Annabelle Storm - L'héritière d'Organtia

Chapitre 32 - Les choses compliquées de l'amour

- Ne pleure pas, ne pleure pas, ne pleure pas...

Annabelle se répéta ses paroles tel un mantra. Elle essuya ses narines avant d'enfin prendre la direction de la clinique, non sans une boule d'angoisse grandissante au creux de son ventre. Une inspiration, et elle sentit l'humidité régner dans l'air, malgré la pluie qui s'était dissipée. Le ciel n'annonçait pas encore le beau temps.

Devant la porte, sa volonté semblait l'avoir quitté et elle crut même faire demi-tour lorsqu'une tignasse rouge s'approcha d'elle, les yeux fatigués et les traits du visage tirés vers le bas.

- Annabelle ? Tout va bien ? demanda calmement Galys avec un accent qui lui était propre.

La jeune fille lui adressa un sourire respectueux avant de faire un pas dans sa direction.

- Comment va-t-elle ? s'enquit-elle directement.

- Une question d'heures encore. Elle refuse tout médicament et envoie promener tous médecins qui veulent l'examiner.

- Et vous ? Que faites-vous là ?

Galys ne démontra aucun étonnement face à cette question, comme si elle s'y était préparée.

- Je suis ici pour accomplir la mission que Dame Morlia en personne m'a confié. Protéger l'enfant à tout prix.

C'est donc sur le visage d'Annabelle que la surprise s'afficha, sa bouche s'ouvrit, mais aucun mot ne franchit ses lèvres. Elle se contenta alors de triturer ses doigts, attendant bêtement la suite. Galys lui indiqua la route à suivre et c'est silencieusement qu'elles longèrent les couloirs. Il y eut une fouille au corps, des regards dérobés à son approche et une tension régnait dans l'atmosphère. Les gens parlaient peu, bien moins que d'ordinaire dans un hôpital.

Bejörk faisait les cent pas dans un petit espace, près d'une machine à café. Malgré la couleur de sa peau, il paraissait pâle aux yeux de la jeune fille qui s'avança vers lui lorsque Galys la quitta.

- Je vais lui dire que tu es arrivée, lui murmura la mère de Cemalis en déposant une main attendrie sur son épaule.

Le marionnettiste s'approcha rapidement, ses gestes témoignant de son impatience.

- Vous saviez pour Galys ? demanda Annabelle qui avait besoin de soulager un doute.

- Seulement depuis trois semaines, répondit-il en jetant des regards autour de lui. Il n'y a pas que Freïji qui fait ses coups en douce et j'aurais dû me méfier de la perspicacité de notre Impératrice. Elle a beau ne plus être toute jeune, il ne faut pas oublier pourquoi c'est elle qui commande.

- Alors, lorsque vous craigniez qu'il y ait une fuite, c'était elle ?

Il acquiesça sans un mot et Annabelle recula, abasourdie. Et elle savait qu'elle allait encore avoir des choses à encaisser, mais déjà, la migraine la reprenait et elle porta une main sur sa tempe.

- Mais sa fille n'est au courant de rien, précisa le protecteur. Elle est, en quelque sorte, sa couverture.

- Une couverture qui s'est un peu retrouvée impliquée, pesta Annabelle. Tu as pris le contrôle de son corps si je me rappelle bien.

- On va éviter d'évoquer ça ici. On en reparlera une autre fois.

Annabelle aurait voulu répliquer, lui dire que jamais il ne recroiserait sa route, mais elle s'abstint. Galys revint à eux sans se douter de l'échange qu'ils avaient entretenu.

- Elle t'attend, dit simplement Bejörk, rangeant ses mains dans ses poches.

Douteuse, la jeune fille hocha finalement la tête et le quitta pour rejoindre une porte plus éloignée. L'appréhension grossissait autant que le ventre d'Aurélia avait gonflé durant des mois. Désormais, elle était dans cette chambre, à faire les cent pas de cette démarche disgracieuse d'une femme supportant un lourd poids, les cheveux blonds relevés dans un chignon dont les mèches évadées collaient à peau maculée de sueur. Elle avait les mains sur les hanches, soutenant son dos fatigué. Annabelle lui fit face et ne détourna pas le regard en refermant la porte derrière elle.