Chapitre 27 : Jeu d'enfant

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Lorsque les cloches du temple de Solaris sonnèrent seize heures, Johana présenta à Cyan un plateau chargé de tout le nécessaire à thé ainsi que de petits gâteaux secs à la cannelle encore tièdes dont le parfum alléchant embaumait l'ensemble de la cuisine. Non loin, Mariza croisait les bras sous sa poitrine et l'enjoignait à quitter la pièce d'un geste impérieux du menton.

Quand il passa devant elle chargé de son précieux fardeau, l'intendante lui intima :

— Et cette fois-ci, fais en sorte que le contenu de cette collation parvienne intact à Son Altesse.

Cyan se retint de lever les yeux au ciel.

Certes, il lui arrivait de piocher par inadvertance quelques biscuits destinés à Sa Studieuse Altesse tandis qu'il se rendait, comme chaque après-midi, dans son bureau pour lui porter son thé. Et il ne niait pas que, parfois, l'assiette de mignardises qui accompagnait le thé au citron de son Etoile Compagne arrivait mystérieusement vide, à l'exception de quelques miettes miraculeusement épargnées.

Mais qu'y pouvait-il, lui, si sa main ne cessait de s'égarer parmi les friandises ? Il ne la contrôlait pas. Et sa gourmandise l'encourageait même à récidiver à la première occasion, alors... Peu lui importait que cela dérangeât Mariza ou Son Impassible Altesse. Au contraire. Si ses services ne leur convenaient pas, libre à eux de le relever de ses fonctions, il ne s'en plaindrait pas.

Alors qu'il se décidait à traverser la cour intérieure afin de gagner du temps sur son itinéraire, Cyan remarqua une demi-douzaine de petites silhouettes attroupées sur l'un des ponts de pierre entrecroisés qui enjambaient le bassin en contrebas. L'une d'elle, complètement acculée par les cinq autres, se retrouvait piégée contre le muret de pierre qui servait de garde-fou tandis que l'un de ses tourmenteurs s'amusait à tirer sur ses tresses jusqu'à lui arracher un gémissement de douleur.

Cyan fronça les sourcils. Malgré la distance, il n'avait pas manqué de reconnaître la fragile stature de Linling et il se rappelait avoir déjà vu les autres enfants lors de son arrivée à Resna, même s'il n'aurait su associer un nom à chaque visage.

Il comprenait mieux pourquoi elle les fuyait, ce jour-là.

Cette bande de sales gamins s'amusaient à la tyranniser, ravis d'exercer sur elle une domination qui leur échappait d'ordinaire. Et lorsque celui qui semblait être le chef, furieux de la voir l'affronter du regard plutôt que de fondre en larmes, cessa de la persécuter pour essayer de la pousser par-dessus le parapet, Cyan en oublia sa mission première et fonça, son plateau toujours entre les mains, vers le petit groupe de tortionnaires.

— Dites donc, les gnomes ! s'exclama-t-il d'une voix grondante. Je peux savoir ce que vous faites ?

Surpris, les enfants sursautèrent à l'unisson et se tournèrent vivement vers lui, prêts à se répandre en justifications inutiles. Cependant, aucun son ne sorti de leur bouche ouverte, à l'exception du cri étouffé qu'échappa l'une des deux fillettes accrochée au bras de son frère aîné.

Les yeux écarquillés, ils le considéraient tous avec une stupéfaction mêlée d'appréhension, presque autant fascinés qu'ils étaient dégoûtés par l'ombre noire et fluide qui effleurait sa peau, telle le voile funeste du spectre de la mort.

Linling, quant à elle, s'empressa de contourner son tourmenteur et alla se réfugier derrière la jambe de son sauveur.

— Alors ? insista Cyan.

À sa question, le chef de leur petit groupe s'arracha à sa contemplation et jeta un regard mauvais à sa victime. Puis, d'une petite voix effrontée, il marmonna :

Etoile Noire - Tome  1 : Les Disparus de ResnaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant