Annabelle Storm - L'héritière d'Organtia

Chapitre 26 - Le visage de la vérité

Aurélia Wittemore était arrivée à Wakeford à seulement quelques semaines de grossesse accompagnée de son cher et tendre John. Annabelle se rappelait encore sa silhouette svelte et l'énergie dont elle débordait tandis qu'elle déchargeait le camion encombré d'une multitude de babioles en tout genre. Même si elle était bavarde et extravertie, elle parlait peu d'elle, de son passé et surtout de son petit ami. Lui-même ne lui avait que peu adressé la parole durant des mois. Or, s'il y avait un soupçon qui persistait, c'était qu'il était impliqué dans l'incident du lac.

Le doute était la seule chose qui subsistait en elle au cours des jours qui suivirent. Elle n'était plus capable de croiser le regard de sa voisine, celle qu'elle considérait presque comme une sœur. Il y avait fort à parier sur l'implication de celle-ci dans son agression. Était-elle au moins au courant ? Aurélia l'avait aidé à quitter la ville, mais tenait à la faire revenir pour la naissance de sa fille, et en y repensant, Annabelle s'interrogeait sur le possible lien entre toutes ces choses.

De la fenêtre de sa chambre, la Croisée observait les mouvements du voisinage. Tous deux se comportaient comme un parfait petit couple intégré à la société. Rien ne faisait de John un meurtrier, du moins pas en public. La pluie s'abattait sur la ville, alourdie par un violent tonnerre à faire frissonner les plus sensibles. Le changement brutal de température après une petite vague de chaleur annonciatrice d'un été caniculaire avait accentué les migraines d'Annabelle. D'ordinaire, elle aurait essayé de l'apaiser avec quelques heures de sommeil et un cachet, mais après avoir vu le visage de John apparaître sur l'écran c'était à peine si elle avait fermé l'œil. La tasse de café encore fumante dans ses mains témoignait de son acharnement à rester éveiller. Inéluctablement, son corps la lâcherait, mais ce n'était pas le moment pour ça.

La silhouette de Cemalis apparut dans son allée, vêtue d'un imperméable clair et portant un parapluie transparent au-dessus de sa tête. La jeune Organtienne se laissait flotter à quelques centimètres du sol – un moyen fort pratique de ne pas mouiller ses chaussures. Elle fut rejointe par Thomas accompagné de Jude une petite demi-heure plus tard et tous prirent place dans cette même chambre où l'odeur de la boisson chaude était déjà omniprésente.

- C'est tout de même dingue cette histoire ! s'écria Thomas en tenant le cliché entre ses mains. Jamais j'aurais soupçonné ce type, et encore moins sa bonne femme.

- Je t'arrête tout de suite, répliqua Annabelle en fronçant ses sourcils. C'est juste un doute. On ne va pas faire de conclusions hâtives. Et puis rien ne prouve qu'Aurélia est impliquée dans quoi que ce soit.

- Tu préfères nier ce qui te pend sous le nez, argua Jude, plus en retrait. Pourtant, elle vit avec lui, elle doit donc savoir quelque chose.

- Alors on fait quoi ? demanda Cemalis à l'assemblée. On va voir la police ?

- Ils nous croiront pas, bougonna Thomas. On n'a rien sur quoi se baser et juste une photo d'un type parlant à deux femmes. Rien de suspect en somme.

- Donc, il nous faut des preuves, conclut Jude.

Les regards se tournèrent vers Annabelle dont le visage était empreint d'une gêne maladive que Cemalis reconnut bien.

- Ne me dit surtout pas que tu veux t'introduire chez eux, supplia cette dernière en haussant les sourcils.

Un sourire crispé fendit le visage de la Croisée, ne laissant plus aucun doute sur ses intentions.

- Mais t'es pas bien ! Et tu veux nous impliquer là-dedans ?

- Calme-toi, Cem. Si c'est vraiment ce qu'elle veut faire, c'est qu'elle doit avoir de lourds soupçons.

Thomas saisit son amie par les épaules alors qu'elle jetait un regard noir vers l'hôtesse de maison. Depuis l'incident du lac, elle ne voulait pas de nouveau risquer la vie de qui que ce soit et encore moins celle d'Annabelle.