masquaient les nuages perdus dans l'obscurité.

Ils s'étaient tous deux allongés sur leurs couvertures respectives, observant la nature vivre, tandis que de temps en temps une voiture venait masquer le paysage. Leurs épaules se frôlaient, leurs chaussures s'entrechoquaient, mais ils ne cessaient de contempler. Créa se croyait ailleurs, autre part qu'entourée des quatre murs d'un garage.

Elle reprit rapidement ses esprits lorsque les bruitages d'une télévision allumée vinrent s'ajouter au doux cri du rapace nocturne.

« Tu as faim ? »

Créa acquiesça, le regard toujours tourné vers ce saule pleureur, dont les longues feuilles ondulaient au rythme de la brise fraîche. Leurs mouvements formaient des vagues danses et légères, qui s'élevaient pour retomber délicatement. Elle frissonna. Alors qu'elle s'apprêtait à remettre sa parka, elle remarqua l'absence de Judi.


All rights reserved to amelie_mr on Wattpad

*

L'inspiration est revenue ! Oui, j'ai délibérément choisi de couper le chapitre ici pour vous faire flipper un peu. Mais vous n'êtes tellement pas prêts pour ce qui arrive dans le chapitre suivant. Même moi, j'appréhende énormément. C'est carrément toute une vision d'un personnage qui va changer. J'espère que ce chapitre qui manque cruellement d'action vous aura plu, et je vous dis à très vite.

Crépuscule sous les étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant