Chapitre 7 : De glace et de feu

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Lorsque le Novicii qui l'avait escorté au sein du temple de Noctis salua son départ devant les grandes portes principales, Aoran, le visage fermé, le pas martial, ne lui offrit pas même un regard. Le feu cruel de la déception embrasait son cœur à l'agonie, se nourrissait de ses espoirs déçus, des lambeaux de ses rêves d'enfants, les dévorant jusqu'à ce qu'il n'en restât plus que des cendres tièdes et douloureuses qu'un vent de fureur glacial se chargea de balayer sur son sillage. Il ne ressentait plus assez d'énergie, plus assez de volonté, pour s'adonner à des simagrées qui ne trouvaient aucun écho en lui.

Aussi se contenta-t-il d'adresser au capitaine de son escorte un signe de tête autoritaire – que l'homme, intelligent et réactif, traduisit par un ordre tacite de quitter les lieux au plus vite – avant de refermer sur lui la portière de son fiacre.

À peine s'assit-il sur la banquette qu'Aoran manqua de sursauter lorsqu'il découvrit, installé face à lui, le lieutenant de la Lune Noire, une petite troupe d'élite formée expressément par ses soins et dédiée à son seul service. Le soldat lui adressa un respectueux salut de la tête mais son petit sourire moqueur à peine dissimulé signifiait clairement qu'il savait l'avoir surpris et que cela l'amusait beaucoup.

Aoran ne le sermonna pas à ce sujet, désabusé. Il connaissait trop bien le personnage pour deviner qu'aucune de ses réprimandes ne fonctionnerait sur lui ; son lieutenant ne s'encombrait guère de manières et de faux semblants envers quiconque et surtout pas envers lui, un trait de caractère rédhibitoire pour beaucoup de membres de la noblesse mais que lui savait apprécier à sa juste valeur.

Du moins, tant qu'il ne flirtait pas avec l'outrecuidance.

— Je t'attendais plus tôt, Terrence, lui reprocha Aoran d'une voix où perçait une irritation contrôlée.

Ecouter son rapport avant son départ du palais lui aurait sans doute permis de se préparer à la désillusion contre laquelle il venait de se fracasser de plein fouet, à défaut d'adoucir la réalité.

— Vous m'aviez donné ordre de veiller sur votre Etoile Compagne jusqu'à votre arrivée, Altesse, rétorqua Terrence, nullement impressionné. Aussi n'ai-je pas quitté les abords du temple.

— Ne joue pas les parfaits petits soldats disciplinés envers son maître devant moi, soupira Aoran. Cela ne te sied guère et ne t'a jamais empêché de n'en faire qu'à ta tête.

— Seulement lorsque je le juge nécessaire.

Et toujours avec raison, le prince se devait d'en convenir. Son lieutenant, aussi incontrôlable se montrait-il parfois, ne prenait jamais d'initiative susceptible de mener sa mission à un échec. Au contraire... Son instinct quasi-animal et ses méthodes peu orthodoxes lui avaient permis d'éviter bien des écueils jusqu'à présent. Aussi lui confiait-il toujours les missions qu'il jugeait les plus complexes ou les plus importantes à ses yeux.

La protection de son Etoile Compagne figurait parmi celles-ci.

À cette pensée, une question terrible s'imposa à lui. Était-ce toujours le cas, maintenant qu'il l'avait rencontrée ? Aoran se refusa à y songer. Il ne permettrait pas à sa conscience de vagabonder vers ce sujet, pas alors qu'il craignait de découvrir la réponse qu'il recherchait dans les tréfonds les plus obscurs de son esprit.

Il était trop tôt.

Beaucoup trop tôt pour cela.

— C'est juste, concéda-t-il finalement. Et je ne devrais pas t'en vouloir pour cela. Ignore ma mauvaise humeur, veux-tu ?

Terrence décroisa ses jambes en une attitude totalement décontractée malgré la présence de son maître à ses côtés, sa manière à lui de lui signifier combien sa démonstration d'acrimonie ne le touchait pas le moins du monde.

Etoile Noire - Tome  1 : Les Disparus de ResnaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant