- Avez-vous pris une substance illicite ?
Le temps qu'Annabelle comprenne ce que lui demandait le Shérif qu'il avait déjà réitéré sa question trois fois sur un ton toujours plus agacé.
Elle secoua la tête, mais savait qu'il ne la prenait pas au sérieux. Comment expliquer à un homme qui n'a jamais vu de faculté en action que son propre corps l'avait amené jusqu'au milieu du lac, contre sa volonté ? Il la prendrait pour une folle.
Les secours étaient arrivés peu après qu'ils aient pu atteindre le bord du lac. Thomas n'avait jamais autant éprouvé de bonheur que lorsque son pied avait foulé la terre ferme. Jude crut même qu'il allait embrasser le sol. On les fit conduire au poste dès qu'ils constatèrent qu'aucun des trois n'était blessé, si ce n'est que deux d'entre eux étaient gelés jusqu'à la moelle malgré la chaleur corporelle dégagée par leur ami.
Sur le trajet, toujours dans un état de demi-conscience, Annabelle avait pu détailler plus clairement son sauveur, celui qui avait nagé dans les profondeurs pour sauver sa pauvre vie. Elle ne comprenait pas l'intérêt qu'il avait eu d'agir de cette manière. Mais elle comprit vite à qui elle avait affaire.
Un regard vers Thomas suffit à la convaincre. C'était l'idiot en question : Jude.
Les traits de ce dernier étaient assez fins, quoique recouverts de quelques vieilles cicatrices d'enfance. Ses cheveux noir corbeau recouvraient en grande partie son front et assombrissaient son visage. Bien qu'elle pût constater la grande taille de ses yeux, la pénombre ne lui permit pas d'en déduire leur couleur – surtout parce qu'il penchait la tête et conservait sa capuche par-dessus.
Il y avait de la nonchalance dans sa manière d'être, de se déplacer, et l'expression de son visage demeurait neutre, mais avec une pointe de mélancolie.
Au poste de police, les trois avaient chacun été séparés pour être interrogés. Cela ne dura pas longtemps. Le shérif allait conclure que trois adolescents, dont l'état de sobriété restait à démontrer, avaient pris un risque considérable et avaient échappé de peu à la noyade. Ce fait était indéniable pour Annabelle, qui avait pleinement reprit ses capacités physiques et sensorielles.
Lorsque la prise d'échantillon salivaire fut faite, George vint à sa rencontre et se positionna devant elle, le regard sévère.
- Je peux savoir ce qui t'a pris ?
- Je... Ce n'est pas...
- T'as décidé de faire ta crise ? T'es à quelques semaines d'avoir dix-huit ans et tu trouves rien de mieux à faire que d'aller te balader sur le lac à la fin de l'hiver. Je me demande ce qu'il se passe dans ta tête.
Son ton était sec, blessant et poignardait de plein fouet la poitrine de la jeune fille. Elle sentit sa gorge se nouer par la force de ses mots et se fit violence pour ne pas craquer.
- Donc, tu penses que j'ai délibérément marché jusqu'au centre du lac, c'est ça ?
Elle n'espérait pas de réponse de sa part, tout comme elle n'avait jamais rien attendu de lui depuis douze ans. Il ne se souciait d'elle seulement pour une chose. Pour respecter la volonté de Meryl.
- Anna, dit-il d'une voix plus calme, tu ne dors plus depuis des années. Tu bois du café depuis tes treize ans pour te maintenir en forme. Je t'ai vu tenir des propos incohérents lorsque tu étais à bout de nerfs. Alors excuse-moi de penser que quelque chose est en train de dérailler chez toi.
Elle renifla et conserva sa rage au fond d'elle. Tout d'abord, elle n'aimait pas ce diminutif venant de lui. Elle l'avait même en horreur, puisqu'il insinuait presque une sorte de supériorité sur elle. Ensuite, elle se sentait rabaissée par les propos utilisés. Incohérents. Dérailler.
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Annabelle Storm - L'héritière d'Organtia
Fiksi IlmiahAprès 40 ans d'Alliance avec Organtia, une adolescente marginale et insomniaque voit sa vie bouleversée par la venue de nouveaux intrigants. * * * * * * * * Habitant dans une ville réfractaire à l'évolution du monde, incluant l'Alliance faite avec O...