Chapitre 13 : Entre deux champs de blé...

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Du blé. Du blé. Et encore du blé.

À droite, à gauche, devant, derrière.

Du blé à perte de vue.

Voilà plusieurs heures que le paysage ne se résumait qu'à cela, un océan de tiges d'or brut effrontément dressées vers le ciel comme autant de bras tendus vers les soleils en une fervente supplique. Parfois, le vent, indigné par leur comportement éhonté, les écrasait de toute sa force, les obligeant à ployer sous sa volonté. En vain.

La mer dorée ondulait, déchaînée, encore qu'imperturbable face aux assauts incessants que lui imposait son opposant. En elle, le blé se tordait, entraîné par la houle, balayé par cette force démesurée, avant de toujours se redresser, fort et fier, attiré malgré lui par cette lumière nourricière.

Et la bataille reprenait. Sans but, ni fin. Et Cyan, la tête tournée vers la fenêtre au rideau tiré de son fiacre, s'obligeait à l'observer, buté, tout simplement incapable de s'en détourner. Car en face de lui, toujours absorbé par la lecture de ses rapports ennuyeux, se tenait celui dont la simple évocation suffisait à tourmenter ses réflexions.

À cette pensée, une chaleur irrépressible s'empara lentement de son visage jusqu'à teindre ses joues et le haut de ses oreilles d'un rouge si soutenu que Cyan craignit d'attirer une attention par trop indésirable. Il ne manquerait plus que cet abruti de Terrence décelât son trouble et l'utilisât contre lui. Car il ne lui avait pas fallu longtemps pour comprendre que cet enfoiré ne reculerait devant rien si cela lui procurait l'amusement qu'il recherchait.

Et pour son plus grand malheur, Cyan était devenu sa source de divertissement privilégiée.

Alors... plutôt se jeter du haut d'une falaise – certes, difficile à dénicher au milieu de toutes ces immenses plaines cultivées mais qu'à cela ne tienne ! il se débrouillerait – que de lui offrir un prétexte pour se moquer de lui sur un plateau d'argent !

— As-tu trop chaud ?

Cyan tressaillit.

Cette voix, au timbre grave mais résolument doux, distillait en lui une sensation de chaleur insoupçonnée dont les vagues successives s'étendaient jusqu'aux parts les plus profondes de son être, là où ses ténèbres attendaient de se réveiller. À croire qu'il lui suffisait de l'entendre pour qu'un sentiment de paix et de sécurité endormît toutes ses craintes, même les plus douloureusement ancrée en lui.

Et quelque part, cela le dérangeait.

Il se sentait dépossédé, comme si son corps, ce traître, s'était décidé à ignorer ses intentions et avait choisi, sans son accord, de s'abandonner au contrôle d'un étranger. De ce prince qu'il connaissait à peine.

Et cela l'irritait d'autant plus qu'aucune de ses résolutions n'y changeait rien.

— Cyan ?

Prononcé par cette voix désormais familière, son nom se paraît d'un accent nouveau. Envoûtant. Séduisant. Mélodieux à son oreille.

Et merde !

Il préférait encore quand Sa Sérénissime Altesse ignorait tout de son identité.

— N-non, ça va, balbutia-t-il, la moue boudeuse.

Son manque d'assurance flagrante le dépitait mais à cet instant, il ne s'imaginait pas capable de mieux. Il lui faudrait sans doute quelques jours avant de s'adapter et de s'habituer à l'effet que provoquait en lui ce prince prévenant et soucieux de son bien-être en totale rupture avec celui, froid et indifférent, auquel il avait été confronté à leur rencontre.

Etoile Noire - Tome  1 : Les Disparus de ResnaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant