Chapitre 15 : Soleil éblouissant et nuages de pluie

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Ni Eli, ni Sa Pointilleuse Altesse ne lui avaient menti lorsqu'ils avaient affirmé qu'ils atteindraient leur destination en fin d'après-midi.

Rivé à la petite fenêtre du fiacre, Cyan observait les rues de la ville défiler sous ses yeux au rythme de l'attelage en une succession de petites maisons aux toits de tuiles rouges et bleues et aux colombages de bois clairs. De nombreux balcons ceignaient les murs et s'ornaient de guirlandes de fleurs fraîches ou de buis qui dodelinaient doucement sous l'impulsion du vent tandis que les girouettes en fer forgé tournoyaient sur elles-même dans un léger grincement.

Contrairement à Lumis, la capitale, Resna ne rivalisait pas de splendeurs à couper le souffle, ni de bâtiments aux hauteurs incalculables. Nulle fontaine au design complexe ne crachait d'eau à chaque coin de rue, nulle statue de marbre ne ciselait les places de leur grâce incomparable, nulle galerie de verre colorée ne reflétait les rayons du soleil. Ici, tout n'était que végétal, qu'explosion de vert et de brun, de fleurs et de feuilles, de troncs et de branches.

À Resna, la civilisation se mêlait à la nature sauvage, s'y fondait sans s'y soumettre, la domptait sans l'altérer. Et Cyan, dont le regard ne cessait de bondir d'une découverte à une autre, d'une maison drapée de lierre à un parc aux buissons artistiquement taillés, d'un bosquet aux arbres nains à une volière naturelle, se surprit à préférer ce spectacle à toutes les merveilles à peine entraperçues à Lumis car il lui semblait qu'où qu'ils se trouvassent, l'air les imprégnait du parfum des fleurs et leur portait le chant des oiseaux.

Cela l'apaisait.

— Est-ce que tu aimes ? le questionna son Etoile Compagne avec un petit sourire en coin.

Cyan ne réfléchit pas, les mots s'échappèrent de sa bouche sans qu'il se souvînt les avoir formulés.

— J'adore ! C'est tellement beau ! J'ai l'impression de visiter une ville oubliée dans une forêt vierge.

— Il n'en est rien, s'amusa le prince. Tu verras bientôt que plus nous nous enfonçons au cœur de Resna, plus la végétation subit l'influence des hommes mais cette cité a toujours été en harmonie avec la nature. On dit même que plusieurs centaines d'années auparavant, il était possible de croiser des cerfs sauvages au détour d'une rue.

— Et ce n'est plus le cas maintenant ? s'enquit Cyan d'un ton déçu.

Son vis-à-vis secoua la tête, désolé de devoir briser ainsi ses illusions. Puis, d'une voix qui se voulait neutre mais où Cyan devina une pointe de malice, il ajouta :

— Cela dit, il est parfois possible d'en apercevoir dans le parc du château.

Cyan bondit sur son siège, frémissant d'excitation.

— Vraiment ?

— Vraiment, le rassura le prince. Le parc et la résidence sont bordés par une forêt où vivent de nombreux animaux sauvages dont les pas s'égarent de temps en temps jusqu'à nous. Les serviteurs ont ordre de les laisser en paix alors ils ne craignent pas de revenir. Toutefois, ne t'attends pas à en croiser tous les jours. Ces bêtes restent des créatures sauvages, elles fuient le contact avec les humains.

— Ce n'est pas grave, tempéra Cyan dont rien n'aurait su doucher l'enthousiasme. Je suis patient. J'attendrai le temps qu'il faudra.

À ces mots, Son Impériale Altesse écarquilla légèrement les yeux avant de se recomposer une expression sereine indéchiffrable. Le temps d'un instant, un léger sourire flotta sur ses lèvres sans vraiment s'épanouir, tel un mirage éphémère trop vite emporté par le vent. Puis son regard s'adoucit davantage et ses mots d'encouragements se teintèrent d'un imperceptible soulagement.

Etoile Noire - Tome  1 : Les Disparus de ResnaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant