Chapitre 25 : Confidences et demi-mots

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J'aime Aoran.

Cyan cilla.

Contre ses cuisses, ses doigts se refermèrent en deux poings impuissants.

Son souffle, bloqué au creux de sa gorge, se suspendit un long instant.

Il lui sembla que tout son sang refluait droit vers son cœur. Coeur dont les battements, de plus en plus désordonnés, s'efforçaient de regagner avec grand-peine leur sérénité.

Cette déclaration n'aurait pas dû l'affecter. Pas autant et certainement pas aussi profondément. Il en avait conscience. Et pourtant...

Pourtant...

Il avait l'impression qu'en prononçant ces minuscules petits mots, Rÿon d'Altan venait de lui damé le pion en beauté, affirmant sur les siennes la légitimité de ses prétentions sur la personne de son Etoile Compagne. Qu'il le mettait au défi de lui interdire de l'aimer, de rivaliser avec la profondeur de ses sentiments et de réclamer ses droits sur Son Inaccessible Altesse alors qu'il l'en savait parfaitement incapable.

Et face à cette évidence, Cyan se découvrit démuni. Les mots le fuyaient aussi vite que ses pensées se délitaient et il faillit tressaillir lorsqu'il s'entendit répéter l'offense d'une voix blanche.

Une voix mal assurée dont le timbre même lui parut étranger.

— Vous... l'aimez ?

Pour toute réponse, un rire aux accents moqueurs retentit sur sa droite.

Piqué au vif, Cyan se tourna brusquement vers son interlocuteur afin de le foudroyer de ses prunelles enflammées quand la voix taquine du jeune seigneur le coupa dans son élan.

— Inutile de faire une tête pareille. Je ne te déclare pas la guerre.

Le sourire en coin qui lui étirait la commissure gauche des lèvres lui conférait une expression frondeuse et profondément espiègle mais le vert franc et limpide de ses iris le parait d'une sincérité désarmante.

— J'aime Aoran, c'est vrai, ajouta-t-il ensuite. Mais pas de la façon dont tu l'imagines. Nous ne sommes pas amants. Aoran ne me voit pas comme ça. Quant à moi...

Le reste demeura en suspens, englouti par un silence gênant.

Cyan détourna son regard du jeune homme, mal à l'aise.

Les paroles du comte d'Altan aurait dû l'apaiser, tranquilliser la vague d'angoisse incompréhensible qui courait dans ses veines depuis quelques minutes et chamboulait jusqu'à la plus infime fonction de ses organes vitaux mais un murmure, à peine plus tangible qu'un souffle d'agonie, émergea du plus profond de sa conscience et distilla en lui les prémices d'un doute insidieux.

Vraiment ?

La question se bouscula à ses lèvres sans que Cyan l'autorisât à s'échapper. Toutefois, elle étendait son voile vicié partout dans son esprit, tel un poison dont le mal s'insinuerait dans les moindres recoins de son âme, même les plus inaccessibles.

Il essaya de l'oublier sans y parvenir.

Ses sens, eux, ne parvenaient pas à le tromper.

Même si le comte d'Altan avait tenté de les lui dissimuler, la fêlure imperceptible qui teintait sa voix d'amertume et les nuages à peine visibles qui brouillaient son regard trahissaient la blessure mal cicatrisée qui meurtrissait son coeur et Cyan, s'il s'efforça de l'ignorer, en percevait toujours les échos lointains, comme autant de sanglots mal étouffés.

Toutefois, incapable de lui jeter ses failles en plein visage, Cyan se contenta de fixer la ligne d'horizon, là où la route opérait un virage.

Près de lui, le comte d'Altan continuait de s'expliquer.

Etoile Noire - Tome  1 : Les Disparus de ResnaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant