Chapitre 34 - Instinct de survie

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Annabelle faisait face à une femme affaiblie, le ventre encore gonflé, le visage creusé par la fatigue, se tenant éveillée avec peine. Dans ses bras gigotait l'enfant. Elle était à peine plus grande que son avant-bras, la peau rose qui contrastait avec la pâleur de sa mère, de petit cheveux blonds peu nombreux ornaient son crâne et la jeune fille distinguait une tache de naissance blanche dans le coin de sa joue. Aurélia ne semblait pas avoir remarqué la présence de son ami, ni même se rendre compte de ce qui venait de se produire non loin d'ici. Galys s'était contenté de les isoler toutes les deux dans un placard, les emmenant sur un fauteuil roulant.

Mais c'était sans doute l'odeur fétide qui se dégageait de la Classée qui la fit réagir. Son regard s'agrandit à la vue du sang et de l'état de la jeune fille, si bien qu'elle ne sembla pas trouver les mots à prononcer.

- Ann... Que... Ce sang.

Elle n'arrivait pas à en dire plus et la Croisée s'accroupit face à elle et attrapa sa main libre, faisant fit du sang sec qui la recouvrait. Elle savait qu'elle devait lui dire pour son protecteur avant qu'elle ne pose la question, mais le courage lui manquait. Elle pensait l'avoir épuisé lorsqu'elle avait fait face à son agresseur et qu'elle était désormais réduite à l'état de loque, inapte à aider qui que ce soit. L'enfant remua et à cet instant, Aurélia regarda Annabelle comme s'il n'y avait qu'elle. La jeune fille crut même lire dans ses yeux. Elle devait savoir, se douter de ce qui était advenu de Bejörk, seulement, elle avait besoin de l'entendre de sa bouche.

- Je suis désolée, Aurélia. Il est mort.

En prononçant ses mots, elle avait essayé de paraître le plus détachée possible, comme on l'avait fait pour elle quand elle avait six ans. Elle savait qu'ils blesseraient, mais qu'ils ne l'anéantiraient pas. Ils n'empêchèrent pas moins la déformation du visage de la jeune mère qui laissa échapper une plainte et des sanglots, plongeant sa tête contre sa fille. Elle le connaissait depuis des années en y repensant et le perdre l'affectait sans doute plus que ce qu'Annabelle avait estimé.

- Il faut qu'on parte, insista Galys en posant une main sur l'épaule de la mère endeuillée, et le plus tôt sera le mieux.

- Elle n'est pas en état de prendre la route, répliqua Annabelle, voyant qu'elle peinait à tenir le bébé.

- On n'a pas le choix, insista l'Organtienne.

Ses fines mains empoignèrent le fauteuil et, après un rapide coup d'œil aux alentours, se faufilèrent dans les couloirs de l'hôpital. La sonnerie ne cessait de retentir, assourdissants leurs malheureuses oreilles et augmentant les pleurs de l'enfant. Aurélia semblait trop fatiguée pour réagir à cela, mais elle câlinait autant que possible le petit corps entre ses bras. Ils croisèrent quelques personnes en panique qui se précipitaient vers les ascenseurs et les escaliers et d'autres qui les regardaient faire, n'ayant pas encore entendu les bruits circulant dans le bâtiment. Annabelle pensa que cet attroupement de gens perplexes pourrait très bien servir de couverture pour se plonger dans la masse et suggéra cette idée à Galys qui acquiesça. Autour d'elle, on lança des regards clairement dirigés vers la jeune fille, d'abord parce qu'elle était maculée de sang et ensuite parce qu'ils la reconnurent tous. Les ignorer fut bien difficile et elle se mordit la joue pour ne pas pester à haute voix.

Elles parvinrent à la zone où se trouvaient les ascenseurs, la plupart blindés de monde, mais elles n'avaient d'autres choix que d'en emprunter un pour faire descendre Aurélia. Et lorsque l'occasion se présenta à elles, l'accès fut refusé à Annabelle, les passagers craignirent tous de voir la Classée faire attirer le mauvais œil sur eux.

- On ne veut pas de toi avec nous, cracha l'un d'eux.

- C'est sûrement elle la meurtrière dont les gens parlent, pointa une femme d'âge mûr.

Annabelle Storm - L'héritière d'OrgantiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant