Chapitre 38 - Le plan foireux (1)

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Jamais il n'avait paru aussi bon à Jude que d'inspirer une bonne goulée d'air. Cela lui arracha des toussotements et la poussière s'infiltra dans sa trachée, mais il s'en fichait. Il respirait. Il était en vie. Et c'était ce qui importait.

Sa vision était encore trouble. Quelques rayons de lumière parvenaient à éclairer son visage couvert de poussière et de sang. Son sang. Il porta sa main à son front et tâta la plaie. Elle n'était pas très profonde et ses plaquettes s'affairaient déjà à fermer la brèche dans sa peau. D'autres filets coulaient de ses narines et de nombreuses coupures mutilaient son corps d'adolescent. Mise à part ça, il allait bien. Les souvenirs de la chute ne tardèrent pas à lui revenir en mémoire, tout comme ce qui l'avait provoqué. Soudainement secoué par l'angoisse, il tenta un mouvement d'extraction et un cri de douleur franchit alors ses lèvres, l'obligeant à regarder la vérité sous ses yeux embués de larmes. Non seulement la majeure partie inférieure de son corps était recouverte par les décombres, mais la terrible chute avait également réduit en miette son genou. C'était à peine s'il pouvait remuer les orteils.

Piégé, il observa autour de lui les gravats, s'assurant que ce qui le recouvrait n'était pas porteur d'autres débris plus lourds et également dangereux pour lui. Un par un, il souleva meubles et morceaux de mur par la force brut et psychique qu'il lui restait. Le moindre bruit suspect le mettait aux aguets. Par manque d'expérience, il ne pouvait effectuer que de petits mouvements. Il savait qu'un télékinésiste confirmé aurait déjà balayé les environs en quelques secondes. Lui venait d'éloigner un fauteuil et un morceau de baignoire et déjà presque cinq minutes s'étaient écoulées. Il pesta.

Redressé en position assise, il plongea ses mains devant lui, au travers des décombres pour dégager son bassin et ses cuisses. Chaque mouvement impactait sa jambe et il se mordait la joue pour retenir sa douleur. Il tenta d'extraire son membre à la force de ses bras en tirant son corps en arrière, cependant quelque chose coinçait son pied plus en profondeur, ce qui accentua sa colère et son impatience. Il contenait les larmes autant que sa force de caractère le lui permettait, mais il ne pouvait rien faire pour les soubresauts de sa poitrine. Sa gorge se serra et la culpabilité était l'émotion prédominante de son esprit. Il jurait contre son inattention et sa faiblesse. Cette chute aurait pu le tuer, il en était conscient, mais il aurait préféré pouvoir se rendre utile pour ses amis.

Son réveil lui fit penser qu'il n'avait aucunement conscience du temps qui s'était écoulé depuis l'effondrement. Néanmoins les bruits alentours et l'odeur de brûlé qui parvenait tout juste à ses narines lui faisait comprendre que rien n'était terminé.

Occultant la douleur un instant, il concentra sa faculté pour scruter les alentours, analysant les présences autour de lui. Il soupira de soulagement en repérant la présence d'Annabelle en compagnie de Thomas. Tous deux se déplaçaient, et le bruit de chute les accompagnant laissait à Jude assez d'imagination et de jugeote pour comprendre leur fuite. Il retrouva également l'enfant, tout contre Cemalis qui avait rejoint les policiers en position d'attaque.

Il comprenait que les choses prenaient un nouveau tournant, qu'ils n'étaient plus seuls face à cet ennemi, mais il savait également que cette action en place était trop insuffisante pour faire front. Il avisa également de son côté. Il devait à tout prix extraire sa jambe. Cachée sous les débris, il n'avait aucune idée de son état. Dans l'empressement, il tenta de soulever l'ensemble dans un laps de temps suffisant pour se sortir de là. Mais à peine eut-il entamé l'élévation qu'un débris vacilla plus haut, un morceau de mur, pour ensuite tomber plus bas, se brisant durant sa chute pour finalement terminer juste à côté de l'adolescent à présent recroquevillé sur lui-même. Son cœur tambourinait dans sa poitrine et la sueur coula le long de son dos. L'effort entier le faisait transpirer à grosses gouttes et la poussière qui l'enveloppait avait rendu sa gorge sèche. Son thorax le faisait souffrir. Cela faisait bien longtemps qu'il n'avait pas été aussi près de la mort, aussi près de sentir sa vie le quitter sans qu'il n'ait pu exaucer son vœu. Ses mains tremblaient d'angoisse et sa respiration était chevrotante. Il se sentait minable, faible et inutile. Il pinça ses lèvres pour se ressaisir, se forçant à reprendre courages. Ses amis comptaient sur lui et il n'allait pas les laisser tomber, tout comme eux ne le laisseraient pas tomber. Et pour cela, il allait devoir demander de l'aide.

Annabelle Storm - L'héritière d'OrgantiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant