Chapitre 45 : Les amants maudits I. Les secrets de Carin

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À moitié vautré sur le canapé du bureau, Cyan parcourrait les pièces du dossier de la disparition de Carin Molin et de Jean Lémens avec attention. En un peu moins d'une heure, il avait terminé la lecture des rapports d'enquêtes rédigés par les soldats d'Harfleur qui s'étaient révélés bien incapables de remonter la moindre piste concernant les deux amoureux. Certes, ils n'avaient pas bâclé leurs investigations, bien au contraire. Battues, interrogatoires, fouilles systématiques des environs... aucune initiative n'avait été épargnée et chacune d'elles avait été menée avec une application exemplaire. Mais tous leurs efforts s'étaient avérés vains. Nulle trace d'eux dans la forêt, pas un seul témoignage de leur passage dans les villages alentours et aucun indice, parmi leurs effets personnels, au sujet de leur fugue ou de leur destination.

Les deux jeunes gens s'étaient purement et simplement volatilisés dans les airs.

Il se concentrait donc sur les retranscriptions des interrogatoires menés par Harfleur auprès des amis et des familles des disparus dans l'espoir de découvrir un quelconque élément susceptible de les aider. En vain jusqu'à présent.

La mère de Carin, Meirin Molin, affirmait que rien, dans le comportement de sa fille, n'avait suggéré qu'elle s'apprêtait à fuguer. Mais plus il avançait dans l'audition de cette femme, plus il paraissait évident aux yeux de Cyan que ces deux-là n'entretenaient pas une relation très fusionnelle. Au contraire, l'adolescente passait le plus clair de son temps hors de chez elle, quittant la maison près du moulin aux petites heures de l'aube pour n'y revenir que bien après le coucher du soleil, et jamais, lors de leurs rares conversations ensemble, Carin n'évoquait ses relations avec ses amis, ses ennuis ou ses sentiments. Les ragots composaient l'essentiel de leurs échanges et si madame Molin savait que sa fille fréquentait le fils Lémens, ce n'était pas d'elle qu'elle l'avait appris, mais de leurs voisins.

Autant dire qu'elle ignorait tout de la vie de son enfant, quand bien même partageaient-elles le même toit et le même sang.

Quant au père, Carl Molin, il n'avait guère apporté plus d'éclairage sur la disparition de Carin. L'homme se bornait à reporter la faute entière sur le fils Lémens, l'accusant d'avoir séduit sa fille puis de l'avoir enlevée lorsqu'il leur avait interdit de se voir. Pour le reste, il ignorait où les deux jeunes gens pouvaient avoir prévu de se réfugier et avait renvoyé le bailli vers l'amie d'enfance de Carin, Nalia.

Et que dire de cette Nalia...

Aux questions « Que pensez-vous de la disparition de votre amie ? Vous a-t-elle confié quelque chose de ces intentions ? » elle avait répondu :

« Pourquoi m'en aurait-elle parlé ? Carin ne fait jamais que ce qu'elle veut, quand elle le veut et se moque pas mal des conséquences que ses actions ont sur les autres ! Donc, non, elle ne m'en a rien dit et, très franchement, l'aurait-elle fait que je ne m'en souviendrai déjà plus. Pour ce que ça m'intéresse... »

Cyan émit un petit sifflement ébahi.

— Eh bien ! marmonna-t-il en s'emparant d'un énième feuillet. En voilà une qui ne mâche pas ses mots...

Derrière lui, son Etoile Compagne releva la tête de son travail et demanda :

— Quelque chose a attiré ton attention ?

La nuque négligemment posée sur l'accoudoir, Cyan rejeta la tête en arrière afin d'établir une connexion visuelle avec le jeune seigneur mais l'angle de son regard, de loin trop juste, ne le lui permit pas. À la place, il découvrit les moulures sculptées à même la pierre blanche, formant un délicat liseré de feuilles de vignes en bordure du plafond.

Etoile Noire - Tome  1 : Les Disparus de ResnaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant